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Les Norias de Birkadem

Écrit par Edgar Scotti. Associe a la categorie Algérois

Créée par arrêté du 22 avril 1835 la commune de Birkadem (le puits de la négresse) est organisée par l'arrêté du 16 novembre 1842. Son premier maire a été M. Max Villeneuve de Tonnac, dont la famille était originaire de Castelnau-de-Montmiral dans le Tarn.

Le village est situé dans un vallon, à dix kilomètres d'Alger, au sein des collines du Sahel oriental, c'est un des plus beaux sites de cette région.

Birkadem1-Carte

Après 1830, il est protégé par un camp assis sur un mamelon voisin. Ce camp a été, pendant longtemps, un des avant-postes du dispositif de défense d'Alger. Il reliait Dély-Ibrahim à Maison-Carrée et à la ferme modèle par Tixeraïn et Kouba.

Il faisait du village, une position stratégique sur l'ancienne route d'Alger à Blida. Birkadem se rattachait aux autres postes de droite et de gauche par le chemin de " ceinture ", à l'est et à l'ouest.

A l'origine, la proximité de " l'infecte Métidja " et de ses marécages, portait la désolation. Par la suite, après les " dessèchements ", effectués près de la Ferme modèle, la situation sanitaire s'est rapidement améliorée.

Un grand nombre de cultivateurs, d'origine européenne ainsi que des autochtones, s'installent à Birkadem, généralement sans le concours de l'administration, attirés par une terre fertile, une eau abondante et de bonne qualité.

Les Premiers Birkadémois :

Les premiers colons installés à Birkadem sont surtout des militaires séduits par la douceur du climat et par la sécurité assurée par la situation du village au coeur du dispositif de défense d'Alger. Les Premières naissances enregistrées par l'état-civil sont celles d'enfants de couples d'origine métropolitaine.

- 22 juillet 1836………………………….Kahn, Rose-Joséphine.

- 29 juin 1837……………………………Duviller, Lise-Constance.

- 2 novembre 1838……………………...Laurais, Louise.

- 23 novembre 1838…………………….Duviller, François.

- 24 juin 1839…………………………….Seyfried, Jean-Georges.

- 19 août 1839……………………………Ertzbischoff, Georges.

- 2 février 1841…………………………..Duchêne, Louise.

- 28 novembre 1843………………………Folz, Catherine.

- 14 mars1844……………………………Rebischung, Alexandre.

- 5 mars 1847…………………………….Frédérich, Marie-Louise.

Sur les 263 naissances observées en ce début de mise en valeur, 67 % sont issues de couples métropolitains, ou rhénans, fuyant la menace de l'hégémonie prussienne, comme les Rebischung, Wahl, Weiss, Welter, Wiegerman. (Cf. L'émigration rhénane en Algérie, de Jean-Maurice Di-Costanzo, L'Algérianiste n° 57, mars 1992 pages 14 et suivantes).

Les 87 autres naissances, soit 33 % proviennent de couples dont les pères sont arrivés aussitôt après les soldats français et ne sont repartis dans leur île de Minorque, prendre une épouse que lorsqu'ils eurent un emploi assuré.

Dans un premier temps la population d'origine métropolitaine ou rhénane est confrontée aux difficultés d'un climat chaud et humide. Situé à proximité immédiate de la ferme modèle créée par Bertrand Clauzel, le village est exposé aux affres du paludisme. Aggravée par une inadaptation au climat, cette situation sanitaire a une incidence sur la mortalité néo et périnatale ainsi que sur celle des adultes.

Ainsi les familles Bonthoux, Meydinger, Morbacher, Moiring, Muller, Scheer, Scheffer, Sirnondant, Simonot, Simouneau, Stanfinger, Steinmetz, Thilinger, Tifoux, Vincent et bien d'autres pleurent le décès de jeunes enfants.

A ces difficultés rencontrées par ces immigrés d'origine européenne, convient aussi d'ajouter celles de l'insertion de populations d'origine bavaroise, badoise ou wurtembergeoise farouchement opposées à l'hégémonie prussienne, dans un pays en guerre en 1870 contre l'Allemagne.

Il y avait en effet à cette époque, entre la France et la Bavière des liens de sympathie. En 1789, l'Electeur duc de Bavière, né en 1756, était colonel du régiment Royal d'Alsace et se disait Français. L'idée d'un rapprochement avec la France avait alors ses partisans. Les nombreuses familles bavaroises arrivées en 1836 en Algérie et à Birkadem étaient résolument anti-prussiennes. En terminant un repas et afin de rendre hommage aux talents culinaires de la maîtresse de maison, il était alors courant de dire : " Encore un que les Prussiens n'auront pas".

Cette expression très répandue en Algérie dans les familles dont beaucoup de descendants se croyaient d'ascendance alsacienne, avait en réalité son origine parmi ces anciens immigrés rhénans arrivés en Algérie entre 1834 et 1854.

L'immigration minorquine à Birkadem :

Les premiers enfants nés de couples minorquins sont inscrits sur les registres d'état-civil à partir de 1839.

-11 août 1839...........Diégo Pablo.

-19 mars 1844..........Piris Antoine.

-27 février 1846.........Pons Thomas,

-12 mars 1847..........Blanquer Victor.

-17 mai 1847............Canetti Francisco.

-21 août 1847...........Florit Maria.

-20 décembre 1848...Camps Bartholomé.

-26 mai 1849............Capo Paula.

-7 juillet 1849............Gomes Juan.

-28 mai 1851.............Cortes Maria.

-6 septembre 1851.....Mercadal Marie.

-7 septembre 1852.....Baeza Francisco.

-5 novembre 1882.......Sintes Catherine, qui, après avoir épousé M. Camus, devait donner naissance le 7 novembre 1913 au prix Nobel de littérature.

Minoritaires à Birkadem, en 1840, les immigrés minorquins occupent une place importante à Birmandreis, Hussein-Dey et à Kouba. Ils sont majoritaires à Fort-de-l'eau. Vers 1850-1870, ils représentent 43 % de la population de Birkadem. (cf. " Les Espagnols dans l'Algérois, de Gérard Crespo et Jean Jordi, page 31)

Cette modification de la population est imputable :

- à l'insuffisance du peuplement métropolitain,

- aux besoins de main-d'oeuvre qualifiée pour installer des cultures maraîchères méditerranéennes dans un milieu à aménager complètement,

- mais surtout à un très important exode de Minorquins éprouvés par une explosion démographique génératrice de misère. D'après Francisc Truyol, vice-consul général d'Espagne à Alger, 12 000 à 15 000 personnes originaires d'Alayor, Ciutadella, Ferreries, Es Mercadal, Es Migjorn, San Luis, s'établissent dans les environs d'Alger entre 1835 et 1840.


MINORQUE : L'île des pierres et du vent

L'arrivée à Birkadem :

A l'inverse de l'île qu'ils viennent de quitter, il y a du tuf à Birkadem, mais pas de pierres de taille.

Cependant il y a dans les terres rouges des terrasses à aménager, des puits à creuser et à équiper de norias. Très rapidement comme ouvriers, puis comme métayers et fermiers et enfin comme propriétaires, les Minorquins construisent des terrasses, creusent des puits surmontés d'une noria comme celles que l'on peut encore voir à l'abandon du côté de Ferreries ou de Es Mercadal.


Vestiges d'une ancienne noria dont toutes les pièces sont en bois. (Collection de l'auteur)

Ces ouvriers " mahonnais " vont au sens strict du terme romain " colonus : habitant non indigène qui cultive une terre ", mettre en application leurs techniques. Ils dressent des terrasses et ouvrent des rigoles ou " seguias " à partir desquelles l'eau est dirigée vers les " planches " à irriguer.

Ils pratiquent une culture intensive, aucune parcelle n'est laissée en friche. En culture " intercalaire ", ils associent une plante à cycle long, tomate, pomme de terre, haricot, à une espèce à végétation plus rapide, salades " romaine " ou " Batavia ", radis " rond rose à bout blanc ". En hiver, même les talus et bordures des chemins sont cultivés.

Ils commencent la journée très tôt, les reins entourés d'une grosse ceinture de flanelle, pliés, tenant dans leurs mains calleuses, la sape " mahonnaise" à large lame de fer. Ces hommes travaillent jusqu'au soir. Pour eux, il n'y a ni dimanche ni jour férié, à une exception près cependant pour la fête de l'Ascension, où selon une légende inconnue à Ciutadella, mais respectée à Birkadem, " Ce jour-là, même les oiseaux s'arrêtent de faire leur nid ".

Leurs méthodes culturales sont rapidement assimilées par les fellahs. Les cultures de primeurs se développent dans tout le Sahel et jusqu'à Saint-Pierre-Saint-Paul. Carottes, pommes de terre de saison et " grenadine ", (parce que cette deuxième récolte arrive avec les grenades), sont produites par un actif paysannat kabyle, rapidement acquis aux techniques minorquines.

Le comportement social des immigrés minorquins :

Dans les premières années de leur arrivée dans l'Algérois, ils vivent entre eux, volontiers solidaires des parents qui débarquent à Alger.

Dans un premier temps, les garçons épousent des filles de Minorquins ou d'autres immigrés italiens ou maltais. Ceci pour plusieurs raisons :

- sentiment d'un niveau culturel différent, voire inférieur

- attachement aux valeurs et traditions familiales ;

- manifestation d'une discrétion explicable par la crainte de ne pas être compris.

L'analyse du comportement social des familles minorquines après leur arrivée à Birkadem met en évidence, au moins à partir de 1871, un renversement significatif du nombre des mariages de jeunes gens issus de couples métropolitains ou rhénans au profit de la nuptialité d'enfants de Minorquins.

Ainsi, de 1836 à 1853 il y avait 57 % d'unions entre métropolitains, 29 % de mariages entre jeunes minorquins et 14 % de mariages mixtes. Entre 1872 et 1881, il n'y a plus que 35 % d'unions entre enfants de métropolitains et 55 % entre Minorquins, les mariages mixtes stagnent au niveau de 10 %.

Ces mariages concernent les familles Bénéjam, Capo, Cursach, Camps, Juanéda, Llopis, Mascaro, Palisser, Mercadal, Marcadal, Rotger, Ruidavetz, Segui, Sintes, Victory.

Par la suite, très rapidement sous l'influence de l'école et du service militaire auquel se soumettent tous les jeunes gens issus de familles minorquines, il y a insertion dans la communauté birkadémoise. Progressivement les liens avec l'île se distendent, sans abandonner cependant des habitudes culinaires ou des traditions tendant à la conservation de patrimoines familiaux acquis au prix de dures privations et de persévérants efforts.

Malgré cette profonde insertion dans la communauté birkadémoise, les Minorquins et leurs descendants demeurent profondément attachés à leurs habitudes insulaires. C'est en catalan que Truyol témoigne de la survivance de pratiques ancestrales. " Les femmes blanchissent les maisons à la chaux. Pour le carnaval, elles font des crespelis, pour Pâques, des formatjades ; quand arrive l'hiver, pour Noël elles font tuer le cochon et convient parents et amis à cette fête ".

L'attachement des Minorquins à leurs racines

Cependant, plus que les traditions culinaires, les Minorquins s'efforcent de préserver le souvenir de leurs aïeux en donnant à leurs enfants un ou plusieurs prénoms de leurs parents ou de leurs grands-parents. Encore convient-il de souligner qu'à leur arrivée à Alger et par la suite, lors de leur inscription sur les registres de l'état civil, nombreux sont les immigrés victimes d'une regrettable déformation de leur patronyme. Ainsi Benejam se transforme en Bénéjean, Cortes en Curtes, Joanede en Juanéda, Palisser en Pellisser ou Pelicer. Au sein d'une même famille, il n'est pas rare de trouver des Mercadal ou des Marcadal issus d'un même ancêtre. Comme ces gens ont alors de plus graves et plus importants soucis, de telles anomalies se perpétuent d'une génération à une autre et subsistent encore de nos jours.

Les relations des Minorquins avec les colons métropolitains

Bien que basées sur des rapports professionnels entre ouvriers agricoles et propriétaires terriens, ces relations entre employeurs et leurs salariés immigrés minorquins ou italiens sont généralement bonnes. Les qualités humaines déployées par les premiers, ainsi que l'application des seconds, hommes ou femmes, parfois dès le plus jeune âge, mise dans l'exécution consciencieuse de tâches pénibles, sont à l'origine de cette ambiance de paix et de travail. Il s'ensuit même une profonde et durable déférence témoignée par les immigrés aux familles déjà installées et même vis-à-vis de celles qui par la suite s'installeront à Birkadem.

La participation des descendants des Minorquins à la vie municipale

Dès 1868, les immigrés minorquins sont représentés dans les Conseils municipaux par MM. Moll, Olives, Oliver, notamment dans la municipalité M. Reverchon, avec M. Bonthoux en qualité d'adjoint.

Par la suite, ce n'est plus parce qu'ils représentent la communauté immigrée de Minorque que MM. Jean Féménias, Juanéda, Marco, Mascaro, Ruitort, Sabater siègent à la mairie dans les municipalités présidées par MM. Mohring, Maréchal, Noël, Jean-Baptiste Truchet, Giraud, Louis Berthier.

C'est essentiellement parce que leurs concitoyens les reconnaissent comme les plus aptes à défendre leurs intérêts et leur village, cadre de leur vie.

Birkadem durant la deuxième moitié du XIXe siècle

En 1859, le village jouit déjà d'une grande réputation pour ses constructions pimpantes et comme but de promenade. A cette époque le camp n'était plus occupé, sauf en périodes d'épidémies où il était transformé en annexe de l'hôpital militaire.

Lors des années de famine de 1866-1867, le cardinal Lavigerie fonde l'orphelinat Saint-Charles pour jeunes filles arabes. Il est situé sur un petit chemin le reliant à la départementale 130 de Birkadem au Vieux-Kouba.

Durant quelques années de 1857 à 1869, la commune de Birkadem s'étend sur Birmandreis et Saoula. Ce n'est que le 28 septembre 1869 que le conseil municipal réuni en session extraordinaire, avec trois des douze habitants les plus imposés décide la séparation de Birkadem et de Birmandreis. A cette époque, la population est de 1020 personnes soit 677 européens pour 343 autochtones. En 1889, Birkadem est une belle agglomération de fermes et de villas qui constituent avec Saoula une commune de 2 740 habitants.

Birkadem au début du XXe siècle :

En 1901, Birkadem a une population de 2006 habitants dont 1108 européens. La commune s'étend sur 1580 hectares en coteaux de belle terre rouge. Les puits sont surmontés d'une noria ; le pas du mulet, coiffé d'un chapeau kabyle percé à l'emplacement des oreilles rythme le clair cliquetis. L'eau des godets percés tombe dans un petit bassin avant d'arriver dans une rigole de terre, " séguia " au bout de laquelle se trouve un arroseur. D'un preste coup de sape, il dirige la lame d'eau vers les terrasses de cultures maraîchères et l'arrête de la même façon pour la diriger vers une autre planche à irriguer.

La gare P.LM. la plus proche est à Baba-Ali, à sept kilomètres du village. Il y a onze services quotidiens, aller et retour de voitures hippomobiles, les " corricolos " de la compagnie Bonifay entre Alger et Birkadem et Vieux-Kouba par le chemin de grande communication n° 13 ou par la route nationale d'Alger à Laghouat.


Birkadem - la Grande Place, coté Est. (Collection de l'auteur)

La diligence de la compagnie Bonifay passe devant l'église Saint-Philomène Où le chanoine Vey est, en 1902, chargé de la paroisse. Derrière la patache, un camion chargé de demi-muids de vin de la Mitidja.

A l'entrée du village, dominant la route d'Alger, le pénitencier est devenu, colonie " pénitentiaire, son directeur est M. Leroux. Avec lui, un économe, un greffier, quinze gardiens et une moyenne de deux cent cinquante détenus.

Le bureau de poste est dirigé en 1900 par Mme Klein.


(Collection de l'auteur)

Le commerce est aussi très actif :

Bois à brûler............... M. Pérez

Boucher..................... M. Bahriz

Bourrelier.................... M. Gornes

Cafés-restaurants........ MM. Amaud, Bastide, Frances, Riéra, L. Blanc.

Charrons..................... MM. Borderie Jean, Chattard, Galland Sabin.

Coiffeurs..................... MM Petit, Ortéga, Grach André.

Distillateur.................. M. Chausson, (géranium rosa).

Entrepreneurs............. MM. Dutto Henri, Combes, (Travaux agricoles)

Epiciers...................... MM. Bastide, Sifaoui Omar, Nicolas, Juanéda, Sintés.

Forgerons................... MM. Borderie, Vaille, (maréchaux-ferrants),

Hôtels........................ MM. Bastide, Arnaud.

Laitiers....................... M. Guerder, Mme Vve Fauché

Mercerie, nouveautés... Mmes Amandolla, Sintés

Menuisiers.................. MM. Mélis, Métral, Leroy

Minotier...................... M. Francis Mohring, moulin à cylindres qui triture journellement 150 quintaux.

Pharmaciens............... MM. Réverard et Saint-Pierre

Tonneliers................... MM. Calvet, Lartigue

Serrurier...................... M. Charpeille.

Birkadem durant la première guerre mondiale

Le conseil municipal était présidé par M. Giraud avec, en qualité d'adjoint M. Perrin et les conseillers municipaux dont les noms suivent : MM Brahim Beggar, Oger, E. Truchet, Charles, Auguste Pouget, Jean Aureille, Jean Gomez, Langlois, Jean de Seroux, Legros, Sayah Hadj Brahim.

Les hommes du village sont en Champagne ou dans le détroit des Dardanelles. Les femmes courageusement font marcher les exploitations. Dès 1915, Birkadem voit circuler dans ses rues les camions Berliet à chaînes, haut perchés sur leurs roues à bandages. Ces véhicules bruyants au capot en forme de nez, sont chargés d'hommes du 57e régiment mixte colonial, arrivant au repos au village, avant leur départ pour Salon-de-Provence où se forme la 2e division d'infanterie. Cette unité est commandée par le général Bailloud, un homme petit, sec, moustache blanche, à la démarche alerte. Son chauffeur vient faire le plein de son réservoir au dépôt Duca de la Société Italo-Américaine. C'est une jeune fille de dix-sept ans qui lui porte les bidons d'un gallon, (3,785 litres). Il n'y a pas encore de pompe ni de service des essences aux armées. En hiver sous la pluie, les tirailleurs sénégalais souffrent du froid en disant avec un large sourire, " Algé'ie pas favo'able à nous ". Ces hommes connaîtront, hélas, bien d'autres souffrances lorsqu'ils seront engagés dans le détroit des Dardanelles, puis en Serbie avec l'armée d'Orient. Beaucoup de Birkadémois reviendront au village avec de graves blessures. Certains, gazés, souffriront longtemps dans de petits emplois.

LE VILLAGE DE BIRKADEM A SES ENFANTS

 

- Battarel Jean
- Bay Marcel
- Bauffa Jean
- Berenguer Michel
- Canourgue Julien
- Cardona Antoine
- Cardona Simon
- Coll Barthélémy
- Cortés Antoine
- Courmontagne Marcel
- Fédélich Antoine
- Fédélich Damien
- Gachet Charles
- Gomila Gabriel
- Lesch Pierre
- Moll Honoré 
- Monjo Joseph
- Moréra François
- Moréra Joseph
- Moréra Pierre
- Pérez François
- Prady Désiré
- Prady Louis
- de Séroux Jean, conseiller municipal
- Sintés Barthélémy
- Sintés Jacques
- Sintés Joseph
- Tosiano Joseph
- Tur Marius
- Voger Charles
- Llorens Raphaël

Les écoles de Birkadem


Très tôt les élus municipaux se sont préoccupés de l'enseignement primaire des garçons et des filles. La première école est ouverte en 1843 à l'entrée du village sur la route d'Alger. Vingt ans plus tard en 1863, elle est transférée sur la place. En 1889, un groupe scolaire est ouvert à proximité du futur bâtiment de la Gendarmerie Nationale.


Birkadem - Le Groupe Scolaire (Collection du Dr G.Duboucher)

En raison de l'accroissement du nombre d'enfants à scolariser, la construction d'une nouvelle école est, dès 1912, prévue par la municipalité J.B. Truchet. Durant plus de vingt ans, les municipalités successives demandent au service des domaines la cession gratuite à la commune des lots N° 55-56-57-58 du cadastre. Lots appelés aussi " jardin curial ". Au-delà de la longue procédure qui précéda la construction de l'école située entre les rues Rouget de Lisle et des jardins, nous nous souviendrons de ces instituteurs et institutrices des villages d'Algérie.

Si pour Birkadem il est impossible de les citer tous, il convient de se souvenir du nom de Mlle Marage qui, dès 1901, peut être considérée comme représentative de ces " maîtres d'école " dévoués.

Les résultats obtenus dans des classes surchargées et disparates par ces instituteurs et institutrices pour apprendre à lire, compter et bien écrire méritent d'être soulignés.

Au début du siècle, seuls les garçons allaient jusqu'au C.E.P ; pour beaucoup de petites filles, la scolarité s'arrêtait bien avant. Les familles préféraient fréquemment les conserver à la maison pour s'occuper des travaux ménagers ou de l'exploitation maraîchère ou commerciale.


La traditionnelle photo d'une classe de l'école de Birkadem en 1930 - (Collection L. Duca.)

Jusqu'au certificat, il y a autant de jeunes autochtones que d'européens. Tous ces jeunes parlent l'arabe, en raison d'une coexistence permanente à l'intérieur même du village.

A la sortie des classes s'il n'y a pas de devoirs, les garçons jouent au " carré arabe ", aux " osselets " ou aux " noyaux d'abricots ", lorsqu'en vient la saison. Les filles jouent à la " marelle ". Dans les années trente, il n'y a pas de cours le jeudi. Les enfants vont au "jardin " où avec les ouvriers, ils " buttent " à la sape les pommes de terre d'hiver, ou les tomates au printemps, lavent carottes et navets, avant de les mettre dans des corbeilles dont le fond a été renforcé avec du fil de fer.

La paroisse Sainte Philomène

Durant les premières années, en l'absence d'église, les offices se déroulent à l'abri d'un bâtiment militaire.

C'est le 26 décembre 1842 que Monseigneur Dupuch archevêque d'Alger pose la première pierre d'une église, inaugurée quelques mois plus tard en juillet 1843. Elle est alors dédiée à Sainte Philomène. Depuis la fin de la première guerre mondiale, aux alentours de 1920, les curés Pons, Ruffat, Salles, Roman et Martin, assurent dans la paroisse le service du culte.

Entourées du respect de toutes les populations du Sahel d'Alger et notamment des musulmans, pour les soins qu'elles dispensent, les " sœurs blanches " ou sœurs de Notre-Dame d'Afrique, entretiennent l'église.


(Collection Fédélich)

En 1928, l'église est restaurée, son clocher modifié reçoit une horloge. A l'intérieur une plaque de marbre sur laquelle sont gravés les noms des enfants de Birkadem morts pour la France.

Birkadem durant la seconde moitié du XXe siècle

Dans les années cinquante, Birkadem est un gros bourg dont la vocation arboricole et maraîchère s'est affirmée et consolidée. Vocation qui n'a pas empêché le village d'absorber le progrès technique, économique et social.

Si des norias sont toujours construites par les entreprises Louis Berthier et Llorens et fils, elles ne sont plus actionnées par un indolent mulet mais par un moteur à explosion avant d'être remplacées par une pompe immergée munie d'un moderne moteur électrique.


(Collection Llorens)

Les maraîchers et arboriculteurs ne transportent plus artichauts, carottes, navets et pommes de terre aux halles centrales d'Alger, mais les livrent à un des nombreux expéditeurs de Birkadem. Le village est traversé par les camions des transitaires et expéditeurs. A côté des établissements Fédélich, et des entreprises Joseph Fabrer, Marcel Ferraro, Fernand Fossati, Mayol, Gabriel Mercadal, Sintes et Miroude, des autochtones s'insèrent avec succès dans l'économie du village. Parmi ces expéditeurs il y avait Haboub frères, Hamaoui Saïd et Klefi Mohamed.

Il y avait aussi les camions citernes des transports Tixidor. Ils font la navette entre les caves de la Mitidja et les " pinardiers " pour le compte des exportateurs en vins comme la société Clarac et Clauzel dont les chais se trouvent à Birkadem.

Avec son " harmonie municipale", sa " société olympique ", son " Racing Club " et sa " Société des boulistes ", Birkadem est un village paisible où il fait bon vivre.

Devant l'église Sainte-Philomène, le curé Roman accueille les fidèles, tandis qu'à la mosquée, le muphti Ben Kara invite les musulmans à une des prières de la journée.

En mémoire des habitants de Birkadem

Que reste-t-il aujourd'hui de la mémoire de ce village.

Paradoxe invraisemblable, plus de trente ans après l'exode de 1962, un certain nombre de personnes ont laissé de profondes empreintes dans la mémoire collective des Birkadémois. S'il est hélas impossible d'être complètement exhaustif, citons cependant dans l'enseignement : Mlle Marage, M. et Mme Alexandre et à la fin Mme Regnault, dernière institutrice française à Birkadem.

Pour les soins aux malades, les médecins : Benzarah, Barillon, Guelpa, Foissin, Caussignac soignaient avec dévouement et désintéressement des patients qui, à cette époque, n'avaient pas de couverture sociale.

Evoquons aussi les noms des familles Bonthoux, Bagur, Bernhardt, Brouard, Capo, Fédélich, Foissin, Féménias, Malinconi, Segui, Sintes, Simondant, Steinmetz et bien d'autres.

Pour les descendants d'immigrés minorquins du début du XIXe siècle et après deux grands conflits et un exode, les liens avec leur petite île du milieu de la Méditerranée pourraient-ils être complètement distendus ?

Cent cinquante ans après, bien que complètement intégrés par le travail, l'école et le sang versé, ils sont nombreux à se souvenir que leurs lointains ancêtres venaient de l'île des pierres et du vent. Dans cette île de Minorque à Ciutadella, Alayor, Es Mercadal, San Luis, il y a côte à côte, dans les cimetières les tombes des Bagur, Bénéjam, Capo, Curtes, Fédélich, Mercadal, Ruidavetz, Segui et Sintes qui n'ont jamais quitté leur île. Il y avait encore, il y a un peu plus de trente ans, dans le cimetière ombragé de Birkadem sur la route de Saoula, des tombes portant les mêmes noms et parfois aussi les mêmes prénoms.

Sur ces modestes carrés de terre, il était d'usage avant la Toussaint d'arracher les touffes de " vinaigrette ", pour ne laisser que les entourages de fer forgé surmontés d'une croix.

Les norias de Birkadem sont désormais muettes. Elles ne font plus entendre la claire musique de leur cliquet métallique retombant sur la roue dentée.

Pour tous les humbles qui ont fait Birkadem, la noria des générations continue heureusement à faire monter l'eau de la vie et à alimenter la mémoire.

EDGAR SCOTTI

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

- M. Jules Duval, l'Algérie, Tableau historique, descriptif et statistique, 1859, Librairie Hachette et Cie, rue Pierre Sarrazin, imprimerie de Ch. Lahure et Cie rue de Fleurus 9 et de l'Ouest 21.

- Annuaire général illustré de l'Algérie et de la Tunisie.

- Juan BTA Vilar, Emigracion Espafiola a Argelia 1830-1900, Instituto de Estudios Africanos, Madrid 1975.

- Revista de Menorca, Publicacio de l'Ateneu Cientific, Literari i Artisti de Maô. - Els Llinatges dels Menorquins de D. Fernando Marti Camps, Archiviste, chargé des recherches généalogiques à l'archevêché de Minorque.

- Le dépôt des archives départementales de l'île de Minorque.

- Le dépôt des archives d'outre-mer à Aix en Provence.

- Les Espagnols dans l'Algérois de, Gérard Crespo et Jean Jordi aux Editions de l'Atlanthrope.

- Le dépouillement et le tirage informatique des tables décennales de Birkadem par Mme et M. Fédélich.

- Les documents bibliographiques de M. Théophile Bignand.

- Les documents bibliographiques de M. Martial Pons.

- Les documents bibliographiques de M. le Professeur F. Curtes.

- Birkadem de M. Gaston Palisser édité par le père Duvollet.

Iconographie

- Cartes postales de la famille Fédélich,

- Cartes postales de la collection du Dr G. Duboucher.

- Cartes postales de la collection de l'auteur.

- Reproduction de la plaque commémorative des enfants de Birkadem morts pendant la guerre de 1914-1918.

Les recherches généalogiques, à Aix-en-Provence, dans les centres des archives, ainsi qu'à Minorque ont été effectuées sous l'égide de Généalogie, Algérie, Maroc, Tunisie.

In l'Algérianiste n°71 de septembre 1995

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