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La coopération agricole dans la région de Bône

Écrit par Charles Griessinger. Associe a la categorie Agriculture

La coopération agricole en Algérie française et notamment dans l'est algérien, a connu un grand essor dans les années qui suivirent la fin de la première guerre mondiale.

Rare, en région viticole, était le village qui ne possédait pas sa cave coopérative. Cependant, c'est dans la région de Bône qu'elle connut son développement le plus important, car elle intéressa pratiquement toutes les productions agricoles.

Jusqu'en 1920, l'agriculture de cette région connut des fortunes diverses, comparables à celles des autres plaines côtières de l'Algérie, telle la Mitidja. Le paludisme du lac Fetzara et ses eaux stagnantes, la sécheresse et les inondations se succédant, avaient conduit au dépeuplement des fermes et villages.

 

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Sociétaires musulmans assistant à une assemblée générale de la Tabacoop

 

Le vignoble, dont la création avait été encouragée par les pouvoirs publics, fut ravagé comme partout par le phylloxéra et subit le contrecoup de la grave crise viticole qui secoua la métropole en 1907, ce qui engendra une mévente considérable de sa production.

Cependant, des capitaux métropolitains s'investissaient dans l'agriculture (création de grands domaines tel le " Chapeau de gendarme " près de Bône). Le paysage agricole changea du tout au tout après la première guerre mondiale. Des initiatives privées s'employèrent à créer et à développer des syndicats, des coopératives, des caisses de crédit agricole qui apportèrent aux agriculteurs des deux communautés, quelle que fut l'importance de leur exploitation, la stabilité des prix et l'assurance de l'écoulement de leur production.

Cette évolution résulta de la situation préoccupante de l'agriculture de l'est algérien, confrontée à la quasi-impossibilité d'écouler les stocks de tabac notamment, destinés au ravitaillement des armées et accumulés en prévision d'un conflit que l'on estimait devoir durer plus longtemps. Toute exportation devenait pratiquement impossible. Les agriculteurs, les planteurs de tabac notamment, comprirent la nécessité qu'il y avait à s'unir.

Quatre hommes joignirent leurs efforts afin de remédier à cette situation, MM. Mihoub Benyakoub, Charles Munck, Laurent Saunier, Joseph Serda.

Animés d'une foi ardente dans (avenir de leur région, n'ayant comme seul support que l'Union Agricole de Bône, créée en 1919 et qui ne disposait ni de capitaux, ni de crédit, ils surent intéresser quelques cultivateurs planteurs de tabac, européens et musulmans. Ils se groupèrent pour créer des docks coopératifs à Mondovi et traiter " en commun " avec la régie française des tabacs, au lieu de lui vendre séparément leur production, comme ils le faisaient jusqu'alors. Par cette association d'intérêts communs, ils obtinrent de cette dernière l'engagement d'acheter pendant 10 ans, à la société des planteurs de tabac qu'ils créèrent à cet effet, une quantité déterminée, à un prix également fixé.

Suivit, en 1921, la constitution de la première coopérative de la région, par la fusion des docks coopératifs de Mondovi et de la société des planteurs de tabac. Elle prit le nom de Tabacoop.

La Tabacoop de Bône

Elle poursuivit un triple objectif

- assurer aux planteurs une rémunération convenable et durable.

- pratiquer une politique de qualité par la distribution de semences sélectionnées. A cet effet elle se dota d'un laboratoire de recherches et de fermes d'expérimentation. Elle s'attacha, par la sélection à rechercher l'amélioration de la qualité, d'une part en déplaçant les plantations vers des zones plus propices, d'autre part en améliorant la technique culturale par le travail du sol et le séchage. II en résulta la création d'un type de tabac, " Cabot " dérivé de souches sélectionnées par le premier directeur technique de la tabacoop. M. J.B. Jehan. Cette variété fut très appréciée de la régie française des tabacs.

- traiter les tabacs, afin de livrer à l'industrie et au commerce un produit irréprochable.

Le séchage des feuilles, après leur cueillette, constitue une étape essentielle du traitement. La Tabacoop fournit à ses adhérents des séchoirs métalliques, mettant les manoques, (bouquets de feuilles attachées ensemble) à l'abri des intempéries, leur facilitant ainsi une aération propice à leur séchage.

Les manoques une fois séchées, étaient livrées aux docks de triage et de fermentation de Mondovi, d'une capacité de traitement de 4 millions de kg, ou de Bône, 8 millions de kg. Le tabac était traité par des machines améliorant la fermentation et l'épurant des moisissures et des parasites. Des chambres chaudes assuraient une fermentation spéciale déterminant un produit de qualité.

Les déchets étaient traités dans une usine extrayant la nicotine et produisant jusqu'à 20 000 kg de sulfate de nicotine, écoulé en Algérie et à l'étranger.

L'ensemble de ces installations s'étendait sur un superficie de 60 000 m2.


La convention décennale et renouvelable sur les prix, fut la condition essentielle de la réussite de la Tabacoop. S'y ajouta l'action des techniciens du S.E.I.T.A. auprès des planteurs, en vue de la création d'un type stable de tabac, propice aux formules de mélanges appréciés des fumeurs de métropole.

En 1955 les ventes s'élevèrent à 10 millions de kg, dont 2 700 000 kg à l'exportation.

La Tomacoop de Bône

La création suivit de près celle de la Tabacoop et résulta de l'analyse que les dirigeants des associations agricoles, de la situation de la culture de la tomate dans la région, uniquement orientée sur la satisfaction des besoins locaux. En 1922 une seule variété était cultivée et les superficies qui lui étaient consacrées, 200 ha environ, s'éparpillaient entre de très nombreuses exploitations. A sa maturité, elle arrivait en masse sur le marché et il s'en suivait un effondrement des cours.

Il apparut aux promoteurs de la future coopérative que seule une industrialisation de la production était susceptible d'assurer sa rentabilité.

Il fallait, pour cela, vaincre la méfiance des cultivateurs, hostiles, à priori, à l'extension d'une culture insuffisamment rémunératrice, arrêter le choix des variétés cultiver en fonction de leur teneur en extrait sec et de leur résistance aux maladies, tenir aussi compte de l'incidence que produirait inévitablement, sur l'écoulement de la production du produit industrialisé, la concurrence des industries étrangères de conserves, italiennes notamment, très appréciées sur le marché national et à l'étranger.

Malgré ces difficultés, la Tomacoop fut créée en 1922. La lutte fut longue, mais la coopérative la surmonta brillamment. La culture de la tomate se pratiquait en 1955 sur environ 1 600 ha et l'aire des plantations s'étendait dans un rayon de cinquante kilomètres autour de la coopérative.

Les installations de cette dernière évoluèrent à mesure du développement des plantations. La capacité de réception journalière passa de 200 qx en 1922 à 500 qx en 1955. La totalité des apports était ainsi absorbée dès leur arrivée.

L'automatisation de la fabrication fut totale. Après triage et analyse, les tomates étaient déversées sur des tapis laveurs, puis broyées, les jus étant ensuite filtrés, raffinés, malaxés, puis absorbés par six concentrateurs successifs opérant sous vide.

Les installations d'emballage : sertissage et autoclavage, assuraient la stérilité absolue du produit, tout en lui conservant ses qualités gustatives. Il s'agissait là d'une conserve de haute qualité, très appréciée et dont la vente ne présenta aucune difficulté.

La Cotocoop

L'Afrique du Nord est à la limite septentrionale des régions propices à la culture du coton. Venu d'Asie, depuis des millénaires, les Romains le connurent, les Turcs le cultivèrent. A la conquête, il existait à l'état sauvage dans les marais proches des côtes.

Les premiers planteurs qui s'y intéressèrent subirent la concurrence, voire le dumping, des grands pays producteurs, tels les Etats?Unis. Ce ne fut que lorsque l'approvisionnement des filatures métropolitaines se trouvait interrompu à la suite de conflits nationaux ou internationaux, comme la guerre de sécession aux Etats-Unis, la guerre de 1870 entre la France et la Prusse, la première et la deuxième guerre mondiale, que les pouvoirs publics incitèrent l'Algérie à intensifier sa faible production cotonnière. Mais le retour à la normale faisait oublier le marché algérien, d'où sa stagnation. Or sur le plan social il s'agit là d'une culture intéressante, nécessitant une main-d'oeuvre nombreuse et bon marché, qui convient aux petites exploitations familiales, en milieu musulman notamment. D'autre part cette plante sarclée peut intervenir en assolement, ce qui évite la jachère.

Il s'agit donc d'une plante présentant des avantages certains, encore fallait-il que sa culture soit rémunératrice. Ce fut ce à quoi les dirigeants des associations agricoles s'attachèrent. Intervenant auprès des industriels de métropole, de l'Assemblée Algérienne et de l'administration métropolitaine et algérienne, ils firent d'une culture à éclipse, une culture suivie.

Dès la fixation d'un cours rémunérateur assuré aux producteurs, la coopération s'organisa, afin d'absorber, à mesure du développement de la production, les quantités livrées par les planteurs. Grâce à l'expérimentation et à la sélection effectuées à la station expérimentale de Bou Hamra par les techniciens du Gouvernement Général et les génétistes de l'Institut de Recherches Cotonnières et Textiles, ainsi que par la Cotocoop, les semences fournies aux planteurs produisirent un coton d'une qualité au moins égale à celle des grands pays producteurs et d'un rendement moyen équivalent.

D'autre part les graines contenant environ 20 % d'huile, fournissaient, après traitement, des tourteaux propres à l'alimentation du bétail.

Cinq régions étaient favorables à cette culture, c'était d'est en ouest, celle de Bône (secteurs du lac Fetzara, de Morris-Mondovi, de Blandan-Yusuf),la région de Constantine (secteur d'El Arrouch), la région d'Orléansville, d'Inkermann-Relizane et celle de Perrégaux-Saint-Denis-du-Sig.

Sous l'impulsion des associations agricoles la culture s'étendit rapidement dans la région de Bône, passant de quelques dizaines d'hectares en 1947 à prés de 9000 en 1955, la production s'élevant à 6000 tonnes, rendement relativement faible, du fait que les cultures n'étaient pas irriguées. Aussi, afin de rendre la culture plus rentable et comparable à celle des autres régions d'Algérie, bénéficiant de l'eau d'importants barrages, les dirigeants de la Cotocoop intervinrent auprès des pouvoirs publics pour soit construit un barrage alimenté par les eaux de l'oued Bou Namoussa Sa construction fut commencée, notamment le creusement d'une galerie d'amenée des eaux de 5 600 m. et d'un diamètre de 2,50 m. Les événements empêchèrent l'achèvement de l'ouvrage.

La coopération prit l'initiative de grouper, sur le plan industriel et commercial, tous les planteurs d'Algérie, afin d'assurer un traitement rationnel de la production. Trois usines furent construites à Bône, Orléansville, Saint-Denis-du-Sig.

A son arrivée à l'usine, le coton brut était pesé, puis cheminait automatiquement à travers un ensemble d'appareils, à la sortie duquel il apparaissait sous de balles de 300 kg, tandis que les graines se retrouvaient ensachées.

En 1955, l'avenir de la production cotonnière en Algérie se révélait prometteuse, la métropole ayant intérêt à son développement, chaque kilogrammes acheté à l'Algérie se traduisant par un dollar d'économie sur le cours du coton aux USA. Or ses besoins, à l'époque, étant de 265 OOO tonnes par an, la production algérienne avait de belles espérances.

Les Docks-Silos

II apparut très tôt, aux dirigeants des associations agricoles, qu'il était indispensable de créer des docks-silos à proximité immédiate des lieux d'exportation et d'importation, à l'aboutissement des voies ferrées et des réseaux routiers.

Il fallut cependant convaincre les céréalicultures des avantages que représentait un stockage coopératif, assurant la conservation des produits et leur vente à des prix rémunérateurs.

Ces efforts soutenus aboutirent, en 1934, à la construction à Bône de docks-silos, à proximité des quais de la grande darse, d'une capacité initiale de 30 000 qx, rapidement portés à 100 000 qx.

Endommagés par les bombardements ennemis pendant la deuxième guerre mondiale, ils devinrent propriété de la chambre de commerce qui les répara et porta leur capacité de stockage à 200 000 qx.

C'était encore insuffisant et la Société des docks coopératifs construisit à Montesquieu un silo-magasin de 25 000 qx.

 

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Vue générale de la Cité de l'agriculture. Au premier plan la basilique de Saint Augustin qui la domine

 

Les caves coopératives

Elles sont le plus ancien exemple de coopération apparu en Algérie, la première cave coopérative ayant été créée à Dupleix, dans le département d'Alger, en 1905.

Dans la région de Bône les deux premières naquirent en 1914, l'une à Morris, de 38 000 hl., l'autre à Blandan de 20 000 hl.

Suivirent celles de Le Tarf en 1921 : 11 020 hl, de Randon en 1922 : 31 440 hl, de Mondovi en 1922 : 27 745 hl, de Bône en 1924 : 23 700 hl., de Duzerville en 1925 : 8 000 hl., de Zerizer en 1928 : 22 200 hl., de Mechmech en 1931 : 20 000 hl., de Oued Frarah : 20 000 hl.

Sur les 9 000 hectares du vignoble de l'arrondissement de Bône, 2 512 ha étaient rattachés aux caves coopératives, qui assuraient la vinification, le logement et la commercialisation de la production des petits et moyens viticulteurs à un prix rénumérateur

L'Electrocoop

Bien que son existence ne fut pas de longue durée, elle mérite de retenir l'attention, car elle permet de mesurer jusqu'où est allé l'esprit d'initiative des dirigeants des associations agricoles.

L'exécution de gros travaux agricoles, tels les défoncements, se heurtait, en 1922, au manque d'énergie. L'Union Agricole de l'Est construisit un matériel électrique de labour, créa la S.E.C.A., première société de cette nature en Afrique du Nord, qui produisit son propre courant et distribuait plus de 1 300 000 Kwh sur un réseau de 260 km couvrant la plaine de Bône.

Cela permit d'alimenter en force motrice trois chantiers de labourage électrique, assurant le défoncement des sols, avant mise en culture.

Ces chantiers fonctionnèrent de 1924 à 1942, date à laquelle intervint la nationalisation de la S.E.C.A.,suivie d'une forte augmentation du prix du courant électrique par l'E.G.A.

La S.E.C.A. avait bien servi l'agriculture bônoise et le réseau qu'elle avait créé distribuait, par la suite, 3 600 000 Kwh.

La Labourcoop

Succédant à l'Electrocoop, naquit, en 1945,1a Labourcoop, groupant dix coopératives de villages et dotée de moyens financiers autorisant l'achat et l'entretien d'un gros matériel de labour, de défoncement, de terrassement, de nivellement. Dix chantiers s'ouvrirent dans la plaine de Bône. Outre le matériel lourd, directement utilisé par la Labourcoop, cette dernière fournissait à ses adhérents un matériel plus léger, qu'ils utilisaient eux-mêmes. Un important atelier assura l'entretien et la réparation de l'ensemble du matériel.

L'Oléicoop

En 1932, afin de lutter contre la concurrence des huiles tunisiennes, les oléiculteurs des régions de Bône, Duvivier et Guelma se groupèrent en coopérative, l'Oléicoop.

Ainsi, compte tenu des différences gustatives entre les huiles, celle de Guelma, par exemple, était très fruitée, l'Oléicoop fut à même de définir, par coupage, des produits correspondant aux goûts des consommateurs.

La capacité de traitement des olives pouvait atteindre 600 000 kg.

La seconde guerre mondiale et les années de rationnement qui suivirent réduisirent les activités de l'Oléicoop en ce qui concerne le traitement des olives.

Les coopérateurs produisirent leur huile. La coopérative conservant son rôle d'organisme de stockage, de conditionnement et de vente, une partie de la production s'écoulant sur le marché métropolitain.

L'Agrumecoop - La Frigecoop

Afin d'assurer le stockage et la commercialisation des agrumes, les coopérateurs bônois créèrent, en 1933, une coopérative destinée à échelonner les ventes suivant la demande du marché métropolitain, ce qui assurait le maintien d'un cours rénumérateur. L'usine comprenait des appareils de triage mécanique et une installation de réfrigération.

Ses bâtiments furent occupés, pendant la guerre, de 1942 à 1945, et les transformations qui y furent apportés la rendirent impropre à sa destination première.

Les agrumiculteurs, groupés en syndicats obligatoires, ont alors organisé individuellement leurs installations de triage.

La coopérative s'est, alors, transformée en organisme de stockage en chambre froide, non seulement des agrumes, mais des denrées alimentaires périssables, telle la viande, commercialisées par les importateurs et exportateurs.

Le syndicat d'élevage

En matière d'élevage, le syndicat groupant les éleveurs de bovins, ovins et porcins, s'attacha, en liaison avec le Service de l'Elevage du gouvernement général, à intervenir sur

- la protection sanitaire du troupeau,

- l'amélioration de vie des animaux, en agissant sur l'alimentation, par une meilleure production fourragère et l'ensilage en tours-silos sur la modernisation des étables, écuries, porcheries et sur la vulgarisation des mesures d'hygiène indispensables,

- à l'amélioration des races par croisement avec des géniteurs importés de métropole en 1953 : 8 taureaux charentais, 12 béliers mérinos, 3 verrats largewhite, géniteurs destinés à la Station Expérimentale d'Elevage, créée au Fedzara en 1953 par le Service de l'Hydraulique.

Les événements réduisirent son activité, qui s'annonçait des plus prometteuses, eu égard aux résultats déjà obtenus.

La caisse de Crédit Agricole Mutuel de Bône.

Créée dès la promulgation de la loi organique du 8 juillet 1901, instituent la création en Algérie de Caisses de Crédit Agricole Mutuel, réorganisée en 1921 et rattachée à la Caisse Algérienne de Crédit Agricole Mutuel, elle eut à satisfaire aux besoins exprimés par ses adhérents, agriculteurs et sociétés coopératives, en matière de crédits de campagne, de financement des récoltes, d'équipement, de moyen et long terme.

De quelques centaines d'adhérents que comptait la Caisse au début du siècle, leur nombre s'élevait au 31 décembre 1954 à 10 624, dont 190 Français d'origine européenne et 9 934 Français musulmans, preuve, s'il en était besoin, de l'attention apportée à ces derniers.

A la même date, les crédits de campagne accordés aux agriculteurs des deux communautés s'élevaient à 750 millions et avaient permis l'exploitation de 43 000 ha, dont 18 000 de céréales, 14 000 de tabac, 7 000 de coton, 400 d'arbres fruitiers, 600 de cultures maraîchères, 1000 de vigne et 1200 de cultures diverses.

Toujours à la même date, les prêts d'équipement s'élevaient à 146 millions et concernaient 134 agriculteurs des deux communautés.

Bône-Assurances caisse régionale d'assurance mutuelle

C'est en 1920 que les dirigeants de l'Union Agricole de l'est réactivèrent Bône-Assurances, créée en 1910 et filiale de la caisse Centrale de Réassurance des Mutuelles Agricoles de l'Afrique du Nord.

La progression des cotisations versées par ses adhérents prouve l'essor et le dynamisme de la Caisse. De 1 610 F. en 1910, elles s'élevaient à 125 654 232 F en 1954.

Sa garantie couvrait non seulement les risques classiques de grêle et d'incendie, mais aussi la responsabilité des exploitants vis-à-vis des tiers, les accidents du travail, la mortalité du bétail, les accidents d'auto... etc.

Les coopératives de peuplement agricole

Elles constituent une anticipation économique, qui mérite d'être connue et un exemple d'action sociale.

Cela résulte du constat que fit la Caisse Régionale de Crédit Agricole et Mutuel, de l'impossibilité pour les fils d'agriculteurs, désireux de rester à la terre, de pouvoir s'installer, faute d'exploitations disponibles, le territoire cultivable ayant fait son plein d'exploitation, contraignant ainsi les jeunes à l'exode.

Afin d'y remédier, la Caisse investit, en 1927 et 1928, un important capital dans l'achat de terres incultes ou en partie abandonnées de certains domaines, dans leur mise ou remise en état, dans leur équipement en matériel et dans la construction d'habitations, cela dans deux régions: à Blandan, où huit familles furent installées sur 300 ha groupement qui prit le nom de Coopérative de Mechmech et à Oued Frarah, où cinq familles eurent à exploiter 820 ha. Ce fut la coopérative d'Oued Frarah.

Les débuts ne furent pas faciles, en raison de la grave crise que connut l'agriculture algérienne pendant de nombreuses années, en viticulture notamment, et la Caisse dut aider ces coopérateurs à survivre. Mais dès le retour à une situation économique normale, les exploitations atteignirent leur plein rendement et les agriculteurs purent faire face à leurs charges. En 1947, les treize familles se trouvaient à la tête d'un patrimoine libéré de tout passif.

Les oeuvres sociales

La Tabacoop créa des oeuvres sociales au profit de son personnel et en étendit le bénéfice à toutes les autres sociétés.

Ce furent

- la coopérative ouvrière, destinée à aider le personnel des ateliers trop éloignés de la ville. Elle servait chaque jour des repas copieux à un prix modique.

- la garderie d'enfants, fréquentée par les enfants des femmes musulmanes, qui travaillaient nombreuses à la manipulation des tabacs.

Elle comprenait également une pouponnière, où les bébés étaient nourris, entretenus et surveillés par un personnel d'infirmières dévouées.

Un médecin était attaché à l'établissement.

Des monitrices s'occupaient des plus grands et les amusaient, tout en leur apprenant la langue française.

Sécurité et prévoyance sociale

Trente ans avant l'institution de la sécurité sociale, les dirigeants de l'Union Agricole de l'Est l'avait créée au profit de leur personnel permanent.

Une caisse avait été organisée, alimentée par les cotisations de toutes les sociétés adhérentes. Les remboursements s'effectuaient sur la base de 80 % des frais médicaux et pharmaceutiques. Épouses et enfants étaient également pris en charge.

Un centre de visites prénatales existait également, sous le contrôle d'un médecin et, après leur naissance, les enfants étaient suivis jusqu'à l'âge de deux ans.

Une clinique, édifiée par la Caisse Agricole, la clinique Sainte Thérèse, était ouverte à l'ensemble du personnel.

D'autre part, afin de garantir les salariés permanents contre les risques d'accidents, décès, vieillesse, les organismes agricoles les affilièrent à la Caisse Mutuelle Agricole d'Action Sociale à Alger. Ils bénéficiaient ainsi d'une rente d'invalidité en cas d'accident survenu en service actif, d'un capital " décès " versé à la veuve, en cas de décès en service actif et d'une retraite lors de la cessation des fonctions.

La Maisoncoop et le Crédit immobilier

Les associations agricoles de Bône comportaient des personnels nombreux et dévoués. A leur intention, elles créèrent deux sociétés coopératives de construction, la Maisoncoop et le Crédit immobilier, qui firent construire, entre 1930 et 1939, des habitations à bon marché dans le cadre de la loi Loucheur: Un quartier de cent villas fut ainsi créé.

Après la guerre et la crise de logement persistant, le programme fut poursuivi. Un immeuble, en copropriété, de quarante-cinq logements fut édifié. Ce fut la Logicoop.

Il en fut de même à Mondovi où une importante cité fut construite pour loger les ouvriers et employés français-musulmans.
Cette politique sociale, étendue à tout le personnel, sans distinction, rendit encore plus étroit son attachement aux différentes sociétés coopératives.

Des médailles du travail décernées à de nombreux agents, parmi lesquels des ouvrières musulmanes, les premières, en Algérie, à recevoir cette distinction, accompagnée d'une prime.

Telles furent les réalisations des dirigeants de l'Union des Associations Agricoles de Bône parmi lesquels vingt-six Français musulmans qui prirent une part active à la gestion de ces organismes de coopération agricole qui apportèrent aux agriculteurs des deux communautés quelle que fut l'importance de leur exploitation, la stabilité des prix et l'assurance de l'écoulement de leur production.

II convient d'honorer la mémoire de leur président, Charles Munck, homme d'un dynamisme remarquable, doté d'un sens aigu des réalités, d'un esprit d'organisation exceptionnel.

Charles Griessinger

Documentation : La Coopération Agricole dans la région de Bône, brochure publiée en 1956 par l'Union Agricole de l'Est Algérien.

In l'Algérianiste n°61 de mars 1993

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