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Aboukir

Écrit par François Rioland. Associe a la categorie Oranie

Ce titre entre guillemets, je l'emprunte à une native de ce village, Gilberte MARTINEZ-PORTET qui, déjà. en 1968, l'avait évoqué de maîtresse façon dans notre cher " Echo ". Une belle page de souvenirs épars, résumés certes, mais combien attrayants et émouvants, et aussi empreints d'une mélancolie indéfinissable pour tout esprit peu éclairé, ce sentiment que nous ressentons tous, lorsque nous nous retrouvons face à face avec notre passé, autrement dit quasi chaque jour, aux instants où " les yeux du coeur voient plus loin que ceux de la raison".

Aboukir. Dans l'histoire de l'Hexagone, un nom de victoire et un autre de désastre, celui-ci effaçant celui-là. Dans la nôtre, celle de l'Algérie française, un long et rude combat des pionniers de 1848, dont la quasi-totalité a participé à l'avènement de la Seconde République, mais que le Gouvernement Provisoire ne peut employer à quelque tâche que ce soit, la misère étant si grande dans le monde ouvrier et particulièrement dans la Capitale. Alors, on les exile en Algérie, Un long et rude combat mené par une classe sociale n'ayant quasiment eu, dans sa majorité, nul contact avec la terre. Un combat de tous les jours contre la nature ingrate, contre la malaria, contre l'administration parisienne déjà, ne le taisons pas. Un combat, mais aussi une réussite totale pour ceux à qui les Martel, le s Boutillol, les Girard, les Tricot, les Fargin, les Dugay, les Blesson, les Bourniol, les Chamusy, les Carle, les Lamote, les Israël, les Laborie, les Galbrun, les Julien, les Kirch, les Galais, les Bazin, les Dumont et tant d'autres auront ouvert le chemin. Une réussite qui a nécessité de l'ardeur, du cran, du courage, une volonté de fer, car il fallait prolonger l'effort en faveur de ceux à qui devait être passé le flambeau. Une réussite dans tous les domaines, le social en particulier à l'endroit de l'autochtone.

Comme la nature est belle, le ciel d'azur transparent, sous le soleil de Messidor, tout au long de la route qui relie Mostaganem au lieu de notre pèlerinage ! Çà et là, des vignobles aux grappes pesantes et colorées, des bougainvillées aux teintes de feu, des bigaradiers et des glycines ornant les demeures des villages traversés, d'un côté la ferme de mon vieil ami l'agha Bourahla, de l'autre la propriété et la cave de la veuve Godillot, et tant d'autres, vivantes parce que très animées en cette saison ; d'attachantes images qui feront rêver, et pleurer, plus d'un de nos compatriotes de cette région, bénie des Dieux, qui a su récompenser le labeur; et puis des fleurs, modestes mais à profusion, de toutes teintes, groupées mieux qu'un bouquet ou une gerbe, offrant l'illusion d'un immense et chatoyant tapis. Plein les yeux, m& amp; amp; ecirc;me si les larmes les gonflent ; plein le coeur, même s'il saigne... Rêvons, rêvons le plus longtemps possible... Quant à moi, si d'aucuns ne peuvent me suivre dans mes pensers, qu'ils me laissent une fois de plus maudire les satrapes qui m'ont privé de ces chers horizons, les responsables, tous les responsables de tant et tant de nos maux... Mais voici un carrefour et là, sur notre gauche, un panneau à fond bleu portant en lettres blanches le nom d'un village de France, autant français sinon plus, et je n'exagère pas, que certains rencontrés aux lendemains de l'exode ou au cours de notre exil et, en revenant en arrière, ces autres où le cantonnement, même d'une nuit, nous était clairement refusé, parce que nous allions attirer les... Prussiens (1939-40) : Aboukir, ce havre accueillant, la halte de ce mois et sans doute d'un prochain, car ce numéro ne me permettra pas de m'étend re d avantag e, pour essayer de parfaire cette étape de notre long périple. Parviendrons-nous, disais-je récemment, amis lecteurs qui me suivez chaque mois, à accomplir intégralement notre périple à travers notre chère Oranie ?

Nous voici sur la place publique, ombragée à souhait par les soins de la première charrette de ces exilés de l'époque, à qui ON aura promis beaucoup...

... Bonaparte. Eh oui, c'était son nom de baptême, à l'époque héroïque de la conquête, alors qu'Aboukir ne comptait, du moins à ma connaissance, nul natif de l'Ile-de-Beauté. C'était alors l'heure d'une nouvelle lignée de colons, la relève, et ceux-ci ont noms Joyet, Peter, Legrand, Veyron, Albourg, Journet, Dubuche, de Montigny, Périer, Senut, Tortet, Portet, Salgues, Moret, Bichet, Pujol, Lagarde, Delacour, Bardoux, Pelisson, Julien... Une relève qui va aussi souffrir pour parfaire l'oeuvre des premiers, consolider les assises de la bourgade, bâtir, assainir, agrémenter le cadre... De la place, tournons nos regards vers la "maison commune" des " quarante-huitards".A cette image du siècle dernier a fait place un haut et vaste bâtiment à l'allure d'hôtel de ville de moyenne cité, co mportant entrée et fenêtres du style "Jonnart", comme la gare d'Oran, et Aboukir étant une victoire de l'Empereur au cours de la campagne d'Egypte, ses habitants, qui en ont le culte, vont donner aux premières rues ouvertes des noms qui évoqueront la mémoire de certains de ses plus prestigieux lieutenants : Lannes, Murat, Kléber, Leturcq, Larrey, le grand chirurgien de la Grande Armée, Destaing.

Que les descendants des familles citées dans ces pages ne m'en veuillent pas si, au tableau d'honneur d'Aboukir, J'inscris la famille Jacquot. J'ai connu l'ancêtre, décédé quasi centenaire, qui fut maire durant un demi-siècle et cité en exemple pour son humanisme à l'endroit de l'autochtone, à l'effet de le sortir de son apathie, de son fatalisme traditionnel, de son farniente que l'on dit revenu à fond de train après notre départ. L'un de ses fils administra aussi la cité, et son petit-fils, René, fut le dernier maire français de ce beau village doté, à rendre jaloux les habitants de milliers (pour ne pas dire plus) de communes rurales de l'Hexagone, d'une recette postale, d'une église, d'écoles en dur et non en carton-pâte, de terrains de sport (football, boulodrome, court de tennis), d'une piscine, de superbes jardins, d'un centre médico-social, d'une salle des fêtes animée par un secrétaire de mairie dont il sera question dans une autre évocation, d'un environnement, en deux mots, attrayant et reposant. L'audace a payé à Aboukir, comme un peu partout à travers notre Algérie, parce que l'homme s'y est révélé un bâtisseur, un bâtisseur sur tous les plans, ne reculant devant aucun obstacle.

Mais concluons provisoirement, car nous reviendrons à Aboukir, et cette fois c'est mon aimable correspondante, Gilberte Martinez, qui vous en dira " Encore un peu d'Aboukir", à propos de la légende de Masra, lieu où fut édifié son cher village, du premier maître d'école, et du chant qu'entonnèrent en quittant Paris sur des bateaux plats les conduisant jusqu'à Lyon, première étape, puis à Marseille, la seconde, les pionniers de 1848.

François RIOLAND.
L'Echo de l'Oranie n° 89 de juin 1973

"ENCORE UN PEU... D'ABOUKIR "

... Un peu, beaucoup, passionnément, car nous l'avons vraiment dans la peau notre cher pays perdu, que ça plaise ou non à ceux qui souhaitent que nous tournions la page. Cette fois, c'est à mon aimable correspondante, native du lieu, que l'on doit ce sous-titre "Encore un peu... d'Aboukir ", ainsi que les copies de certains documents. Quant aux détails et à leur exactitude, Ils sont extraits pour leur plus grande partie des Archives municipales du village et publiés avec l'accord de M. René JACQUOT, son dernier maire français, détenteur de ces archives, dont l'essentiel provient des " cahiers manuscrits " tenus par Honoré JACQUOT, son grand-père. Dans cette nouvelle évocation, Il sera par exemple question de la légende de Marsa, du chant des pionniers de 1848 quittant Paris sur des bateaux plats du genre chaland, du premier maître d'école de l'endroit, M. ROGER. Mais n'allons pas plus loin dans cette nouvelle présentation et venons-en aux faits. Des faits qui enrichiront un peu plus " Notre Histoire ". Une histoire que nos lecteurs voudront bien conter à leurs enfants, leurs familiers, à tous ceux qui voudront bien l'entendre, - je veux dire par-là la comprendre.

LA LEGENDE DE MASRA

Il me faut tout d'abord éclairer, si on peut dire, la lanterne du lecteur qui n'a pas connu Aboukir et, pour ce faire, nous allons reprendre le chemin des écoliers. Dès l'entrée du village, sur la colline, à gauche, apparaissent trois marabouts dont celui de Sidi-Benaiba, originaire de Relizane, qui sera la vedette de cette première page. Sur notre droite, au-dessus du jardin publie et de la piscine, quelques cyprès indiquent le lieu précis qui fut le premier campo santo des quarante-huitards, et cela étant dit, écoutons cette histoire :

C'est le 26 décembre 1848 que le camp de " Masra ", baptisé par la suite Aboukir, reçoit de la métropole le 15ème contingent de pionniers, ces exilés d'une autre époque. Les autorités militaires les installent sous des tentes, au bas d'une colline. car il n'est pas d'autre habitation dans le "bled", pas plus qu'ailleurs.... en cet heureux temps des lampes à huile et des felouques. En somme, il s'agit d'un village de tentes, camping de naguère, près d'une piste et, alentour, d'une végétation enchevêtrée faite de taillis, de ronces, de cactus, là comme partout ailleurs, autrement dit la nature sans discipline, la brousse avec ses incertitudes.... ses épreuves.... ses prouesses.... un coin verdoyant et paisible qui cache une source. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, bien entendu, fut là établ i le camp, car autant que possible les autorités jetaient la base des futurs villages où existaient des points d'eau. C'est pourquoi ce lieu était désigné sous le nom de Masra, qui signifie "L'eau sort ", et naturellement, comme par exemple à Aïn-el-Turck, une légende y était attachée, que voici :

Alors qu'il se rendait de Mostaganem à Relizane, par la piste bien sûr, et nul d'entre nous ne saurait en douter, le Marabout Sidi Benaiba, fatigué, harassé par la chaleur, fit avec sa suite une halte dans ce site verdoyant, à 13 km de Mostaganem ; il s'émerveilla de ce petit coin paisible, mais s'étonna de n'y voir aucune source pour s'y désaltérer. Il décida néanmoins d'y passer la nuit et s'étendit à même la terre. Durant son sommeil il rêva.... Il rêva qu'il entendait de l'eau courir sous la terre et que sa douce chanson le berçait... Ce rêve s'empara si bien de son subconscient qu'à son réveil, se levant brusquement, Il prit son bâton et le lança en s'écriant: " mon bâton tombera... l'ma ysra ", et Il dit à son chaouch nègre d'aller le ramasse r. Effectivement, se baissant, écartant les herbes pour reprendre le bâton, le serviteur découvrit alors le timide jaillissement d'une source et, les yeux pleins de joie, s'écria à son tour...l'ma ysra ! " l'eau sort ", et c'est ainsi que ce coin fut d'abord désigné sous l'appellation de " Masra ". A sa mort, qui survint bien après l'édification d'Aboukir, le Marabout Sidi Benaïda, selon sa volonté, fut enterré sur la légère hauteur qui dominait l'endroit cachant la source.

LE CHANT DES PIONNIERS QUITTANT PARIS

Le 20 décembre 1848, Louis-NapoIéon Bonaparte est proclamé président de la Seconde République. Les " Trois Glorieuses " sont déjà loin... De même les fameux " Ateliers nationaux "... comme aussi " Le Droit au Travail " réclamé par le peuple de Paris, après l'abdication de Louis-Philippe. Quelques jours auparavant, les premiers colons d'Aboukir embarquent, sur la Seine, dans des bateaux plats qui vont d'abord les mener à Lyon et de là à Marseille. C'est la frégate "La-Cacique" qui les conduira à Mostaganem, où ils débarqueront le 18 décembre, après une traversée de quatre jours. Le 26 de ce même mois, après leur premier Noël vécu sur la terre africaine, six jours donc après l'installation à l'Elysée du futur Napoléon II I, les premiers bâtisseurs d'Aboukir vont s'installer, eux, sous les guitounes de Masra. Ils ont quitté Paris avec cette foi qui, dit-on, soulève les montagnes. C'est de cette foi, qui ressort nettement dans cette espèce de chant du départ, que sera bâtie sur la brousse notre chère province, cette Algérie française jetée aux orties. Sur l'air vieillot de " Te souviens-tu ? ", écoutez à présent ce que nos précurseurs chantaient en embarquant et au cours des escales entre Paris, Lyon et Marseille. Malheureusement, il a été impossible à ce jour, du moins à ma connaissance, d'en connaître l'auteur. Cependant, je dois préciser que cette documentation est authentique et qu'elle faisait partie des archives de la commune d'Aboukir. Aussi serais-je très reconnaissant à l'endroit d'autres correspondants, s'ils pouvaient mettre à notre dispositio n les archives de leurs cités et villages. Elles sont nôtres, et Il faut qu'elles soient connues, diffusées, afin que nul n'ignore rien de ce qui fut et reste malgré tout notre cher pays.

Lorsque la ruche est trop pleine d'abeilles,
Un jeune essaim, vers des vallons meilleurs,
S'en va chercher sur des fleurs plus vermeille
Le butin d'or promis aux travailleurs.
Tels pleins d'espoir, fils de la République,
Nous ouvrons l'aile et nous nous envolons...
Toi qui d'en haut nous a montré l'Afrique,


Dieu protecteur, veille sur les colons.
bis

La foule au port nous suit et nous devance,
De tous les yeux coulent des pleurs touchants
Mais avec soi, quand on a l'Espérance,
Les pleurs sont vite étouffés par les chants.
Bien qu'à regret nous quittons la Patrie,
C'est une France encore où nous allons,
Et du prélat la sainte voix nous crie :

Dieu professeur, veille sur les colons.
bis

Oui, c'est la France, elle est bien achetée,
Et nos soldats, tombée au premier rang
Sur cette terre à jamais adoptée,
Ont tous écrit leur nom avec du sang.
Nos bras moins fiers de moissons magnifiques
Vont enrichir ces glorieux vallons.
Toi qui bénis nos drapeaux pacifiques,


Dieu protecteur veille sur les colons.
bis

Vous qui, là-bas, nous offrez ces campagnes,
Nous vous jurons que dignes d'un tel bien,
Tous les enfants de nos chères compagnes,
Fils du Travail seront tous citoyens,
Ils grandiront, pour être un jour utiles,
Comme la grêle aux bords que nous peuplons:
Pour que leurs bras rendent nos champs fertiles,


Dieu protecteur veille sur les colons.
bis

Adieu chère France, adieu mère adorée,
Souvent le soir à notre doux foyer
Nous parlerons de la terre sacrée,
Qui nous berça sur son sein nourricier,
Nous fonderons son grenier d'abondance
Et des Romains suivrons les longs sillons
A notre tour, nous nourrirons la France,
Dieu protecteur sois en aide aux colons

JEAN ROGER, PREMIER INSTITUTEUR D'ABOUKIR

L'écrit qui va suivre est extrait du journal "La Dépêche Algérienne" du 28 janvier 1922. Il fut publié par E. KLEIN, sous le titre de "Chronique du Vieil Alger".

" C'est d'un ancien éducateur algérois qu'il s'agit, d'un vieux maître de valeur dont ont conservé un souvenir ému ceux qui eurent l'heureuse fortune de suivre ses cordiales et attrayantes leçons. ROGER, homme d'instruction supérieure avait, avant d'entrer dans l'Enseignement, été attaché au duc d'Orléans en qualité de secrétaire. Il appartint aussi à la presse. Les vicissitudes de la politique l'amenèrent à abandonner la situation qu'il s'était créée à Paris. Il vint en Algérie en 1848, où M. LEPESCHEUX, inspecteur d'Académie pour toute la colonie, lui confia la modeste école du village récemment fondée d'Aboukir, près de Mostaganem. Au vrai, il ne s'y trouve guère dépaysé; formé d'éléments venus de Paris et de ses env irons, cet embryon de commune s'animait de l'esprit d'entrain de la capitale, reflétait toute la mentalité de l'Ile-de-France. Maître d'école désormais, cet homme affable, lettré, demeure fidèle, toujours à cette exquise urbanité qui caractérisait la société de son époque, s'adonna avec le plus entier dévouement à son humble ministère.

" Dans la solitude où Pavait jeté un destin contraire, sa pensée ne cessa de demeurer active. D'humeur trop indépendante pour subir la direction des manuels d'alors, au surplus trop cultivé, il conçut un mode tout personnel d'enseignement; il versifia pour son petit monde éveillé les connaissances élémentaires et les adapta à des avis en faveur dans le peuple. Cette méthode au service de laquelle il mit un zèle d'apôtre, produisit des effets si surprenants que maintes fais le général BOSQUET et son successeur, le général COUSIN-MONTAUBAN, au cours des promenades à cheval qu'ils avaient l'habitude de faire dans la région de Mostaganem en compagnie de leurs familles, vinrent à la petite école d'Aboukir entendre chanter aux enfants l'histoire des rois de France, les principes de la syntaxe et les r ègles de calcul. C'était chaque fois de copieuses distributions de dragées dont les anciens de la localité ont gardé souvenance, ainsi du reste que des précieux et familiers vers didactiques dont fut bercée leur enfance.

" BERBRVGGER, le fondateur de la Bibliothèque nationale d'Alger, à qui, pendant une campagne archéologique, dans le bled, la surprise fut donnée un jour d'ouïr soudain, parmi les blés, un choeur enfantin, détaillant allégrement la géographie d'une province française, consacra à ROGER, en l'un des journaux algérois, un long article où il dit son admiration pour la fantaisiste pédagogie du maître dAboukir.

" Certes, la rime n'était pas toujours en ces couplets d'une continue richesse; parfois la chose était dite à la bonne franquette. (ROGER, ancien habitué des Boulevards parisiens, n'avait rien d'un pédant.) Or, précisément, leur ton alerte et leur simplicité de forme valurent à ses oeuvres un franc succès auprès de la gent écolière. Les règles de grammaire étaient également versifiées et ainsi se poursuivait cette amusante versification englobant le petit programme primaire. Les strophes succédaient aux strophes qu'à l'envi répétaient garçons et filles et qu'aujourd'hui se plaît à redire encore l'actuel maire de la commune, M. Honoré JACQUOT, noble représentant des premières lignées du colonat et que le gouvernement vient de faire chevalier de la Légion d'Honneur.

" Mais Jean ROGER, homme des plus modestes, ne devait pas recueillir le fruit de son travail. Il rencontra sur sa route un de ces habiles exploiteurs " des oeuvres des gens timides " qui, s'attribuant le mérite de sa création, s'en assura le bénéfice. ROGER, nommé en 1858 à Alger, exerça les fonctions de directeur d'école au no 2 de la rue Bélizaire, en un édifice mauresque remarquable par ces faîences, qui fut la propriété de BACRI et servit longtemps de siège au tribunal. Là ,vinrent se réunir nombre de notoriétés algériennes, et parmi les familiers de la maison étaient: Mme LUCE, fondatrice de l'ouvroir musulman placé en 1844 sous le patronage de la reine AMELIE, LUCE, l'auteur de " Dani-Dan ", Melcion d'ARC, fils de l'Intendant d ivisionnaire de l'expédition de 1830, dont la petite-fille, en 1919 (février) adressa à CLEMENCEAU, victime d'un attentat politique, un gracieux mot de sympathie qu'elle termina de la sorte:

" Au plus grand des Français, une descendante de la famille de la plus grande Française. "

" ROGER était d'autre part un ami du maréchal PELISSIER qui aimait beaucoup à converser avec lui. Son fils, payeur principal (en retraite) du Trésor, habite cette ville, ainsi que sa famille. Le vieil éducateur a préféré revenir en son ancien village d'Aboukir où il mourut en 1881, objet de la vénération générale. (Il nous est agréable de saluer ici sa mémoire). - H. KLEIN. "

Voici, par exemple, à propos du mode tout personnel d'enseignement de ce maître d'école, le texte versifié qui était chanté par ses élèves, concernant Paris, à la fois leçon de géographie et d'histoire

    " Dans la Seine et Paris
    Qui discute nos Lois,
    Et Sceaux et Saint-Denis
    Dont les caveaux ont gardé nos grands Rois.

    Paris domine sur les métropoles
    Par son langage, par ses monuments,
    Par ses savants, ses peintres, ses écoles,
    Par ses promenades et ses joyeux enfants. "

    Jusqu'à l'heure de l'adieu, en 1962, sa tombe qui se dressait parmi tant d'autres, dans le cimetière d'Aboukir, fut fleurie. " Depuis, hélas ! ... "m'écrit Gilberte MARTINEZ. Ajoutons Qu'il avait des descendants à Mostaganem, dont une arrière-petite-fille mariée à l'un des fils de notre célèbre concitoyen Oranais, le populaire aviateur Julien SERVIES. Mais ne quittons pas encore Aboukir sans évoquer la mémoire de la grand-mère de l'un de nos fils parmi les plus prestigieux, chez qui la parole a été vraiment d'HONNEUR, le général d'armée aérienne Edmond JOUHAUD. Il s'agit de Mme PERRIN, qui y fut institutrice en 1891 et qui, un peu plus tard, fut nommée directrice d'école à Bou-Sfer, berceau de notre grand défenseur et ami.

    François RIOLAND.
    L'Echo de l'Oranie n° 93 de novembre 1973

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