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Valmy, village algérien

Écrit par Robert Perez. Associe a la categorie Oranie

 
 

 

Première partie : survol historique


IL EST DES SITES qui paraissent insignifiants, quelconques, qui n'attirent ni ne retiennent le voyageur et qui sont pourtant, pour ceux qui y vivent, tellement attachants. Valmy, aux portes d'Oran, est de ceux-là. Centre de colonisation agricole, proche d'une grande ville en expansion, ce village est devenu peu à peu une banlieue résidentielle, industrielle, de loisirs, d'infrastructure aérienne, sans pour autant perdre tout à fait sa vocation agricole.
Mais commençons par le commencement...

Avant l'arrivée des Français

Avant 1830 il n'y a rien, rien qu'une vaste plaine desséchée, prolongement de la grande Sebkra d'Oran, entre les hauteurs du Murdjadjo et les monts de Tessala. Au milieu de cette plaine nue, émerge de buissons rares et ras, un bouquet de figuiers dont l'un est gigantesque. Ce survivant de la nuit des temps existera encore en 1930, toujours fécond. Ce lieu est tout naturellement dénommé « El Kerma » ou « le Figuier ». Ce vaste espace, abandonné aux pérégrinations de nomades faisant brouter au printemps la maigre végétation par leurs troupeaux, assiste au passage des caravanes reliant Oran à l'intérieur du territoire.

De 1830 à 1852

En 1830, à l'arrivée des Français et après la tentative d'installation du bey tunisien Kheiredine, le général Berthezène est chargé d'occuper définitivement Oran. Les Douaïrs et les Zmélas, tribus venues du Maroc en 1707 avec le chérif Moulay Ismaël, installées depuis lors dans la plaine de la M'Léta et du Figuier après soumission au bey d'Oran, prennent alors contact avec les Français.

En 1833 le général Desmichels se heurte à l'émir Abd-el-Kader. Le 26 février 1834 est signé le traité d'Oran : il s'agit d'un modus vivendi rédigé en français et en arabe avec deux versions très différentes. Mustapha ben Ismaël, chef des Douairs refuse de se soumettre à l'autorité d'Abd-el-Kader. C'est un revers cuisant pour l'émir. Après bien des péripéties, le 16 juin 1835 est signé le « traité du Figuier » entre le général Trézel et les représentants des Douaîrs et des Zmélas qui mettent leurs tribus sous la protection de la France. Un camp est établi par le général d'Arlanges. Ce camp du Figuier constamment amélioré et renforcé se révèle d'une réelle efficacité contre les attaques d'Abd-el-Kader. II donnera naissance à un village, Valmy, grâce aux militaires qui l'entretiennent, aux indigènes qui commencent à se grouper sous la protection de l'armée, et aux civils européens qui viennent tenter l'aventure sur ce nouveau territoire.

En 1847 les Français occupent un espace de trois lieues environ, le long de la route de Tlemcen entre le camp du Figuier et de Misserghin : la plaine est trop malsaine en raison des marécages de la Sebkra. Le séjour des troupes soulève de graves problèmes sanitaires et de ravitaillement. Aucune culture n'a encore surgi de ces terres salées, sèches, battues par les vents, rebutantes. Partout une solitude angoissante. Les civils français n'osent se hasarder sur les routes de Mascara et de Tlemcen, alors simples chemins de terre, sans la protection d'un convoi.

Après le relatif échec de la colonisation militaire chère à Bugeaud  vient l'époque de la colonisation civile. C'est le cas pour Valmy, grâce à l'installation de cinquante deux familles (deux cents personnes environ). Une concession est attribuée à chacune, allant de quelques ares à une dizaine d'hectares. Les débuts sont difficiles : terres insalubres, petites habitations de bois, maigres jardins, parcelles trop petites. Pourtant l'opiniâtreté des pionniers est conforté par l'ordonnance royale du 4 février 1848 qui confirme au lieu dit « le Figuier » un village portant le nom de Valmy, en mémoire de la victoire du 20 septembre 1792. Les limites du nouveau village sont imprécises : Oran (avec La Sénia) au nord, Misserghin à l'ouest, la Sebkra au sud-ouest, Sainte Barbe du Tlélat au sud, Sidi Chami à l'est.

Valmy sous le Second Empire : la période héroïque

A l'avènement de Napoléon III, lors du plébiscite de 1852, la plupart des localités d'Oranie votent massivement pour le nouvel Empereur. Mais à Valmy l'opinion est nettement républicaine : 56 « non » contre 13 « oui ». On y est aussi fervent catholique. Dès 1853 la construction d'une église est entreprise, témoignage de la volonté de demeurer sur une terre à laquelle on s'est attaché malgré les difficultés. C'est un édifice sobre de style roman, placé sous la protection de Sainte Catherine. Le '31 décembre 1856, Valmy devient par décret commune de plein exercice. Les débuts de la colonisation sont difficiles. Le paludisme, et surtout la mémorable épidémie de choléra en 1849 font de nombreuses victimes, dont le premier maire M. Duchapt. On connaît le vœu fait d'élever une chapelle à la Vierge sur les hauteurs de Santa-Cruz qui dominent Oran. A la fin de l'épidémie l'Oranie tient sa promesse, Valmy y contribue. On peut bientôt admirer en contrebas du vieux fort espagnol cet édifice, devenu basilique grâce à la ferveur d'un peuple profondément croyant

De 1880 à 1962.

Les pionniers qui se sont accrochés défrichent, cultivent, prospèrent. La construction en 1880 d'une école, agrandie à trois, puis à cinq classes, prouve que ceux qui ont survécu aux multiples difficultés ont assuré leur descendance et la continuité de l’œuvre. La plantation de la vigne, vers 1880, donnant immédiatement de bons résultats, procure à la région, et à Valmy, les ressources financières qui jusque là faisaient cruellement défaut. Malgré la catastrophe due au phylloxéra (surmontée grâce au greffage sur plants américains) la vigne restera la principale ressource agricole, avec une production de vin de qualité.

Dès la première guerre mondiale, l'aviation qui a trouvé un terrain de choix dans la vaste plaine nue et dégagée du « Figuier » s'installe entre Valmy, la Sénia et la Sebkra. L'activité aérienne prendra de plus en plus d'importance et bouleversera la vie d'une commune jusque-là spécifiquement agricole.

En 1935 une mairie moderne et fonctionnelle avec salle des fêtes est aménagée. En 1940 l'édification d'une mosquée par la municipalité répond aux vœux des musulmans qui composent alors près de la moitié de la population.

Comme toute l'Algérie, Valmy au cours des deux guerres mondiales offre son tribut de sang à la mère-patrie. Le 8 novembre 1942 les paisibles Valmyciens, surpris, sont réveillés au son du canon et des combats aériens. Ils croient la guerre à des milliers de kilomètres dans les steppes de la Russie ; elle est chez eux. Deux avions de la base aérienne proche s'écrasent en flammes. Deux musulmans sont tués en sortant d'une boulangerie, le clocher de l'église est décapité. Après quelques jours de cafouillage les alliés, considérés d'abord comme intrus, sont reçus à bras ouverts. Une franche sympathie s'établit entre la population locale et ces soldats avec qui on ira libérer la France occupée.

En 1945 la municipalité décide d'honorer la mémoire de ses enfants tombés au champ d'honneur par un monument inauguré en 1951. Erigé sur la place de l'église, il prend la forme d'une pyramide de 2,5 m de haut, juchée sur un piédestal carré, avec pour seul ornement une épée entourée de lauriers.

Après 1945, le village reprend sa vie paisible. L'augmentation du trafic de l'aéroport d'Oran-La-Sénia amène son extension sur le territoire de Valmy. La présence de vastes espaces libres et la proximité d'Oran en pleine expansion attirent sur la commune l'implantation d'industries, de services divers, et la création d'une autoroute pour désengorger la Nationale 4 qui traverse l'agglomération et ne suffit plus au trafic. Enfin, en 1954, la Marine nationale fait construire une importante cité pour loger les familles de ses bases de Mers El Kébir et de Lartigue. L'arrivée de six cent quatorze familles va doubler la population, donner un coup de fouet aux commerces et autres activités et nécessiter la construction d'une vaste école moderne de vingt-trois classes, l'ancienne devenant collège d'enseignement général.

Bien que gardant sa viticulture et son maraîchage, Valmy n'est plus un village agricole mais une jeune cité dynamique dont l'avenir, radieux, semble orienté du fait de sa position géographique, vers l'aviation, l'industrie et les techniques du futur.

1962 en décidera autrement. Valmy perdra sa population, son dynamisme, et même son nom, synonyme de victoire.

(A suivre)
Robert PEREZ
 (D'après un mémoire de Jean MORRAL)

in l’Algérianiste n° 60 de décembre 1992

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