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Le radio-amateurisme en Algérie

Écrit par Michel Lagrot. Associe a la categorie Sciences et Techniques

Les Radioamateurs, vous connaissez ? Ce sont ces bricoleurs de génie, ces acharnés de l'expérimentation, ces passionnés des ondes radio, ces pionniers, qui, de la T.S.F. à l'ordinateur, n'ont cessé de faire un travail de fourmi à côté des "Grands", des officiels .... même quand ceux-ci n'y croyaient pas, eux, ils essayaient encore, et ils y sont souvent arrivés !...Dès les débuts de la Radio, lorsque les "ondes" avaient encore tout leur mystère, il s'est trouvé des amateurs, au sens le plus noble du terme, pour écouter et ensuite pour émettre, avec des moyens souvent dérisoires, mais une persévérance sans limite: Ainsi sont nées, dans les années 20, les premières liaisons radio transatlantiques sur ondes courtes; dans les années 50, les premières liaisons transméditerranéennes sur très hautes fréquences ....

Dans cet enthousiasme général pour le "défrichage" des ondes courtes, dont la technique et l'utilisation posaient d'énormes problèmes, l'Algérie a tenu une part importante: Nul doute que son esprit pionnier a, là comme ailleurs, poussé des hommes curieux et persévérants vers ce nouveau domaine à explorer.

Ce furent les "grands Anciens", tels Alphonse BOUTIE, qui écoutait la Tour Eiffel des 1 924 sur un récepteur à galène depuis sa ferme viticole de AIN TEDELES, et qui reçut chez lui le général FERRIE, éminent pionnier de la T.S.F. militaire: celui ci fut tellement étonné par les performances de son hôte qu'il lui fit décerner les palmes académiques! ....; puis Maurice ARTIGUE, alors étudiant en médecine à la faculté d'ALGER, qui, de la Place du gouvernement, tendait une antenne-pour procéder, sous l'indicatif 8RIT, à des essais de transmission avec Maurice CASSE, 8KIK, autre carabin, situé ....rue DUPUCH!.. et ça marchait! ! C'était en 1928, sur 32 mètres de longueur d'onde. Ailleurs, c'était Edmond BREAUD, un petit viticulteur de HAMMAM BOU HADJAR, plus tard FA8J0, expérimentant dans son coin; Eugène PINON, autre vigneron de CHEBLI, FA8CR...

Et l'émission d'amateur commençait à s'organiser sur le plan mondial, au fur et à mesure que les liaisons se faisaient à l'échelle planétaire et que les "officiels" prenaient la chose au sérieux; Alphonse BOUTER, déjà cité, devenu très officiellement FA8EV, fondait, avec un groupe d'autres amateurs le "RESEAU DES AMATEURS FRANÇAIS" toujours bien vivant. Mieux encore, notre FA8EV devenait membre fondateur de l'IARU, l'Union Internationale des RadioAmateurs, ce qui situait sa notoriété au plan mondial...

La technique faisait des progrès rapide, le nombre de fanatiques des ondes courtes augmentait, les indicatifs sortaient comme champignons, et les amateurs d'Algérie se distinguaient par la qualité de leurs réalisations techniques, comme par celle de leurs performances: Nos deux anciens Maurice, toujours là : ARTIGUE, médecin aux ISSERS, à l'entrée de la Kabylie, devenu FA8IH, faisait entendre cet indicatif dans le monde entier sur les ondes de dix mètres. Son efficacité était telle que lors d'un certain raid aérien au très long cours, il fut sollicité par les services officiels pour maintenir la liaison quand les stations "pro" avaient perdu le contact ce qui lui valut, en cette année 1932, des interviews quotidiennes dans l'ECHO D'ALGER''. L'autre toubib, CASSE, devenu FA8BG et oranais, faisait des étincelles, l'un des premiers amateurs sur les ondes de 160 mètres, et ensuite dans le difficile domaine des VHF, sur 5 mètres. Ils étaient rejoints par Maximilien RODRIGUEZ, FA8BE, Architecte à ORAN; le docteur Yvon FONTENEAU, FA3FM, à ALGER; Jacques BURY, FA9RZ, l'un des rares professionnels; Edouard RAYA, FA3JR, à ORAN, Et bien d'autres ....Sans oublier leurs épouses qui, souvent, suivaient leur mari en obtenant le fameux certificat qui faisait d'elles le "2° opérateur! ....

Apres la guerre, les formidables progrès de la radio se retrouvèrent, après 6 ans d'interruption pour cause d'interdiction officielle, évidemment, et les opérateurs d'avant guerre n'avaient rien perdu de leur enthousiasme: des petits nouveaux faisaient entendre leur voix ( La télégraphie morse des débuts, fierté des" vrais" opérateurs, aujourd'hui encore, avait parfois fait place au microphone ) C'était Hervé CHOLLET, FA9VN, à AOULEF; FA3WW, l'Abbé PORTA, à CONSTANTINE; Charly VERGOBBIO, FA8DE, garagiste à PALIKAO ; René FRITSCH FA9U0, à EL BIAR, venu d'IRAK; Pierre CACHON, FA9UP, brillant scientifique à la faculté d'ALGER, dont les cours de théorie devant les membres du réseau des émetteurs français d'ALGER, au grand amphithéâtre, sont restés dans les mémoires; Ils retrouvaient d'autres anciens comme FA8CC, Fernand LAYE, à EL BIAR, la très folklorique "cigale chantante", dont les tonitruantes émissions; passaient de temps en temps dans la sono des cinémas du quartier en plein suspense, à la grande fureur des directeurs de salles! Et aussi René FARDEL, pharmacien à AIN TEDELES, FA8LH ....

Ces années-là furent celles de l'exploration des VHF (.ondes très courtes), sur 72 mHz, puis sur 144 mHz; les "OM" (abréviation code de "old man", comme s'appellent familièrement entre eux les radios), appliquant les techniques nées de la guerre, réalisèrent des contacts sensationnels, alors qu'on croyait communément que ces fréquences n'étaient utilisables qu'à distance pratiquement optique; FA8BG reçut un jour, en 1950, un télégramme de l'amateur métropolitain F8KY lui signalant qu'il l'avait reçu sur 144 mHz ....ce n'était pas encore la liaison bilatérale, mais quelques semaines après,, ce fut la grande première entre Maurice JACQUOT, FA3GZ, situé dans les tournants Rovigo à ALGER, et F9BG à TOULON. Contact suivi de bien d'autres, FA8BG (.encore lui !)réalisant des "QSO" avec plusieurs dizaines de stations espagnoles, FA9RZ détenant un temps le record de distance mondial sur 144 mHz entre ORAN et le MONT VENTOUX, FA9VN se faisant entendre depuis AÏN SKHOUNA avec un émetteur de quelques watts, FA8IH (encore lui !) expérimentant avec succès des antennes très élaborées ....et tant d'autres .....des jeunes qui prenaient le relais comme LUCIEN BANTON, de SIDI BEL ABBES, plus jeune licencié de France à 17 ans en 1951.
En 1956, la liste officielle de amateurs autorisés en Algérie comportait environ 130 indicatifs; naturellement, en 1962, la grande diaspora Pied-Noir s'est trouvée dispersée, et hélas beaucoup de nos anciens ne sont plus qu'une croix sur la liste ....mais la flamme n'est nullement éteinte, les anciens FA s'entendent de tous les continents; en France hexagonale, ils se retrouvent pour un" QSO PIED NOIR", toutes les semaines sur les ondes et même pour certains, ( les retraités!) tous les jours ....vous pouvez y rencontrer, si vous avez l'oreille fine et un bon récepteur ondes courtes, entre autres fidèles, devinez qui? .... nos deux, MAURICE, FA8IH et FA8BG, dont les indicatifs ont, bessif, perdu le "A", pour cause d'expatriation, mais présents et tenaces!..

Et puis si vous voulez les rencontrer, rien de plus facile : ils se revoient annuellement devant une langouste ou une paella en septembre à LA ESCALA.

Meilleures "73", et à bientôt !

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