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Les invasions acridiennes en Algérie de 1830 à 1900

Écrit par Pierre Piguet. Associe a la categorie Agriculture

Histoire de sauterelles

Pierre Piguet a été avant tout, il se plaît à le souligner lui-même, un homme de terrain et, lorsqu'il parle de la lutte anti-acridienne, des « campagnes de sauterelles » comme on disait là-bas, ce sont des événements vécus, des souvenirs personnels qu'il évoque.

Ancien élève de l'Institut agricole de Maison-Carrée (promotion 1928), licencié es sciences de la Faculté d'Alger, Pierre Piguet a d'abord appartenu au Service de la défense des cultures d'Algérie, retrouvant ainsi son Oranie natale, avant d'être nommé, en 1941, inspecteur régional de ce même service à Constantine. A ce poste il a eu l'occasion d'organiser et de diriger deux campagnes de lutte contre le fléau acridien.

A partir de 1951, sa carrière administrative s'est poursuivie à des postes d'enseignant et de chercheur, à Alger d'abord jusqu'en 1962, puis à Bordeaux, où l'âge de la retraite a sonné pour lui. Il s'est alors retiré à Agen, où il a présidé aux destinées du Cercle algérianiste local.


I - GENERALITES – HISTORIQUE

AVERTISSEMENT

Bien que le texte qui va suivre n'ait aucune prétention scientifique, il n'en appelle pas moins l'opportunité de quelques éléments essentiels, définitions, descriptions spécifiques et cycles évolutifs, le rendant plus aisément accessible à tout un chacun

Nomenclature. — En langage vernaculaire on dit sauterelle, pour désigner l'insecte adulte, volant et migrateur, et criquet pour parler des larves nées sur le terrain, encore dépourvues d'ailes, donc déambulant à terre. Or cela ne correspond pas à la classification entomologique où criquets et sauterelles sont les noms vulgaires de deux groupes bien différents d'orthoptères. Le groupe des criquets est désigné plus scientifiquement par le terme d'acridiens (1) celui que nous retiendrons puisqu'il recouvre nos espèces dévastatrices en Afrique du Nord et écarte les confusions

ESPECES EN CAUSE

En ce qui concerne le Maghreb, quelques petites espèces autochtones peuvent, localement et ponctuellement, se montrer nuisibles aux cultures : criquet italien pour le tabac de la région bônoise, boukrouma pour les céréales du sud sétifien, boubziz en Kabylie... Mais cesautériaux  » ne prennent jamais le comportement grégaire et ne sont pas à considérer ici.

Par contre deux espèces sont à retenir :


Le criquet pèlerin (Schistocerca gregaria de Fork), vulgairement appelé sauterelle du désert ou grande sauterelle jaune, en arabe : djrad et ârbi, espèce exotique, épisodiquement de passage en Afrique du Nord.

Le criquet marocain ou stauronote (Dociostaurus marocanus de Thumberg), petite sauterelle des Hauts-Plateaux, en arabe djrad el âdami, espèce autochtone qui peut déborder sur le Tell en période de grégarisation.

CYCLES BIOLOGIQUES

L'essentiel est de retenir que la biologie est nettement différente d'une de ces deux espèces à l'autre.

Le criquet pèlerin est un grand migrateur ; la mouvance de son nomadisme le promène de sa zone privilégiée, les déserts de la Mer Rouge, jusqu'à l'Inde vers l'est, et jusqu'à la côte atlantique du Sahara vers l'ouest. Ainsi les masses de sauterelles qui éventuellement envahiront l'Afrique du Nord nous viendront toujours, par étapes, du sud du Sahara, zone potentielle d'intense multiplication en période de mousson.

Ainsi l'invasion de l'Algérie se réalise par le fait d'une seule genération qui arrive (encore immature) en fin d'automne sur les marches méridionales de l'Atlas où elle hiberne. Plus ou moins tôt, en fin d'hiver, à la faveur des vents plus chauds du sud, les sauterelles, devenues matures, donc aptes à pondre, remonteront par les vallées en bonds successifs vers le nord. La première ponte est déposée sur les Hauts-Plateaux. puis successivement les deux ou trois autres dans le Tell et enfin à la fin mai début juin, le long de la zone littorale. Alors les reproducteurs, épuisés physiologiquement, meurent sur place et parfois même en mer, terme de l'invasion.

Selon les températures, l’incubation, des œufs dure de dix-huit à quarante-cinq jours. C'est alors l'émergement des criquets sur les terrains contaminés. Ils apparaissent en taches qui se rejoignent en bandes déambulantes. Comme les moutons, ils se nourrissent en marchant pendant toute leur croissance (10 à 30 km). Puis intervient la métamorphose en adultes capables de voler mais encore immatures ; leur couleur est d'un beau rose corail et non pas jaune comme celle de leurs parents. `

De nouveaux vols se rassemblent qui prennent au bout de quelques jours la direction du sud vers le Sahara pour y retrouver la nouvelle mousson nécessaire à de nouvelles reproductions.

Le criquet marocain ou stauronote, au contraire, sévit de façon endémique dans les zones substeppiques circum-méditerranéennes (iso­hyète de 400 m/m). C'est un autochtone de nos Hauts-Plateaux. : Il n'a qu'une génération par an et ses œufs, bien protégés, dans une solide coque ovigère, vont hiverner en terre. Les éclosions se produiront dès le mois de mars de l'année suivante.

Normalement les populations n'atteignent pas de fortes densités et le cycle vital se poursuit sans grands déplacements. Cette espèce: jouit aussi de la faculté de grégarisation. De sorte qu'à la faveur de modifications écologiques du milieu, que l'on connait maintenant, le stauronote va certaines années, se multiplier intensément et acquérir l'état et l'instinct grégaire à tel point que des vols migrateurs prendront: leur essor pour se transporter dans les zones de culture des céréales et parfois même déborder et envahir le Tell.


SOURCES HISTORIQUES

Toute la matière de cet article est puisée dans l'unique mais monumental document historique sur les acridiens en Algérie au XIXe siècle que constitue le rapport administratif de Jules Künckel d'Herculais publié en 1893 sous les auspices du gouverneur général Jules Cambon ; imprimé à Alger-Mustapha sur les presses de l'Imprimerie Administrative et Commerciale Giralt, en deux volumes contenant 2 400 pages de texte et environ 200 d'annexes. Cet ouvrage n'a pas été commercialisé.


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SITUATION A LA CONQUETE

LE PHENOMENE ACRIDIEN

Les Pieds-Noirs ne peuvent oublier les sauterelles ; avec plus de vingt ans de recul, la nostalgie aidant, elles viennent s'inscrire dans notre patrimoine et meubler notre folklore. Nous avons donc envie de reparler de ces bêtes maudites. En effet les arrivées de vols de sauterelles ont de tout temps été un phénomène naturel fort spectaculaire, chargé de mystère, d'angoisse pour les populations rurales, en même temps qu'un miraculeux divertissement pour la gente enfantine. Finalement, c'est un fléau ancestral inscrit dans la mémoire des peuples riverains de la Grande Téthys, marquant par là, la civilisation méditerranéenne. Ainsi le Maghreb se trouve largement partie prenante et retracer le déroulement historique des invasions de sauterelles au cours de la période française de « Notre Algérie » s'inscrit dans le droit fil de la pensée algérianiste.

D'ailleurs l'histoire des sauterelles est aussi une longue page de l'histoire proprement dite de la France en Algérie, histoire économique, sociologique, administrative et même politique de toute l'œuvre colonisatrice.

On y remarquera combien les crises acridiennes ont été aussi des éléments positifs de prise de contact, d'échanges et de compréhension entre des ethnies brusquement mises en contact, fellahs, colons, et administration. Dans l'adversité on a appris à se connaître, à s'apprécier, à se juger parfois, à travailler et à souffrir ensemble. Tout à notre honneur va se dégager et se manifester ce grand souci humanitaire de soulager la misère chronique des populations indigènes des Hauts-Plateaux et des zones présahariennes.


La conjoncture militaire


Reportons-nous à l'époque de la conquête, quand les sauterelles apparaissent pour la première fois, en 1844. Sur le terrain, les Français ne sont guère représentés que par les militaires, toute l'administration du territoire est assurée par l'armée.

Pour le commandement, le fléau qui surgit est un nouvel ennemi. La conception de la lutte à inventer sera empreinte des errements et de l'organisation militaires. De notions entomologiques on n'en a absolument aucune. Personne ne sait qu'il existe deux espèces de sauterelles avec des comportements totalement différents. Pour l'Etat-major il n'y a que les

« sauterelles », cette entité historique, les sauterelles de la Bible, ce fléau vengeur et punitif envoyé par la puissance divine, « les cohortes d'Allah ». En conséquence, il n'existe qu'une stratégie : s'opposer à leur progression, les arrêter, les écraser, les détruire.

sauterelles-Reproductionducriquetpelerin

Reproduction du criquet pélerin

 

Mais comment ? Avec qui ? Avec quoi ?

Pour le savoir, on collecte l’information, mais les renseignements recueillis sur le terrain par des néophytes apparaissent évidemment incohérents, voire contradictoires, les uns se rapportent à la sauterelle pèlerine, les autres au stauronote. Comme on ignore la duplicature, on met tout dans le même sac, et c'est indéchiffrable, la véritable bouteille à encre. On cherche un recours : interroger les Arabes, ils doivent bien savoir eux, mais ils racontent tellement d'histoires comment s'y retrouver ? et puis peut-on croire ce qu'ils disent ? Tout cela ne fait qu'embrouiller le problème. Pourtant les indigènes parlent de « djrad el ârbi » et de djrad el âdami », mais ils en ont une explication à eux : l'une est la descendance de l'autre. Pendant quarante ans, on pataugera, sans qu'un esprit scientifique permette de réaliser qu'on est victime à la fois d'un mal chronique et d'un risque épisodique exogène.

Une conjoncture assez singulière s'établit que je me permettrai d'appeler la « conjoncture militaire ». Il n'y a que des militaires pour recevoir les sauterelles ; or, fait qui mérite d'être souligné, parmi les insectes, les acridiens seraient assez représentatifs de la caste militaire (2). Leur comportement grégaire donne à tous égards aussi, cette impression d'armée d'invasion, organisée et disciplinée. (Le Prophète les désigne comme « les milices de Dieu ». Les musulmans du bled les voient encore avec ce même regard, et se répètent les légendes de cette nature. Dans toutes les bandes en vol, ils prétendent qu'il y a un chef qui conduit la marche. Les sauterelles finissent toujours par se jeter à la mer, mais il en demeure toutefois quelques unes sur le terrain de ponte pour attendre et conduire les jeunes criquets et les ramener au Sahara. Comment autrement pourraient-ils en connaître la route ? Il est tellement vrai que ce sont des armées que toutes les sauterelles portent sur leur poitrine le numéro de leur bataillon (repli de chitine sur le thorax rappelant un graphisme). Pour toutes ces raisons, les Arabes ne les considèrent pas seulement comme simples déprédateurs des cultures, mais comme des insectes de haut rang, nobles envahisseurs, véritables ennemis du territoire de la nation.

Aussi dans ce concept psychologique, une invasion acridienne devient une affaire d'Etat. Et après Allah qui les a envoyées, le responsable devient l'Etat tandis que le fellah n'est que la victime docile et résignée. En toute logique, c'est donc au baïlik (lui qui possède une armée) d'entreprendre la défense, éventuellement en mobilisant aussi la population locale, la fameuse touïza (3) qui sera très bien supportée.

La loi romaine déjà faisait obligation aux habitants de faire la guerre aux sauterelles, les contrevenants étaient punis de la peine du déserteur. En tant que responsable, c'est aussi le baïlik qui doit venir au secours des sujets sinistrés. Cette dialectique sera d'ailleurs vite suivie par les colons européens et même par l'administration, puisque l'Etat sera amené à prendre en charge les dépenses.

Second volet de la conjoncture : Les Français traiteront les affaires de sauterelles en langage militaire, avec la terminologie de guerre et souvent la tactique, le tout empreint d'un anthropomorphisme bien d'époque.

En voici quelques exemples d'archives :

Kunckel : « La lutte contre les acridiens a les plus grandes analogies avec la guerre : les hordes de criquets qui marchent souvent sur un front de plusieurs kilomètres rappellent singulièrement des régiments lorsqu'ils se déploient sur le terrain ».

Mac-Mahon, 10 juillet 1866, lettre au ministre de la Guerre : « Pour la deuxième fois, depuis l'occupation française... (suit un long compte rendu d'opérations militaires)... A Boufarik nous nous défendons avec acharnement... Tout le monde fait son devoir, mais le fléau est plus fort que les hommes. »

-1891. Rapport de la Province d'Oran : « Si le gros de l'armée d'invasion...»

-1891 .« Le paquebot « Maréchal Bugeaud » est assailli à 12 milles d'Alger...»

-1891 . » Les criquets pénètrent dans les jardins, assiègent le village (Lodi) tandis que d'autres escadrons menacent Médéa prenant position sur les hauteurs. »

-1892. Extrême sud :... « Ces avant-courriers sont bientôt suivis d'une forte colonne qui passe à Ghardaïa le 9 décembre.»

-1893 .« Les djrads campent en nombre considérable sur la route de Sidi-Bel-Abbès à Mercier-Lacombe » (notion de bivouac).

-1893. « Ceux-ci (criquets) entrent même dans le village (Zemmora 14 juin) où ils prennent d'assaut la gendarmerie ainsi que les maisons et s'installent presque dans les lits

-1896 .« De fortes réserves sont massées dans la commune mixte de Nédromah vers la frontière marocaine, les djrads campent en grand nombre le 19 janvier à Sidi-Brahim, 10 kilomètres de Nemours ; mais poursuivis, ils rebroussent chemin vers Lalla-Marnia et Oujda.»

-1899. « C'est le territoire militaire comme d'habitude qui a supporté le premier choc de l'armée d'invasion mais il semble que le gros de cette armée y est demeuré et n'a détaché que des reconnaissances en territoire civil. »

-1899. Le commandant de Laghouat rédige un important rapport en style de véritable campagne de guerre. Aussi croit-il devoir l'assortir de cette annotation : « Mais n'est-ce pas la guerre ? Puisqu'elle nécessite une véritable mobilisation et un déploiement des forces nombreuses, puisqu'elle oblige à une vigoureuse action contre des armées, en quelque sorte disciplinées, qui marchent avec avant-garde et puissantes réserves

-1813. Enfin, revenons très en arrière. Hemso, consul de Suisse et de Sardaigne à Tanger, parlant de l'invasion de 1813 écrit : « ...Un nuage qui obscurcit le soleil et l'on entend de loin le battement de leurs ailes et le murmure du cliquetis de cette armée aérienne ». Ce qui nous amène à citer aussi « l'Apocalypse » (IX, verset 9) : « Le bruit des ailes de ces sauterelles était comme un bruit de chars qui courent au combat (vision de Saint Jean, peut-être prémonitoire de cette armée de forteresses volantes que nous avons connue dans le ciel de Constantine en 1943).

Un autre élément qui rend bien compte de cette ambiance et de l'état d'esprit de l'époque nous est révélé par la tactique de défense qui prévaut à chaque instant le souci majeur de défendre les agglomérations et notamment les villes de garnison, alors qu'il s'agit d'un ennemi des cultures. C'est donc essentiellement les vastes étendues de céréales qui réclameraient une efficace protection et non les villes de garnison.

Cette série de citations ne procède, évidemment, d'aucune intention malveillante à l'encontre de l'armée. Elle ne vise qu'à dépeindre le climat dans lequel se déroulait la lutte anti-acridienne à l'époque considérée. Et il convient de souligner que la tâche était des plus ingrates que l'on puisse imposer à des militaires. Leur mission était anachronique, déroutante, souvent rebutante, le « combat » permanent devenait monotone, harassant et l'on n'en voyait pas l'issue. Ils s'en sont acquittés avec patience, persévérance et dévouement et méritent notre reconnaissance pour avoir peiné et souffert sur la terre algérienne.

CONNAISSANCES ANTERIEURES

Telles étaient les conditions précaires dans lesquelles on devait faire face au fléau : elles se résument en surprise devant un ennemi jusqu'ici inconnu et en méconnaissance totale des moyens à lui opposer.

Et cependant il eût été possible de s'informer à son sujet, il aurait suffi de faire appel aux connaissances, aussi sommaires fussent-elles, des scientifiques de l'époque.

En voici quelques exemples :

En 1724-1725, les premiers Européens à avoir bien vu les sauterelles en Berbérie seraient l'Anglais Thomas Shaw et le Français J: A. Peysonnel.

Thomas Shaw donne notamment une description remarquable de la marche de l'invasion du désert au Tell notant les lieux et les dates précises. (On ne le savait plus en 1844). J: A. Peysonnel qui se trouve dans la province de Constantine en 1725 parle d'un fléau qui dure depuis neuf ans et de pontes dans les endroits pierreux sur les Hauts-Plateaux de Sétif (Stauronote bien reconnaissable). 1778-1780, de Chénier qui réside au Maroc décrit avec force les détails de la terrible invasion de 1778-1779-1780 et ses conséquences. Il admire, avec étonnement et respect, la résignation de ces malheureux fellahs : « Ils supportaient le mal sans se plaindre parce que, selon leur foi, tout a été préparé par la Providence

Un autre Anglais, James Grey apporte d'autres détails : « les sauterelles sont produites par quelque cause inconnue et proviennent toujours du désert ». Il donne de très bonnes et intéressantes descriptions, s'étend sur les conséquences économiques et sanitaires, le fléau semant la mort partout où il s'abat. Les Sahariens le savent bien et se réjouissent de voir les sauterelles s'avancer vers le nord. C'est l'annonce d'une mortalité générale qu'ils appellent « el kheïre » (le bien ou la bénédiction) car la dépopulation qui s'en suivra leur fournira l'occasion de sortir de leurs retraites arides du désert pour venir planter leurs tentes dans les plaines ravagées.

sauterelles-PhotoNB-Appel-matinalChantier

Appel matinal d'un gros chantier de ramassage de coques ovigères

 

C'est ainsi qu'en 1779 et au printemps de 1780, les habitants du Touat sont venus s'établir dans le Drah.

En 1813-1814-1815 Hemso, consul de Suisse et de Sardaigne à Tanger, redonne des descriptions semblables avec commentaires significatifs : « Les Maures, dès qu'ils voient leurs champs inondés de ces insectes vont, courant, criant, s'arment de bâtons, attaquent l'ennemi.., mais voyant le peu d'efficacité de leurs tentatives, ils cessent de se tourmenter et de s'affliger et en hommes sages, patients et résignés, ils prennent leur parti et tirent avantage de leur malheur en recueillant les sauterelles pour en faire leur nourriture ».

En 1815 la même invasion s'étend à l'Algérie. Il s'y trouve un Français, Renaudot, qui note d'excellentes observations. Les sauterelles s'étaient jetées à la mer. On crut en être débarrassé lorsque la nouvelle se répandit qu'il y en avait des lignes de petites qui s'acheminaient pédestrement. Le 18 juin, on les aperçut à une heure et demi d'Alger, marchant avec beaucoup de vivacité, se servant de leur quatre pattes de devant. Les chemins qu'elles couvraient ressemblaient à des ruisseaux... dans leur course, elles prenaient de la force et du corps.

In « l’Algérianiste » n°27


Il. — PRINCIPALES PERIODES D'INVASION ACRIDIENNE

PREMIERS PERIODE 1844 A 1846

 

1844. — Les Français sont là depuis quatorze ans et c'est la première fois que l'on entend parler de sauterelles.

1845. — Dès janvier, elles remontent à Ouargla et s'étalent sur les marches présahariennes et dans le sud tunisien. Le 6 mars elles sont à Biskra et le 14 mars il en arrive dans le sud oranais. Le 17 elles raclent les céréales de la plaine de Sebdou et repartent sur Oujda. La masse des excréments restés sur le terrain dégage une odeur nauséabonde d'herbes putréfiées. De ces faits nouveaux, le docteur Guyon fait un compte rendu à l'Académie des sciences et une lettre du chef de bataillon Levaillant parvient au Muséum. Le commandant de la place de Philippeville informe l'état-major qu'une colonne se rendant de Bône à Constantine, rencontre les sauterelles à El-Arrouch. La pluie et le froid ont fait des milliards de cadavres qui s'amoncellent sur dix centimètres d'épaisseur sur la route. Le lendemain, elles fondent sur Philippeville. Le défilé dure deux heures. (Les « cadavres » n'étaient pas morts mais seulement engourdis par le froid). L'invasion est générale sur les trois provinces, les sauterelles remontent en Kabylie et s'étalent sur tout le littoral, s'alignant sur les plages (c'est le parcours classique).

Le 29 avril, elles sont au Fondouk et à Maison-Carrée.

Le 30, le grand événement, elles sont au-dessus d'Alger. Nouveau et grand spectacle pour la population européenne d'Alger. Elles tourbillonnent, s'abattent sur les terrasses, les places publiques, à la grande joie desyaouleds. Pour la première fois, on les voit se jeter à la mer, à Bougie, à Fouka ; les cadavres ramenés par les vagues s'entassent sur les plages, s'y putréfient, on fait ainsi connaissance avec cette épouvantable odeur qui se répand dans l'atmosphère. En mer, les sauterelles s'abattent sur le brick-goëlette Marie-Louise (Philippeville à Alger) et la corvette l'Allier le 12 mai en deçà des Baléares (Marseille-Alger). A Dellys, les Français veulent se défendre. Ils font battre le tambour sur tous les points et l'on finit par recourir au canon. « Une quantité considérable tomba de cette manière à la mer. »

Après les sauterelles, ce sont les criquets, mais on a bien l'impression qu'on les a bien laissé faire et dans les villes il n'y a guère d'échos de la campagne. Le capitaine Dargent rapporte que derrière une colonne de 300 à 400 chevaux et mulets, le crottin n'était pas plus tôt à terre qu'il disparaissait, les criquets en faisant table rase malgré le piétinement du convoi. Au faubourg Bab-Azoun, les criquets pénètrent dans un magasinde l'intendance rempli d'orge. On a toutes les peines du monde à s'en rendre maître ; pour établir les certificats de perte, il a fallu réunir une commission (rapporteur docteur Guyon, intendant de l'armée). On mit sous les yeux des enquêteurs du drap très fort, des tissus de soie épais, un châle de laine, tous perforés et lacérés, enfin des pains de munition dont il ne restait que débris et croûtes.

En somme l'affaire, imprévue, n'a pas été prise en main par l'Administration (il n'existe pratiquement pas d'archives). Mais le peu que l'on sait permet d'établir que l'invasion était mixte. Il y avait du stauronote sur tous les Hauts plateaux, mais là, surtout à l'ouest, où l'armée était aux prises avec Abd El-Kader, nul ne s'y attardait.

Les stauronotes débordent des Hauts plateaux, du 6 au 10 juillet sur Médéa. Le 16, ils envahissent la Mitidja jusqu'au Sahel. Les 19 et 20 juillet un vol prodigieux passe sur Alger. Les coteaux de Mustapha à Kouba sont couverts d'insectes appariés (qui vont pondre). Les grandes sauterelles étaient parties, il en revenait de plus petites. On ne cherchait même pas à comprendre ; mais chose plus grave, personne ne s'est soucié des pontes déposées. Aussi, grande sera la surprise en février 1846 quand les criquets apparaîtront sur le terrain, aux portes d'Alger. Les premiers jours de mars, on en a sur le champ de manœuvre de Mustapha, à Kouba, Birkadem, Maison-Carrée, Fondouk, Blida et dans la vallée du Mazafran.

Finalement, en 1845, il n'y a pas encore de campagne antiacridienne. Il est difficile de parler de carence de l'Administration. D'abord il y a eu la surprise, ensuite aucune loi française ne faisait obligation à l'Etat de prendre en compte la destruction des sauterelles. Il n'existait pas au budget de chapitre consacré à cette aventure, donc aucun crédit, enfin aucune compétence technique et une absence totale de cadre d'exécution.

Gouverneur général, le maréchal Bugeaud prend conscience de la nécessité d'intervenir. Il prescrit, par arrêté discrétionnaire (puisqu'il n'y a pas de loi) la destruction des sauterelles, mais sans être en mesure de l'assortir d'aucun moyen de lutte. Puis par circulaire du 17 mai, il institue une prime de 0,15 F au kilo de sauterelles tuées, prime vite ramenée à 0,05 F (un sou). Hussein-Dey et Kouba : 369 quintaux ; cercle de Boghari : 1500 quintaux (chiffres qui laissent perplexe). Enfin, en juin, une circu aire aux maires prévoit, pour la première fois, la réquisition de la population pour la destruction des criquets au moyen de battues générales (inspiration des textes du code rural de la chasse).

A Paris, le ministre de la Guerre comprend la nécessité d'une meileure information sur le comportement de ces insectes afin de pouvoir se prémunir pour l'avenir. Il crée donc une commission d'études dans chacune des trois provinces.

Mais le plus urgent est de s'occuper des sinistrés. Le maréchal Bugeaud donne l'ordre de faire constater et évaluer par des personnes dignes de confiance l'importance des dommages aux fins de dégrèvement de l'impôt tribal de l'Achour. (Dès ce moment, les sauterelles deviennent ipso-facto une affaire d'Etat.) 1846 sera une année très dure. Pas de rentrée d'impôt, pénurie générale, plus de céréales. On fait appel au commerce pour obtenir des prêts de grains, pour secourir les tribus et assurer les ensemencements.

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Offrande de brochettes de sauterelles.
(bas relief assyrien)

 

DEUXIEME PÉRIODE 1848 A 1850

Après deux ans de répit, une invasion mixte, surtout dans la province d'Oran. Mais l'armée est sur le pied de guerre dans cette zone. Malgré la soumission d'Abd El-Kader en décembre 1847 et celle d'Ahmed Bey de Constantine en juin 1848, nombre de tribus restent insoumises et remuantes et les colonnes volantes parcourent le bled (affaire de la Zaâtcha dans les Zibans). On ne s'occupe pas des sauterelles, ou pourtant si. Les rapports de l'armée n'hésitent pas à démontrer que la présence des sauterelles est un des plus sûrs garants de la tranquillité publique et de l'apaisement des esprits. Les indigènes ayant leurs récoltes razziées par les criquets et menacés de famine ne sauraient songer à se mettre en campagne. Il devient d'intérêt national de garder le silence et l'on n'en parle plus. Donc rien dans les archives.


TROISIEME PERIODE 1864-1867

Après un répit de quinze ans c'est une très grosse invasion et essentiellement de sauterelles pèlerines. Les premières ont été décelées par le colonel Colomb en expédition contre Si Lala (1863-1864) dans l'extrême sud de la province d'Alger. Au dire des Arabes Si Lala aurait été arrêté dans sa fuite par des nuées de sauterelles pendant douze jours, affolant les troupeaux et rongeant la toison des moutons et des chameaux.

Dans le Tell cette fois la mentalité fataliste va changer. Un autre vent soufflera. La colonisation a progressé, elle s'est musclée. Maintenant on veut se défendre et agir. Il faut inventer des moyens efficaces de lutte. La presse locale et métropolitaine se met à faire du bruit. Surgissent des curieux et des dilettantes qui vont faire des observations originales, des expériences, des découvertes et inventions, voire se révéler de très valables littérateurs. En un mot l'Algérie va vivre à l'heure des sauterelles.

Recréer ici l'ambiance de ces quatre années agitées est une tâche impossible. Nous nous contenterons d'en écumer les événements saillants. L'évêque d'Alger, Mgr Pavie, ordonne des prières publiques et autorise, dans les campagnes, la bénédiction des champs menacés soit processionnellement, soit en particulier, mais toujours en costume de chœur.

1866, c'est l'apogée de l'invasion : une catastrophe lourdement ressentie (567 hectares de coton détruits en Oranie). Un fait curieux : des légions de criquets recouvrent le territoire entre Aïn-Témouchent et la mer. Les vagues de criquets prennent la direction de la mer, arrivent sur les hautes falaises de Camérata et Oued Hallouf. « Sans hésiter, ces légions se jettent dans le vide ; curieux spectacle de voir des insectes solidarisés par cet instinct d'association qui gouverne leurs actes, tomber en cascade du haut des falaises, aucun d'eux ne s'arrêtant sur le bord du préipice, tous se lançant dans le vide sans hésitation. »

Parmi les observations utiles, on constate l'action efficace des prédateurs, surtout les oiseaux, guêpiers, étourneaux, alouettes, etc. et, ce qui a certainement beaucoup d'importance, le parasitisme des acridiens par des mouches tachinaires. Les Arabes connaissaient bien la présence de ces « vers » dans les sauterelles(2) qui annonçait la fin des invasions, mais on n'avait pas jusque-là prêté attention à leurs dires.

Par contre cette fois le processus d'invasion de la pèlerine et son cycle évolutif dans le Maghreb apparaissent de façon très nette. Notamment la nouvelle génération est bien individualisée par sa couleur rose corail, on sait qu'elle ne s'accouple pas et qu'elle repart spontanément vers le Sahara. Malheureusement l'interprétation biologique en est erronée. On la considère comme définitivement stérile. La sauterelle rouge apparaît donc comme une espèce neutre, de race épuisée, inapte à la reproduction et de ce fait dénuée de danger.

Du côté de l'Administration, le nouveau gouverneur général, Mac-Mahon (1864) stimule la lutte. Il met l'armée à la disposition des populations pour les battues. Les détachements seront pourvus d'outils : pelles et pioches (magasin du Génie). Un arrêté préfectoral donne enfin des instructions ;

1— Pour les sauterelles en l'air, les poursuivre de bruits stridents, les effrayer par des détonations pour les forcer à faire route en avant, jusqu’a la mer, où elles trouveront leur fin.

2— Quand elles s'abattent, les assommer sur place avec de longs balais formés de broussailles.

Plus astucieux sont les Mahonnais de Fort-de-l'Eau qui creusent entre les dunes, saturées de pontes, et leurs terres de maraîchages, un grand fossé de 1 800 mètres dans lequel soldats et « pénitenciers » écrasent les criquets.

Le 30 avril 1865, le gouvernement prescrit d'anéantir à tout prix les jeunes criquets et conseille la méthode des tranchées. Comme il veut se faire enfin une idée de l'efficacité, on devra mesurer ou peser les criquets ainsi détruits (l'ère des statistiques commence). A cet effet une instruction du 23 mai établit une prime de 2,50 F par quintal métrique ou demi mètre-cube de criquets écrasés en bouillie. Il débloque 10 000 F de crédit pour Alger, 5 000 pour Oran et 5 000 pour Constantine. (Les indigènes des hauts plateaux Constantinois préfèrent les ramasser avec leurs ancestrales mel­hafa). Le fait nouveau est que l'on songe enfin à s'attaquer aux pontes en terre. C'est le début d'une longue histoire pour le stauronote dans les communes mixtes. Au comice agricole de Sétif, la question des labours est abordée par M. Ryf.

Mac-Mahon, souhaitant une meilleure information, fait organiser une GRANDE ENQUETE GENERALE. Les formules d'un long questionnaire envisageant tous les aspects de la question sont envoyées dans toutes les communes. En fin de campagne les feuilles d'enquête sont soigneusement collectées et pointées puis accumulées en dossiers. Mais l'impénitente Administration, une fois la fièvre de l'invasion passée, laisse choir les documents dans l'oubli. La rédaction, prévue du rapport général, dont on attendait les conclusions utiles et même salvatrices, n'est jamais entreprise. C'est Kunckel qui les exhumera vers 1895.

Une originalité d'intellectuel : le docteur Maurin est convaincu que les sauterelles sont utilisables comme engrais. Il voudrait surtout en convaincre les Arabes du sud. « Ce serait pour eux une véritable bénédiction. » Il arrive, avec analyses et chiffres en mains, à démontrer que cela représenterait une valeur de 50 millions de francs d'engrais que ces malheureux laissent perdre ! Dans la presse parisienne cela fait grand bruit, beaucoup moins d'ailleurs en Algérie.

Un personnage fort sympathique : l'abbé Burzet, curé de Chebli, déjà apiculteur, de tempérament actif, enthousiaste et dévoué à la cause publique ; certainement très énergique, il n'hésite pas à prêcher par l'exemple. C'est aussi un homme au grand cœur, profondément compatissant de la misère humaine.

Dès le début cet ecclésiastique est fasciné par ce phénomène « biblique » qui se déroule sous ses yeux. Curieux, il observe, d'une façon magistrale, tout du comportement des insectes à celui des humains.

Il veut participer et, à l'instar de Savonarole, il réunit de bon matin les enfants qu'il entraîne joyeusement à la chasse aux sauterelles. Chacun doit ramasser au moins 100 femelles et leur arracher la tête.

Pour nous, c'est surtout une fine plume, au style chaud et imagé, mais parfait de clarté et de précision. Il décrit tout ce qu'il voit et qu'il vit intensément. Sa narration de l'affolement des gens de la Mitidja est un petit chef-d’œuvre. « On allume partout des feux, faisant de la fumée avec de la paille et du soufre, les cloches sonnent à toute volée, tout le monde court : les enfants, les hommes à cheval, les femmes avec des ceintures de grelots. A Boufarik, ce sont les tambours, clairons et coups de fusil. Les révérends pères Jésuites de cette ville font gronder les canons de Sébastopol, don du maréchal Pélissier. ».

Sa plume, il la met aussi au service de la charité et en 1868 le ton change. Il décrit alors cette misère horrible qu'est la famine, ces squelettes ambulants qui arrivent vers les centres européens, à la recherche de grains d'orge dans le crottin de cheval des casernes de cavalerie. Il avoue l'authenticité de quelques cas d'anthropophagie (16) dont certains sont venus devant les conseils de guerre et s'écrie : « N'aurait-il pas mieux valu l'oubli ! »

On a relevé le nombre des morts dans les villes, mais dans le bled, on ne comptait pas... C'est à cette époque que le préfet Brosselard aurait dit à son secrétaire : « Je vous ordonne d'oublier, mon ami, les chiffres que vous venez de copier. » En effet, à la famine s'ajoutait une épidémie de choléra et le typhus s'étendait. Un grand nombre de nos officiers des Affaires arabes et de médecins militaires périrent.

Préoccupations premières : les secours

En juillet 1866, le gouverneur général Mac-Mahon avait bien adressé son fameux rapport militaire de capitulation : « C'est une lutte impossible, il faut céder... à Douéra, les criquets ont envahi la ville par tous les côtés. Les rues en sont remplies, les maisons en sont pleines, les arbres en sont chargés... L'invasion menace Alger, les criquets arrivent à Pointe-Pescade, la Bouzaréa en est couverte, El-Biar vient d'être attaqué. » Ce rapport se terminait par un appel pathétique. Mais les fonds, demandés sans relâche au gouvernement, n'arrivaient toujours pas. La situation des affamés est urgente à régler, les esprits sont profondément émus. Aussi, dans la population française un groupe de citoyens d'Alger prend l'initiative d'ouvrir une souscription publique. Le premier appel et la liste ouverte le sont dans le journal Akbar. Le nouvel évêque, Mgr Lavigerie, adresse une circulaire à tous les curés, leur rappelant l'exemple de charité donné au III siècle par saint Cyprien, grand évêque de Carthage, il ouvre une souscription dans toutes les églises.

Malgré tous les efforts locaux, la situation ne fait qu'empirer. Il faut faire participer aussi la France. Mac-Mahon, par l'intermédiaire du maréchal Randon, ministre de la Guerre, obtient une intervention personnelle de l'Empereur. Il se permet de rappeler qu'en plusieurs occasions l'Algérie avait adressé son obole à la mère-patrie : en 1863 : 431 835 F (incendie de Limoges et blessés d'Italie) ; en 1856 : 200 000 F pour les inondations du Rhône ; plus tard 110 000 F pour les ouvriers victimes de la crise cotonnière. Une souscription sera étendue à la Métropole ; Sa Majesté ouvre la liste par un don personnel de 5 000 F. Résultat en 1868 un total de 1 103 515 F dont 173 439 F provenant d'Algérie et 929 475 F de la Métropole. Malheureusement, les élans de générosité, même dans leurs déploiements les plus nobles, ne vont pas sans provoquer des remous et même creuser des ombres profondes, que la probité historique ne saurait passer sous silence. Ainsi, conséquence indirecte de la crise acridienne, surgit la déplorable et gigantesque polémique autour de l'affaire dite « des orphelins de Mgr Lavigerie». Le prélat a charitablement recueilli plus de 2 500 enfants plus ou moins abandonnés se trouvant dans un état de misère physiologique extrême. Il en sauva certes un grand nombre, mais il se les attribua pour en faire des chrétiens « parce que la vie qui les anime encore, c'est moi qui la leur ai conservée ». La réaction fut une levée de boucliers des chefs arabes soutenue et même attisée par les partis et la presse anticléricaux. Plus tard ce seront ces néo-chrétiens, les m'tournis des Arabes qui peupleront les terres de colonisation concédées par Napoléon III pour la création du centre de Saint-Cyprien-des-Attafs, dans la vallée du Chélif.

Enfin on ne peut évoquer cette époque sans rappeler qu'en 1866, Alphonse Daudet était en vacances à Crescia chez son vieil ami Rivière (familièrement l'oncle Oued). Il y voit les sauterelles et publie sa pittoresque nouvelle sur les sauterelles en 1872 à Paris dans le Bien Public. Celle que nous connaissons bien, reprise dans les Lettres de mon moulin.

PERIODE DE RÉGRESSION 1868-1872

Plus de pèlerins mais continuation de l'invasion de stauronotes. On est encore dans la confusion. Sur le terrain, les officiers s'aperçoivent bien qu'il y a des différences, mais ils se laissent influencer par les croyances arabes. On parle de « l'abâtardissement de la race ». Conclusion : il n'y a qu'à attendre sa disparition spontanée ! Cela finit par devenir la théorie officielle.

Le Journal officiel d'Algérie (1870) publie un rapport du colonel Lacombe « Le fléau disparaîtrait donc totalement de nos provinces algériennes, en peu d'années par l'abâtardissement progressif de l'espèce, si es sables sahariens du grand désert cessaient au printemps de vomir de jeunes et vigoureuses émigrations. » D'où une campagne monotone, sans énergie et sans résultats.

A signaler pourtant un élément positif : la « toile cypriote» (3). Notre consul à Chypre, le colonel Ceccaldi, fait parvenir au ministre, le 5 avril 1868, un rapport sur l'invention à Chypre, en 1862 par un colon italien, Ricardo Matteï, d'un barrage-piège mobile, qui s'avère très efficace. En 1869, on en confectionne quelques-uns à titre expérimental. Les premiers essais ont lieu à Boghar. Certainement mal conduits, ils sont décevants.

Puis, c'est la date fatidique de 1870 pour le régime impérial et la France, les sauterelles jouiront de la paix qu'on va leur laisser pour s'occuper d'autre chose.

QUATRIEME PERIODE 1873-1877

Longue période où le fond de l'affaire est toujours le stauronote, avec quelques incursions de pèlerins. On ne fait toujours pas la distinction.

Monotones et répétitives campagnes, parmi les quelques éléments saillants citons : en 1874, le premier train arrêté par les criquets entre Orléansville et Blida. L'idée des toiles cypriotes est reprise. On en confectionne 100 mètres. Les résultats sont appréciables mais combien insuffisants. Aussi, en 1877, le général Chanzy en commande 30 kilomètres. Elles arrivent de France en 30 volumineuses caisses qui sont confiées aux trois généraux. Elles seront encore très mal employées, le plus souvent contre des criquets trop âgés, devenus véloces. Heureusement la nature a ses rythmes, on entre dans une période de répit qui durera cinq ans.

In l’Algérianiste  » n°28

III— LA LUTTE CONTRE LES INVASIONS ACRIDIENNES

S'ORGANISE SCIENTIFIQUEMENT

CINQUIEME PERIODE 1882 A 1892

Cette période, exceptionnellement longue, se caractérise et s'expli­que par la quasi-permanence du stauronote autochtone, compliquée de plusieurs remontées de pèlerins ; l'année 1888, où les deux phénomènes se conjuguent, présentera un paroxysme d'invasion rarement atteint.

En 1881, c'était l'insurrection de Bou-Amarra. On avait guerroyé dans tout le sud oranais sans voir de sauterelles. Grande surprise en mars-avril 1882 de voir éclore des criquets. Personne ne sait encore qu'il s'agit du stauronote. Cela se passe sur les hauts plateaux. On laisse les criquets déambuler à leur guise dans la mer d'alfa, ce n'est pas alarmant. 1883 est une année de sécheresse, la misère s'installe. On court au plus pressé : les mesures de secours aux populations. Une souscription est ouverte et même une loterie nationale est créée (3 700 000 F).

On a si bien, laissé aller les choses (la prétendue dégénérescence) qu'un 1885 c'est le coup de théâtre. L'invasion est généralisée sur tous les hauts plateaux de l'Oranais au Constantinois. Le général Tirman enregistre la leçon et prend en main la campagne de 1886. Il décrète le ramassage obligatoire des œufs en terre, fait repérer et signaler toutes les éclosions. Il fait organiser des chantiers de lutte avec les populations réquisitionnées et les fait encadrer par l'armée et par des administrateurs civils. Les responsables doivent rendre compte. Le résultat est que si l'on manque toujours de moyens, on aura des chiffres. Récapitulation générale : 547 000 (karouba) doubles-décalitres de criquets écrasés. 1 400 000 journées d'ouvriers non rémunérées.

L'Administration et les élus s'émeuvent de l'immense effort gratuit imposé aux populations des hauts plateaux. Le gouverneur général, estimant que ce travail protège toute l'Algérie, toutes les communes doivent y participer financièrement. Mais peu de communes du Tell votent les crédits nécessaires et les fonds ainsi récoltés ne sont qu'une aumône, de 85 000 F distribués aux plus malheureux. 1887 est une campagne désastreuse. On est débordé partout. 1888, recommencement, mais dans le découragement total. Le fatalisme de tout le monde est grand alors qu'il s'agit de la plus formidable invasion. Cette fois les stauronotes débordent sur le Tell.

Il est impossible de décrire ici toutes les situations tragiques avec la cohorte des conséquences désastreuses qu'engendre la disette chronique : spéculations, trafic en tout genre, désordres sociaux, insécurité, mouvance des tribus affamées qui pillent et se battent, mouvement d'émigration vers le nord. Guelma est envahie le 14 juillet. La situation est si désastreuse que l'Etat prend une décision de dernier recours. Il ouvre au pacage le million d'hectares de forêts domaniales.

sauterelles-PhotoNB-PiegeToileCypriote

Piège toile cypriote avec fosse de capture

Dans la presse de beaux esprits tirent de cette tragédie un autre type de conclusion : «Certes la misère physiologique a fait bien des victimes, mais ceux que la nature a fait frustes et vigoureux sont restés, laissant sur la terre algérienne cette admirable race indigène qui s'est perpétuée à travers les âges, alors que les races conquérantes ont disparu. Depuis des siècles ne mène-t-elle pas paître ses troupeaux sur les ruines des civilisations passées ? "

Et pourtant c'est en cette maudite année 1888 que va se produire le tournant et que surgira quelque lumière sur le problème acridien. Oran reçoit le congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences. Pour se mettre dans la note, on parlera évidemment de sauterelles. Le rapporteur de la question n'est qu'un assistant du Muséum, qui n'a jamais vu d'invasion, mais il a accumulé une large bibliographie notamment américaine, russe et anglaise. Je pense qu'il est le seul, à l'époque, à connaître, au moins théoriquement, le problème des acridiens migrateurs. Son exposé est clair et les idées exploitées sont justes. Le gouverneur général Tirman s'est déplacé pour l'entendre. Il en est plus qu'inté­ressé, c'est une révélation, il a trouvé son homme. Cet homme s'appelle Künckel d'Herculais.

Tirman le convoque, lui offre sur l'heure de visiter les chantiers et de lui dresser un rapport circonstancié, pendant qu'il entreprend les démar­ches administratives pour le faire détacher à son service le temps néces­saire. Künckel se trouve ainsi d'emblée attaché à la personne du gouver­neur général pour la question acridienne, sans autres contraintes admi­nistratives ou hiérarchiques.

Que dire de cet inconnu ? Il est dans la force de l'âge, très actif, très dévoué, même enthousiaste mais non rompu aux responsabilités du commandement, il ignore la rigidité hiérarchique de l'armée et même des hauts fonctionnaires et tout autant la susceptibilité des élus comme des commissions désignées par le gouvernement. Pour s'exprimer en algé­rien dialectal, ce n'est pas un " béni oui-oui », mais c'est un « fran­gaoui », un « boudjadi » regardé comme le « chikem » du gouverneur.

Ne nous arrêtons pas sur les quelques difficultés qui surgiront avec leurs conséquences inévitables. Il aura notammant d'épiques démêlés avec les dignitaires en place, les militaires, les fournisseurs et les journa­listes, ses ennemis intimes. Mais, sur le terrain, c'est l'homme providen­tiel. Il n'hésite pas sur la nature et la biologie du stauronote, en localise les foyers permanents des hauts plateaux, en fait repérer toutes les zones de pontes et dresser des cartes orographiques les situant. Il affirme que les lieux de départ des invasions ne peuvent pas être les ter­res cultivées, mais bien les terrains de parcours, soit la plus grande partie du domaine de l'Etat. Il en conclut que les charges de la prévention incombent à l'Etat, que le fléau agricole au départ devient ensuite natio­nal, ce qui implique une solidarité absolue entre les citoyens, au moins financièrement. Il faut changer la mentalité fataliste « que les sauterelles sont apportées par un vent funeste et emportées par un vent tutélaire ».

Par contre, sur, les méthodes de lutte, il demeure circonspect, man­quant d'expérience, il reconnaît l'utilité des toiles cypriotes, à condition de les utiliser à grande échelle. Il en fera commander 300 kilomètres avec 60 000 feuilles de zinc et 3 000 masses ainsi que 100 000 piquets au service des forêts. On entre ainsi dans l'ère de vraies campagnes, de lutte active et offensive, organisées en 1889.

Malgré l'importante préparation, tout le territoire est infesté et devant son ampleur les moyens restent disproportionnés, surtout dans l'est : le découragement gagne. Tirman tient à Constantine un véritable conseil de guerre et mande d'urgence Künckel pour défendre la ville. Les cri­quets ont trouvé le même point faible que jadis Lamoricière (1836). Ils arrivent sur la place de la Brèche. Bilan : 1 827 chantiers. 3 300 000 jour­nées d'ouvriers. 3 500 000 doubles décalitres de criquets écrasés. Dépense globale : 2 800 000 F.

1890. — Une nouvelle invasion de pèlerins, la plus grande histori­quement enregistrée. Sont envahis : le Maroc, le sud de l'Espagne, l'Algérie, la Tunisie, la Tripolitaine, l'Egypte et la Syrie.

Chez nous, c'est l'Oranie qui écope le plus. Le général Détrie expé­die en hâte 600 légionnaires et 200 tirailleurs. On monte 50 kilomètres de barrage cypriote continu. Le général Détrie envoie un renfort de 1 000 hommes et le gouverneur général, 400 appareils par train spécial. La chaleur aidant, la putréfaction rend l'atmosphère irrespirable. Les soldats refusent l'écrasage au pied dans les fosses pièges. Les indigènes ne tar­dent guère à en faire autant. On tourne la difficulté en acheminant

10 000 kilogrammes de sulfure de carbone (2). Le Gouverneur général Tirman vient à Tiaret avec le préfet d'Alger et le commandant des Affaires indi­gènes, il y convoque le préfet d'Oran. De là, il passe en Sersou, couche le 13 juin à la ferme Bourlier (qui est député). Les chantiers sont énor­mes. Au Nahr Ouassel, ce sont des Niagara de criquets que déversent en cascades les collines de l'Ouarsenis : l'on pourrait multiplier les exemples.

1891. — La campagne est bien préparée, on n'a pas lésiné sur les dépenses, on trouve sur le registre des douanes les importations en 1890 : 3 86 300 kilos de plaques de zinc laminé et en 1891 : 1 334 800 kilos, ce qui est un témoignage éloquent. Mais Tirman qui a eu toute sa carrière de gouverneur littéralement empoisonnée par les sauterelles, est fatigué et découragé. Il pense sagement qu'un homme nouveau aurait seul le pouvoir d'entraîner le gouvernement et les chambres à faire les grands sacrifices qui s'imposeront. Cet homme découragé recule devant la nouvelle campagne en faisant valoir ses droits à la retraite. L'homme nouveau sera Jules Cambon (ancien fonctionnaire d'Algérie et préfet du Rhône). Homme énergique, administrateur habile et expéri­menté. Il débarque (déjà parfaitement renseigné par Künckel) le 11 mai 1891. Avant même de prendre ses services au Gouvernement général, il va visiter tous les points chauds en Algérie et il n'hésite pas à repartir à Paris pour plaider la cause et obtenir 1 500 000 F de crédits.

La campagne est longue, généralisée, pénible mais monotone, elle absorbe beaucoup d'efforts, la fin se traîne en longueur et toujours sans résultats définitifs. Finalement elle ne nous apporte rien de bien nouveau, aussi sera-t-il plus élégant de la clore ici par une anecdote : « Le 19 mai 1891 le steamer La Moselle de la compagnie Paquet, en traversant Gibraltar est assailli par un vol considérable de sauterelles. Il transportait des milliers de poulets à destination de Marseille. Le capitaine Lapeyre eut l'idée d'en faire ouvrir les cages ; ces poulets marocains se ruèrent sur les sauterelles qu'ils dévorèrent. Pendant un moment ce fut un roule­ment de coups de becs sur les planches, jamais passager n'avait assistéà pareille picorée».

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Ramassage des criquets à la Melahfa

1892. — C'est encore une invasion double : stauronote et pèlerine mais c'est l'amorce, du déclin, la contamination n'intéresse guère que l'Oranie. Le 8 mai, les sauterelles «habillent le Santon d'un vêtement d'or ». Le 9 elles sont à Oran à la grande joie des enfants, des chiens et des moineaux. Le sirocco les amène à Alger les 22 et 23 mai, avec répé­tition des manifestations d'accueil.

1893. — C'est la fin. Il revient bien quelques petits vols de pèlerines mais c'est sans importance, c'est le retour au calme. En revanche, appa­raissent les séquelles classiques : misère généralisée, disette ainsi que le déclenchement de la terrible épidémie de choléra dans les Zibans, avec toutes les mesures de police sanitaire utiles : interdiction de circu­ler, fermeture des marchés, postes de désinfection (El Kantara). Les sta­tistiques donnent 2 500 décès enregistrés.


SIXIEME ET DERNIERE PERIODE DU SIECLE 1896-1897


Il s'agit d'une invasion de pèlerines mais très particulière, absolu­ment atypique, certainement en fonction de perturbations climatiques exceptionnelles. Absence totale de pluie au cours de l'année 1895, ni en automne ni en hiver. De ce fait aucune végétation dans le sud et les sahariens remontent avec leurs troupeaux jusque dans le Tell. Les sau­terelles arrivent comme à l'accoutumée dans la région des oasis et les premières marches sahariennes en automne 1895. Mais elles ne s'y arrêtent pas pour hiverner et à l'instar des nomades, malgré la saison, elles poursuivent leur parcours vers le nord, ne s'arrêtant pas non plus sur les hauts plateaux. Elles arrivent ainsi sur le littoral dès novembre (au lieu du printemps) et y évoluent, ce qui ne s'était jamais vu, en décembre, janvier et février. L'invasion se déploie surtout dans la province d'Oran. Là c'est la grande surprise d'abord par l'époque, ensuite par leur couleur rouge terre de sienne. En effet ce sont encore des immatures, les colons et fellahs ne reconnaissent donc pas ces sauterelles encore jamais vues. Le préfet d'Oran signale en haut lieu qu'il ne s'agit pas de pèlerines, mais peut-être du stauronote de Künckel d'Herculais. Les colons sont même plus affirmatifs, il ne s'agit ni de l'une ni de l'autre, mais d'une troisième espèce encore inconnue. (Le Petit Fanai oranais du 22 février 1896.) Un colon de Tounin, plus sagace, place quelques-unes de ces sauterelles dans son appartement sous globe de pendule, et, en quelques jours, avec la chaleur des lieux, il voit ses prisonnières virer au jaune classique et reconnaît le premier qu'on est en présence de véritables pèlerins.

D'ailleurs le phénomène de mutation ne tarde pas à se déclencher aussi dans la nature, avec l'arrivée, enfin !, des premières pluies de février. Quelques jours plus tard ces sauterelles pondent abondamment dans les sables littoraux, puis dans la plaine aux sols légers de la région de Mostaganem.

En 1897 enfin, on subit la dernière invasion du siècle ; son déroule­ment s'effectue selon le calendrier habituel. Elle se déploie plus à l'est sur l'Algérois et le Constantinois, mais les vols ne sont plus très impor­tants et surtout sont décimés par un intense parasitisme, signe caractéristique de la fin d'une période d'invasion.

Nous voici arrivés à l'orée du XXe siècle, terme prévu de notre parcours.


EPILOGUE


Il semble bien que la mission de J. Künckel d'Herculais se soit termi
­née en 1893, date de son retour au Muséum. En 1895 il est envoyé en mission en Corse où le stauronote fait aussi des siennes. En avril 1898, le gouvernement français le détache en république Argentine pour y créer un service de lutte contre les sauterelles locales (langosta). On ignore la suite de sa carrière, seul renseignement précis il est décédé le 22 décembre 1918 à Conflans, en Seine-et-Oise, à l'âge de soixante-quinze ans.

Les Algérianistes lui doivent aujourd'hui beaucoup de gratitude, non seulement pour ce qu'il a fait en Algérie, mais plus particulièrement pour le monumental document historique qu'il nous laisse. Avec celui-ci en effet s'arrête l'histoire écrite des sauterelles en Algérie. Qui écrira celle du vingtième siècle ? Vraisemblablement personne ! Où en sont les archives ?

Nous venons de survoler, et combien sommairement, cette longue page de l'histoire de l'Algérie française, concernant un phénomène biolo­gique qui a fortement alourdi, et à certains moments même compromis, le succès de la colonisation. Sujet bien oublié mais qui méritait de revoir le jour quelques instants. Il fait notamment ressortir à l'évidence que, malgré une impuissance relative, l'inexpérience initiale, l'insuffisance des moyens et des crédits, l'esprit de la France s'est toujours dignement révélé dans le malheur des populations rurales : soucieux, compatissant, secourable et généreux.

In «  l’Algérianiste » n° 29


Pierre PIGUET

sauterelles-PhotoNB-EcrasementauxPied

Ecrasement aux pieds dans la fosse de capture

Notes

I - GENERALITES – HISTORIQUE

-1 Acridiens demeure toutefois un nom collectif employé au pluriel, ce qui explique que les auteurs continuent à utiliser le vocable de, criquet pèlerin, nous sommes bien obligés de les suivre.
-
2 Caste militaire est pris ici dans son sens entomologique. Chez les insectes dits." sociaux ", comme les termites, les fourmis, les abeilles... il existe, en effet, des castes, dont celle des " soldats"
-
3 La touïza est en réalité une coutume locale de travail en commun, gratuit, sous forme d'aide réciproque pour effectuer certains travaux agricoles, labours, moissons, etc. ici son sens est élargi ; c'est en quelque sorte un euphémisme pour désigner la réquisition administrative, gratuite, à laquelle on ne peut se soustraire.

Il - PRINCIPALES PERIODES D'INVASION ACRIDIENNE

-1 Voir L'Algérianiste no 27 du 15 septembre 1984, page 66.

-2 Les larves de ces mouches, véritables asticots, se développent en parasites internes des sauterelles.

-3 Toile cypriote. — Les habitants de Nicosie, devant 1 invasion de 1860 songent, avec succès à protéger leur ville et éviter l'escalade des remparts en confectionnant sur ceux-ci une corniche de plâtre parfaitement glacé que les criquets ne peuvent traverser à la verticale. Matteï reconstitua sur des barrages d'étoffes cette surface lisse infranchissable en y cousant une bande de toile cirée. Après 1878, l'Angleterre ayant annexé l'ancien domaine de Lusignan, les toiles cypriotes seront fabriquées à Glasgow.

Il. — PRINCIPALES PERIODES D'INVASION ACRIDIENNE

-1 Voir L'Algérianiste n° 27 du 15 septembre 1984, page 66 et n- 28 du 15 décembre 1984, page 76 sqq.
-2 On pourrait être étonné de trouver sur le marché d'Alger à cette époque une pareille
quantité de sulfure de carbone, mais il s'agit de stocks de la récente lutte antiphylloxérique.






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