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Albert Camus et le sport

Écrit par Marcel Pouget. Associe a la categorie Généralités sportives

On ne peut parler de sport en Algérie, sans évoquer la mémoire d'Albert Camus. Marcel Pouget l'a connu lorsqu'il est entré comme demi-pensionnaire, en sixième, au lycée de Bab-El-Oued, ou le grand lycée (par opposition au petit lycée de Mustapha), et pas encore le lycée Bugeaud.

C'était en 1926. Camus, plus âgé que moi d'un an, était en cinquième, lui aussi demi-pensionnaire. Nous étions dans la même étude, surveillés par M. Taupenas, farouche supporter de l'A.S.S.E. (Association sportive saint-eugénoise) qui avait son stade à Saint-Eugène, au bord de la mer, dont il n'était séparé que par le boulevard, et juste au-dessous du cimetière du même nom, dominé par la colline et la basilique de Notre-Dame-d'Afrique.

Si ma mémoire est bonne, il y avait, en ce temps-là, trois autres clubs célèbres dans Alger et sa banlieue : le R.U.A. (Racing universitaire algérois), l'O.H.D. (Olympic Hussein Dey) et l'U.S.E.B. (Union sportive el biaroise).

Au lycée d'Alger, le football était roi. Les trois cours (petits, moyens et grands) étaient entourées d'arcades, supportées par des piliers octogonaux, distants d'environ trois mètres. Les deux piliers du milieu formaient un but idéal. Il suffisait d'en délimiter la hauteur, en tendant une ficelle, correspondant à la hauteur maximum où le goal pouvait sauter, les bras tendus à la verticale au-dessus de sa tête. En conséquence, il était de règle de choisir des gardiens de but de petite taille. C'était le cas d'Albert Camus, et le mien. Nous étions tous les deux parmi les plus petits de nos classes respectives. A l'âge de la puberté, vers la seconde ou la première, Camus a beaucoup grandi et m'a dépassé. De ce fait il n'était plus gardien de but, mais arrière, au demi, ou même avant. Nous étions tous un peu interchangeables. On jouait pour le plaisir du sport, sans aucune arrière-pensée, on préférait gagner, bien sûr, mais l'équipe perdante n'avait aucun regret, vainqueur ou vaincu, on s'était bien amusé.

Pendant sept ans, nous avons été presque toujours dans la même étude, nous avons mangé dans le même réfectoire, et joué au football aux deux récréations d'une heure : de midi et demie à 1 h 30, et de 4 heures à 5 heures.

En 1933 ou 1934, Camus quitta le lycée après avoir fait sa philo, avec Grenier pour professeur, et s'inscrivit à la faculté des lettres. Membre du R.U.A., il continua avec ferveur la pratique du football, et la natation dans le port d'Alger et sur les plages du littoral, vers Tipasa, et Cherchell, qu'il a si bien décrit dans plusieurs de ses ouvrages.

Puis les vicissitudes de la vie nous séparèrent, et nous ne nous revîmes plus que de loin en loin, jusqu'à sa mort, absurde, comme la philosophie dont il avait fait sa doctrine.

Marcel POUGET.

In l'Algérianiste n° 12 de décembre 1980

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