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Bouguirat

Écrit par Marcelle Martinez-Orcel. Associe a la categorie Oranie

BOUGUIRAT
1862-1877

Par un décret fait à Paris le 16 avril 1862, " Napoléon, par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Français " décide :

" Il est créé dans la plaine de Bouguirat, province d'Oran, sur la route de Mostaganem à Relizane, un centre de population de 48 feux qui prendra le nom de Bouguirat. Un territoire agricole de deux mille quatre cent dix-huit hectares, soixante dix-huit ares, est affecté à ce centre, conformément au plan ci-annexé "

C'est là, l'acte de naissance du village de Bouguirat. A partir de cette date, le nouveau village va prendre place, corps et vie au fil des années.

Suivons le début de sa jeune existence à travers les événements, petits ou grands, qui jalonnent ses quinze premières années. Que lui apporte chacune d'elles ?

1862

Le village est implanté sur le territoire qui lui est attribué par le décret cité précédemment. Mais où exactement ?

On envisage tout d'abord de le créer près d'un caravansérail construit au bord de la voie Mostaganem-Relizane existant alors. Mais, celle-ci longeant un marais insalubre, le nouveau centre est finalement édifié 2 Km plus au nord, sur une nouvelle route reliant les deux villes, à 28 Km de la première et à 31 Km de la seconde.

Comme l'indique le plan ci-après, il comprend :

- 2 places centrales de 90 ares chacune séparées par la route nationale. Sur l'une d'elles, un puits et un abreuvoir publics.
- 4 lots à bâtir, situés à l'arrière des places, prévus pour l'édification de bâtiments publics.
- 48 lots à bâtir de 15 ares chacun, répartis par moitié sur une longueur de 825 m, de part et d'autre de la route Mostaganem-Relizane sur laquelle ils ouvrent.
- 8 lots de 90 ares chacun adossés aux précédents et bordés par des boulevards arrière parallèles à la rue principale ; ils sont destinés aussi bien à des artisans éventuels qu'à des fermiers installés dans la plaine désireux d'avoir un 'pied-à-terre' dans le bourg.

Le territoire agricole qui entoure l'agglomération est divisé en 126 "lots ruraux". 115 d'entre eux sont attribués aux propriétaires des lots à bâtir afin d'être exploités comme terres agricoles. 9 sont réservés à différentes fins : " bivouac, cimetière, instituteur, cure, réserve communale, communal du marais, places publiques, mosquée de Sidi Charef, mosquée d'Abdallah ". Au total : 409 ha 31 a. Le lot n° 116 est " donné en concession à une compagnie, la compagnie Malavoix, afin de faciliter les essais de cultures cotonnière étendue ".

 

 

Le lot n° 119 devient, lui, "réserve domaniale". Dépend aussi de BOUGUIRAT, un hameau, le hameau d'Aïn-Madar, situé environ à 6 km au nord-est du bourg. C'est un coin vert et fertile grâce à un ravin qui lui apporte à longueur d'année l'eau de nombreuses sources situées dans des montagnes sablonneuses et boisées qui le surplombent. Y est installé une ferme de 128 ha en amont de laquelle un moulin à eau construit par M. Winkel avant même la création de Bouguirat, moud le grain des villages environnants et même des villes plus lointaines comme : Oran, Relizane, Orléansville, etc…'

Aïn-Madar est relié à Bouguirat par un chemin vicinal qui se prolonge jusqu'à Aïn-Tédélès et Souk-el-Mitou (Bellevue). Vers le sud, existe un deuxième chemin vicinal, celui de Bouguirat à Perrégaux qui passe par Romry (Nouvion) et la gare de l'Oued Malah.

Administrativement, la nouvelle commune est rattachée à Relizane.

Dès l'annonce de la création du village, de nombreux candidats à la propriété se présentent. Pourtant les concessions proposées ne sont pas gratuites. Chaque colon doit s'engager à bâtir à ses frais une construction en rapport avec la valeur des terres qui lui sont concédées, et ce, dans un temps donné sous peine d'être évincé. Il est en outre imposé de " 1 F par ha de lots ruraux et de 0,50 c par are de lots à bâtir ".

Ce qui n'empêche pas la demande d'être grande ? Devant son importance, l'administration fait un choix. Elle établit trois listes ; celle des inadmissibles, celle des douteux, celle enfin des admissibles. Finalement, 48 noms sont retenus.

Parmi eux : Heintzmann Michel, Blesson Jules, Tortet Jean, Marcel Pierre, Duffaux Hippolyte, Smidt Alexandre, Grignon Zéphir, Chabrat Jacques dont des descendants habitent encore Bouguirat un siècle après, en 1962.

Tous les concessionnaires choisis alors ne s'installent pas forcément dans le nouveau village. Certains revendent presque immédiatement leur concession. Ainsi les lots 25 et 28 sont vendus 'aux Dermy' ; le 16, à Joseph Estève. D'autres ne se présentent pas du tout, par exemple, Olivier-Pierre Marutin concessionnaire du lot 22. Enfin, quelques-uns, dans un délai plus ou moins long, se fixent ailleurs : le propriétaire du lot n° 12 part à Blad-Touaria, celui du n° 25 bis à Aboukir. Quels qu'ils soient, tous ces nouveaux agriculteurs auront fort à faire et pour mettre en valeur des champs en friche " envahis par une forêt de jujubiers et de palmiers nains " qui servent de "refuge" à un grand nombre de chacals, gazelles et surtout à une infinité de moineaux " et pour payer à l'Etat " la rente des terres dont chaque concession est imposée'.

1863

L'année commence, le 3 janvier exactement, par l'inauguration du nouveau centre "sous les auspices de M. le général Lapasset alors colonel d'état-major commandant la subdivision de Mostaganem". Alors, peu à peu, la vie démarre et s'organise dans cet embryon de village où n'existent ni mairie, ni école, ni église.

" Le village de Bouguirat n'étant créé qu'avec ses seules ressources, l'Etat ne l'avait doté d'aucun bâtiment civil public ".

Chaque colon s'active à s'installer, à construire son toit, à s'entourer d'un jardin où il plante des arbres " de toutes espèces ", à défricher les terres de sa concession. Comme il faut assurer la nourriture de chaque famille, une décision commune est prise : la création d'un troupeau de porcs, bêtes qui ne demandent que peu de soins. Au début de l'été, un événement important par ses conséquences : la compagnie Malavoix est déchue de ses droits de propriété par le conseil des Affaires civiles de la division ; décision que le Gouvernement Général approuvera le 1er août. A la suite de quoi, les 400 ha du n° 116 et, dans la même foulée, les 644 ha 98 a 80 ca du n° 119 réservés, les premiers à la compagnie Malavoix, les seconds comme "réserve domaniale" sont "proposés pour être affectés à la colonisation".

On divise alors la première parcelle en 15 "lots de ferme" de 22 à 30 ha chacun et la deuxième en 24, d'une étendue analogue. Soit au total, 39 lots de ferme situés derrière le marais au sud du village qui viennent s'ajouter aux quelques domaines ruraux créés initialement.

Et pourtant, peu de fermes se créeront, aussi bien immédiatement que plus tard. En 1877, quinze ans après la création du centre, 4 seulement "seront bâties" et 2 "seulement habitées".

A cela, deux raisons majeures : d'abord, l'insuffisance des terres concédées à une ferme, ensuite, la difficulté de s'y ravitailler en eau. Dans les lots de ferme, "il faut aller à 15 ou 20 mètres pour trouver l'eau ; encore est-elle saumâtre et en petite quantité".

Un problème que ne connaît pas le village lui-même car, autour de l'agglomération, existe, sous une couche de tuf blanc située à 50 cm de profondeur, une nappe d'eau " ne renfermant aucun sel pouvant lui donner un goût désagréable", "une vraie rivière souterraine". Si bien que " chaque maison a son puits dont la profondeur est en moyenne 4 m ", un puits dont " l'eau bonne et limpide cuit parfaitement les légumes ", qui est " fraîche sans être froide et l'hiver paraît tiède à l'air extérieur ".

L'opération "fermes" échouant, les lots leur revenant sont concédés " à des employés militaires et civils en activité ou en retraite ", habitant les villes ou même la France et qui ne viendront jamais visiter leur concession mais se contenteront de louer ou de faire louer leurs terres à des Arabes.

Ce qui influe sur la physionomie de l'agglomération elle-même. La population étant moins forte qu'on ne l'avait espéré, beaucoup de lots bis restent vacants. Ils seront alors concédés soit à des colons déjà propriétaires du lot mitoyen ouvrant côté route " ce qui leur constitue une propriété de 30 ares au lieu de 15 ares ", soit vendus dans le domaine à de nouveaux demandeurs.

Le 4 septembre, le village naissant enregistre son premier décès, celui du "sieur Chabrat, colon de 76 ans". En creusant sa tombe, on s'aperçoit que la roche de tuf blanc est très dure à moins de 40 à 50 cm au-dessous de la surface du sol. Il est décidé alors de déplacer le cimetière. Le premier emplacement choisi est annulé et le cimetière est décalé dans un lot voisin distant d'environ 50 m du premier prévu.

De septembre à novembre, on entreprend une œuvre d'utilité publique : la construction d'un canal de dessèchement et d'assainissement du marais situé au sud, le long de l'ancienne route de Mostaganem-Relizane à environ 2 km du village car ce marais " est un danger pour la santé des habitants ". Les moustiques y prolifèrent et propagent le paludisme qui fait des ravages.

Terminé, le canal mesure environ 3 km de long sur une largeur moyenne de 3 m. Son efficacité est réelle. "Il coule comme une vraie rivière" mais il demande à être souvent dégagé. Des roseaux et des joncs plats l'obstruent sans cesse.

En décembre, lorsque l'année tire à sa fin, 140 habitants peuplent le nouveau village.

1864

C'est l'année de la première naissance, celle d'une petite fille née le 1er mai, une petite Marie-Julie Jambert, le premier enfant qui voit le jour dans la commune. C'est aussi l'année, où en août, Bouguirat devient une commune séparée de Relizane.

1865

L'obligation d'élever une construction " en rapport avec la valeur des terres concédées sous peine d'être évincé " est supprimée si bien que, affranchis de cette obligation, plusieurs concessionnaires s'abstiennent de bâtir.

Résultat : des lots nus qui forment ' des vides disgracieux dans le village ' et qui resteront ainsi pendant bien des années détruisant l'harmonie de l'ensemble. Cependant, deux bâtiments non prévus sur le plan primitif se sont ajoutés au bout de l'agglomération côté Relizane, à la suite du dernier lot tracé : "un établissement créé par le sieur Henri Brassier dont la veuve épousera plus tard un sieur Hermann" et la maison des cantonniers, construits, l'un et l'autre, sur une partie réservée au bivouac.

1866-1867

Sur les terres nouvellement défrichées, facilement accessibles puisque " toutes les concessions sont desservies par des chemins ruraux excepté un seul lot de 4 ha enclavé que l'on atteint en passant par les lots voisins ", les colons font des essais de cultures. On plante ' quelques ha de coton arrosés par des norias', du tabac, du lin. Les résultats sont bons. "Le sol de Bouguirat est propice à toutes les cultures" grâce à la nature variée des terres qui le composent.

Des sols légers "composés de sable gros de nuance rougeâtre et de terre grise" reposant sur une couche de tuf blanc "gras dans certaines parties et dur comme la pierre dans d'autres", alternent avec des terres fortes, grasses, des sols profonds "composés de terres argilo-calcaires mélangées d'alluvions" apportés par les ravins qui "glissent sur les montagnes comme sur des toits" à la suite des grandes pluies.

Cependant, pour plusieurs raisons, entr'autres : rapports peu intéressants, manque de débouchés proches de la commune, installations coûteuses, manipulations et soins nombreux demandés par le tabac en particulier, ces cultures seront plus ou moins abandonnées au fil des années au profit des céréales et de la vigne. Quelques colons se lancent dans l'élevage des abeilles. Mais comme 'il est arrivé que plusieurs fois les ruches ont été volées par les Arabes', ils finissent par délaisser cette ressource. Le nombre de têtes de bétail est encore assez modeste : 32 chevaux, 6 mulets, 90 bovins, 70 chèvres mais déjà 238 moutons et 148 porcs.

Quant au nombre d'habitants, strictement des Français, il est de 175 fin 1867 : 158 pour le village proprement dit et 17 répartis dans les fermes. 51 maisons sont construites, 69 puits et norias creusés ; enfin, 1410 arbres ont été plantés dont 40 mûriers.

1872

A cette date, les chiffres montrent la progression sensible amorcée dans plusieurs domaines.

La population a augmenté de plus de 100 unités en cinq ans. Le nombre d'habitants se monte aujourd'hui à 279. Il est vrai que ce chiffre regroupe non seulement des Français, 229 exactement, mais aussi pour la première fois, 40 étrangers et 10 indigènes.

Le nombre de maisons est passé à 55 ; 4 constructions nouvelles en cinq ans. D'autre part, 8 tentes et gourbis ont été montés.

La plantation d'arbres de différentes espèces continue et se diversifie. Sont plantés à ce jour 2625 arbres fruitiers à feuilles caduques, 125 bananiers, orangers et citronniers ; 500 forestiers et d'agrément et 500 mûriers. Pourquoi tant de mûriers ? Quelques colons essaient d'élever des vers à soie. Ils y réussissent très bien. "La graine est belle et le ver d'une belle venue". Malheureusement, le manque d'acheteurs et l'insuffisance des plantations de mûriers les obligent à abandonner.

Enfin 140 oliviers sont greffés.

Le bétail a augmenté en nombre. 70 chevaux, 25 mulets, 130 bovins, 270 ovins, 83 caprins, 225 porcins sont recensés cette année-ci.

En septembre, a lieu pour la première fois depuis sa création, un nettoyage du canal du marais sous la surveillance des Ponts et Chaussées. Cette opération sera renouvelée en mars 1877.

1875

Construction de l'école et de la mairie, payée en partie par la commune, en partie grâce à des subventions de l'Etat. Jusque-là, comme aucun bâtiment public n'existait depuis sa création, la commune a dû elle-même suppléer à cette absence. Elle l'a fait en louant des locaux privés où s'installent les principaux services publics. Ce qui absorbe la plus grande partie de ses revenus.

 


La mairie et les écoles

 

Ainsi, la location annuelle pour l'école et la mairie se monte à 700 F ; celle de l'église à 45 F et celle du presbytère à 600 F. Soit un total de 1750 F par an.

La commune réussit à y faire face grâce surtout aux revenus substantiels que lui fournit le marché ; un marché très important qui se tient chaque mardi et donne lieu à un mouvement commercial d'envergure portant sur les ventes et achats d'animaux et de denrées de toutes sortes.

Les cinq premières années de son existence, la commune réussit à louer le marché jusqu'à 10000 F par an. En 1867, une disette qui a réduit considérablement le nombre d'animaux, fait tomber cette location à 5750 F. Celle-ci remontera peu à peu jusqu'à atteindre 7250 F en 1875.

L'édification de l'école et de la mairie va donc permettre de réduire ces dépenses de location qui s'allégeront aussi bientôt de celle payée pour l'église.

1876

Voit enfin s'achever l'église dont les frais totaux de construction sont évalués à 36000 F. Cette dépense est réglée, elle aussi ; non seulement à l'aide de subventions données par l'Etat mais aussi " à une allocation de 3000 F faite par la commune ".

L'église " a été bâtie d'après les plans de l'administration des bâtiments civils, sous la direction de M. Nicolle architecte. Son style est composé de grec et de gothique. Elle forme la croix latine et a un clocher terminé en flèche ".

"C'est un monument de luxe comparativement à l'importance du centre", au dire des villages voisins, jaloux. "Que nous avons payé avec nos propres deniers", rétorquent les Bouguiratois en retour, évoquant "les énormes locations réglées jusqu'à ce jour faute de locaux disponibles qui n'auraient rien coûté" et aussi "la rente des terrains payées à l'Etat dont chaque concession est imposée", dépenses que les autres villages n'ont point connues.

L'achèvement de l'église est le grand événement de l'année en cours. Pour le reste, la vie suit son cours ; pas de grands changements à noter. Signalons cependant que 4 maisons nouvelles ont été édifiées depuis 1872, ce qui porte à 59 le nombre d'habitations du village.

Quelques habitants de plus : 297 au total contre 279 quatre ans plus tôt. Français et étrangers n'ont augmenté que de 2 unités : 231 Français au lieu de 229 et 42 étrangers au lieu de 40. Par contre 24 indigènes au lieu de 10.

Il semble qu'une spécialisation des cultures commence à se faire. La culture du tabac est totalement abandonnée ; celle des céréales se maintient alors que la surface plantée en vigne a triplé en 4 ans : 37 ha contre 12. Le nombre d'oliviers greffés a plus que doublé : 290 contre 140. Bien que plus modérément, celui des autres espèces d'arbres continue à croître.

Depuis la création du village, 5205 arbres ont été plantés.

Le cheptel grossit dans l'ensemble. Si les chevaux ne sont qu'en légère progression, 19 de plus en 4 ans, les bovins et les ovins sont deux fois plus nombreux. Le nombre de porcs, lui, décroît sensiblement, 62 seulement contre 225 en 1872. Il est vrai qu'on en élève moins 'à mesure que le pays se défriche et se cultive à cause des dégâts que ces animaux commettent dans les jardins, les norias et les champs ensemencés'.

Pour nourrir tous ces troupeaux, existent 381 ha de terres de parcours sur lesquelles veille le garde champêtre du moment, M. Provost. Ces pâturages regroupent aussi bien les communaux de la montagne que ceux du "marais qui est vert toute l'année".

1877

15 ans ! Bouguirat atteint sa quinzième année. Où en est le village ?

D'après un rapport en date du 18 avril 1877 rédigé par M. Marcel, le propriétaire de la ferme du hameau d'Aïn-Madar et du "moulin à farine" mais surtout, le maire du village, le nouveau centre créé le 16 avril 1862 sur la route de Mostaganem à Relizane "a progressé d'une façon assez sensible". Sa population "en majeure partie travailleuse et énergique où il n'y a aucun ivrogne" a réussi malgré les grandes difficultés que lui procuraient "la nature du sol, l'insurrection, les épidémies, les sauterelles " à bâtir en peu de temps, un vrai village d'une soixantaine de maisons, avec une église, une mairie, une école, une école laïque gratuite où " l'instituteur qui est marié, a une subvention de la commune pour que sa femme ait soin des petits enfants et donne des leçons de couture aux jeunes filles ", et même, un médecin de colonisation, M. Colozi, qui réside à Aboukir mais qui vient chaque semaine, le jour du marché, visiter les malades ; un village vivant où règne " une certaine animation " qu'il doit au marché du mardi très fréquenté et à sa situation à mi-chemin entre deux villes dont il est le point-relais. Chaque jour, dix voitures publiques auxquelles s'ajoutent de nombreux véhicules de transport et aussi des voitures particulières, le traversent ou y font étape. un village d'avenir puisqu'il " est parvenu à surmonter tous les obstacles par l'énergie de ses habitants que rien n'a pu décourager " et qu'il n'a cessé de progresser de jour en jour.

1877-1880

Cependant, les conditions de vie très dures que supportent les colons pour subsister et, pour beaucoup d'entre eux, l'épuisement de leurs ressources, entraînent dans leurs rangs de nombreuses défections.

En 1880, un tiers des 48 feux existant au départ a disparu. C'est alors que le conseil municipal émet un vœu d'agrandissement de la localité par la création de nouveaux feux ; agrandissement qui est réalisé l'année suivante.

1881 - 1962

En 1881, 28 nouveaux feux et 28 nouvelles concessions agricoles sont créés. Le village, alors bien implanté, n'a plus qu'à améliorer ses structures et à embellir son site. Ce qu'il fait.

En 1886 :

- Une subvention est votée pour continuer la construction de l'école ; une autre est prévue pour élever des murs de clôture autour du marché.
- Les eaux des sources de Kitchoua et de Madar sont captées pour approvisionner le centre en eau potable.
- Le bois d'oliviers est planté le long du boulevard arrière sud et l'on reboise "en massifs" le ravin du cimetière.

En 1889 :

On construit les canaux d'irrigation des jardins, les rigoles. Avec le début du siècle, le village atteint son âge adulte. Il est alors peuplé, en 1900 exactement, de 491 habitants : 373 Français, 5 Israélites, 113 étrangers. La population musulmane comprend 347 membres.

Il possède " tous les édifices publics " : mairie, écoles, poste, gendarmerie, église et presbytère, une salle des fêtes, un dépôt de remonte et même deux cafés : " Le café de la place" et " Le café de la Colonie". Il mène alors la vie calme et laborieuse d'un village sans histoire qu'animent agréablement fêtes publiques ou religieuses, qu'agitent, juste ce qu'il faut et le plus souvent le temps d'une élection, des querelles sans gravité, que secouent parfois violemment quelque catastrophe naturelle : invasion de sauterelles, sécheresse ou terrible tempête comme celle du 27 novembre 1927 qui déracine les grands pins des places publiques et fait 11 noyés parmi les indigènes de la commune.

Un train-train quotidien bien tranquille en somme, mis à profit pour continuer la mise en valeur des terres cultivables et augmenter les richesses agricoles de la région. En particulier, la culture de la vigne qui s'étend, s'intensifie. Et bientôt, des caves se construisent, caves individuelles d'abord puis caves de négociants : cave Bourdié, cave Evrard, cave Heintzmann, cave Rayret, sans oublier la cave coopérative qui regroupe la plupart des viticulteurs du bourg. La plantation de nombreux oliviers autour des vignobles entraînera l'ouverture d'une huilerie. Un essor économique constant que seules, les deux guerres mondiales, celle de 14-18 où plus de vingt jeunes disparaissent, et celle de 39-45, moins meurtrière - un seul mort - mais aussi traumatisante et négative, stoppent momentanément.

La seconde guerre à peine finie, le village repart de l'avant. Il emploiera ses dernières années à parfaire son image et à rendre la vie plus facile et plus agréable à ses habitants. Un poste de médecin de colonisation ainsi qu'un dispensaire pour indigents sont créés. Le Docteur Geisen s'occupera des deux jusqu'au dernier jour. Une pharmacie, tenue par M. Petit, ouvre ses portes.

Une classe de plus est ouverte à l'école des filles. Une poste nouvelle et fonctionnelle est construite. La mairie voit sa façade restaurée ; les places publiques sont transformées en jardin et les vieux mûriers des boulevards -à cause de leur âge justement- sont remplacés par des orangers amers si odorants au moment de leur floraison.

Un bois de peupliers est planté à la suite du marché et les collines avoisinantes du cimetière sont reboisées.

Pour permettre à ses occupants de se ravitailler en eau sur place, un puits est creusé à l'intérieur du douar du cimetière tandis qu'à proximité de celui du marais, où l'eau est saumâtre, un puits d'eau douce est foré.

 


L'église, le presbytère à droite, la gendarmerie à gauche
Bouguirat vers 1960

 

Quand 1962 vient briser cet élan en avant et met fin brutalement aux efforts continus et collectifs de toute une population pendant cent ans, Bouguirat, avec ses maisons individuelles coquettes et fleuries, ses larges boulevards, ses arbres, ses abords bien entretenus, est un des villages les plus coquets de l'Oranie française.

 

 

On peut y lire :

BELDAIED Ladjel 6.6.1915
OLIVER Joseph 12.7.1915
ALLARD Eugène 15.7.1915
LABAT Joseph 3.8.1916
STEFFEN Eloi 7.4.1917
ESTEVE Joseph 3.5.1917
DIEUZE François 7.7.1917
LARROQUE André 2.2.1918
GUILLO François 27.9.1918
BENJAYOU Xavier Sergent
16.10.1918
BENGUIGUI Frédéric


Monument aux Morts

 


Madame Marcelle MARTINEZ-ORCEL
(avec l'aimable autorisation de l'auteur)

Quelques noms de personnages marquants :

Maires :

Le premier : Antoine MARCEL ;
Les trois derniers : 1919-1962 :
- Paul DERMY,
- Victor HEINTZMANN,
- Emile MARTINEZ

Enseignants :

- Laetitia LAFERRIERE, institutrice pendant 30 ans de la classe enfantine.
- Adeline MARTINEZ, née ESTEVE, directrice de l'école de filles pendant 30 ans.

Prêtre :

L'abbé Pierre-Célestin FABREGUETTE, curé de la paroisse pendant 36 ans, de 1907 à 1921 d'abord, puis de 1946 à 1970.

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La plupart de nos articles sont issus de notre Revue trimestrielle l'Algérianiste, cependant le Centre de Documentation des Français d'Algérie et le réseau des associations du Cercle algérianiste enrichit en permanence ce fonds grâce à vos Dons & Legs, réactions et participations.