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Le vol à voile en Algérie

Écrit par Pierre Jarrige. Associe a la categorie Autres sports

Le concours de Biskra en 1923

En septembre 1919, est constituée à Paris, l'Association française aérienne (AFA) qui a pour but de coordonner et faciliter les recherches expérimentales sur le vol à voile et ses applications. Dans ce but, l'AFA organise en août 1922, le premier congrès expérimental de vol sans moteur à Combegrasse (Puy-de-Dôme) réunissant quinze concurrents. Cette manifestation constitue l'acte de naissance du vol à voile français. Il apparaît alors que les progrès les plus significatifs sont accomplis par les Allemands qui, à la suite du Traité de Versailles, ne peuvent plus construire d'avions et se lancent, avec grand succès, dans la pratique du vol sans moteur. Naturellement, c'est aux Français qu'il appartient de relever ce défi qui met à mal leur amour-propre. Le grand quotidien « Le Matin » prend l'affaire à cœur et développe pendant plusieurs mois une vaste campagne pour promouvoir le vol sans moteur. Les efforts portent leurs fruits puisque de généreux donateurs offrent un total de 500 000 F de prix pour récompenser diverses performances à venir!

C'est dans ce climat que, fin 1922, le sous-secrétariat d'État à l'aéronautique envoie en Algérie le lieutenant Joseph Thoret afin de rechercher des sites propices au vol à voile. Agé de 30 ans, c'est un pilote militaire expérimenté : breveté en 1912 il totalise 1600 heures de vol quand il arrive en novembre 1922 à Biskra. Il dispose d'un avion militaire Hanriot HD-14, biplan équipé d'un moteur « Le Rhône » de 80 chevaux et pesant à vide 520 kg et plus de 600 kg en ordre de vol. Il prospecte systématiquement la région en étudiant l'aérologie, le relief et les possibilités d'atterrissage. Les chaînes, sont généralement orientées sud-ouest/nord-est et présentent souvent des arêtes rocheuses et des versants à pic. Les vents qui soufflent du nord-ouest en hiver promettent donc des conditions favorables. Le djebel Ed-Delouatt, en particulier, présente à sa base une zone sablonneuse atterrissable. Il s'agit d'une colline abrupte située à cinq kilomètres au sud-ouest de Biskra, dont la ligne de crête de trois kilomètres de long culmine à 255 mètres, soit un dénivelé de 170 mètres environ. C'est donc là qu'aura lieu le grand concours de vol à voile prévu pour 1923.

MOUILLARD-LouisLouis Mouillard (1834-1897)

Au cours de ses vols de prospections, Joseph Thoret vole souvent moteur réduit, et même arrêté, pour tester les mouvements verticaux de l'air. C'est ainsi qu'il accomplit un exploit retentissant le 3 janvier 1923, en tenant l'air 7 heures 3 minutes, hélice calée. À ce moment, le record du monde de durée en planeur était de 3 heures 22 minutes seulement.

Le concours, géré par les grands organismes d'Etat et les militaires, se tient du 26 janvier au 22 février 1923. Le 31 janvier, Barbot, sur planeur Dewoitine P-2, effectue un vol de 8 heures 36 minutes. À l'atterrissage, le pilote doit être soutenu, car il est paralysé par la longue immobilité et par le froid, et fatigué par les turbulences. Le même jour, Thoret, sur Dewoitine P-3, pris dans une violente turbulence, rate son départ, se retourne et dévale la pente. Par chance, il s'en tire avec une simple commotion.

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Le Peyret du lieutenant Le Petit.

Le 7 février, Barbot, parti pour battre son record, est pris dans une violente turbulence : vent arrière, il s'écrase sur la montagne, l'appareil restant accroché quelques instants au rocher, temps juste suffisant pour permettre au pilote de se dégager.

Le 12 février, Le Petit décolle avec un Peyret. Il gagne de la hauteur, dépasse la crête puis, déporté sous le vent du relief, il s'écrase sur le nez, par chance sur une partie sablonneuse. Le planeur est en morceau et le pilote blessé à la cheville.

Il ne reste plus en compétition que Barbot et Descamps, tous deux sur Dewoitine P-3 qui, le 21 février, tentent le prix de distance. Descamps longe le relief vers le nord-est et se pose à Beni-Mora en parcourant 5100 mètres. Barbot part vers le sud, en plein rabattant, il brise son planeur à quatre kilomètres du point de départ en atterrissant vent arrière. Seul Descamps termine le concours sans avoir cassé de planeur.

Malgré la destruction de tous les des planeurs, à l'exception de celui de Descamps, le concours est riche d'enseignement et contribuera largement à faire progresser le vol à voile français et permet de mettre en valeur l'aérologie algérienne.

1930-1939

À partir de 1930, plusieurs aéro-clubs d'Algérie qui, parallèlement, s'étaient lancés avec un grand succès dans l'aviation légère à moteur, construisent (ou assemblent) des planeurs monoplaces rudimentaires peu performants. Les aéro-clubs d'Alger, Constantine, Aïn‑M'Lila, Mostaganem, Oran, Orléansville, Sétif et Sidi-Bel-Abbès, feront des expériences décevantes. Beaucoup d'efforts et d'enthousiasme pour peu ou pas de résultat. Sauf pour les frères Jamme qui construisent à Mascara, un planeur plus évolué, l'Avia 32e, qui sera un réel succès.

En 1935, la Fédération aéronautique nord-africaine obtient la venue d'Éric Nessler, technicien et champion surdoué, qui découvre des sites exceptionnels à Bougie et Mostaganem (Djebel-Diss) et effectue des vols de démonstration à Maison-Blanche à bord d'un Avia 40p qu'il laissera à la disposition de l'Algérie.

Avec ce planeur, en 1936, André Costa, moniteur de l'aéro-club de Mostaganem célèbre par son ouvrage « L'Art du pilotage », pilote éprouvé, homme d'action et homme de terrain, réalise au Djebel-Diss des performances remarquables. Il entraîne à sa suite les bâtisseurs du vol à voile algérien : Lucien Saucède, Jean-Baptiste Cometti et Henri Carbonel à Constantine, Pierre Laffargue à Alger et Daniel Robert-Bancharelle à Mascara qui savent plaider la cause, aménager l'infrastructure et développer l'activité depuis l'Oranie jusqu'au Constantinois, dans les Centres aux dimensions nationales de Canastel, du Djebel-Diss ou du Djebel-Oum-Settas, alors que plusieurs aéro-clubs s'activent à motiver les jeunes, et les moins jeunes.

Le 10 décembre 1937, ces activités, d'initiative privée jusque-là, sont relayées par le ministère de l'Air qui décide la création et le financement du Centre d'État du Djebel‑Diss. L'établissement régional de la navigation aérienne, dirigé par Gaston Pourcher assisté de Georges Gérard, est chargé d'en étudier les modalités de réalisation. Plusieurs pilotes algériens iront entre-temps se perfectionner en métropole et y obtiendront leur brevet de moniteur.

En 1938, l'étude et la réalisation du planeur-école biplace PLS-1 par les frères Saucède permet de démarrer une activité vélivole rationnelle à Constantine sur les terrains d'Oued-Hamimin, puis du Djebel-Oum-Settas.

1940-1945

Le 3 septembre 1939, à la déclaration de guerre, les aéronefs civils sont interdits de vol.

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Les installations vue du pied du djebel Diss.

Après la défaite de juin 1940, les plus grands pilotes militaires, repliés en Algérie, attendent impatiemment de reprendre le combat aux côtés des Alliés. Le vol à voile passe alors sous la houlette militaire de la Délégation des sports aériens en A.F.N., dirigée par le colonel Régis de Brion. Le délégué a comme adjoint le capitaine René Louviot et comme animateur le lieutenant Ferraris. Le bureau (23, rue Michelet) est dirigé par le capitaine Ackermann. Une annexe est située au 103 de la rue Sadi-Carnot, le Centre d'enseignement technique, dont le responsable est le capitaine René Calleja. D'autre part, le Comité des sports aériens en Algérie remplace, depuis le 5 juillet 1941, la Fédération aéronautique algérienne.

L'objectif de la Délégation est de créer des centres où les jeunes pourront pratiquer l'aéromodélisme et le vol à voile dans un cadre résolument pré-militaire. Ces centres permettront également de réunir des militaires et de maintenir leur instruction tout en les « camouflant » aux commissions d'armistice allemande et italienne, ainsi que cela se pratique dans d'autres structures à travers toute l'Algérie.

Le Centre d'Etat du Djebel-Diss ouvre le 1er août 1941. Les pilotes expérimentés y seront transformés en moniteurs de vol à voile et ils suivent à Alger, sous la direction de Malgras, un stage de formation de chef de centre local. Ces chefs de centre sont envoyés à Hussein-Dey (Robert Ferraris et Jacques Pierchon), Oran (Ferdinand Janis), Bône (Robert Giraud et Pierre Laffargue), Bougie (Jean de la Jonquière), Perrégaux (Ménard), Relizane (Henri Gantès), Sidi-Bel-Abbès (Ligreau), Philippeville (Jean Laurent et Albert Guvan), Blida (Louis Botella), Constantine (Jean-Baptiste Cometti) et Sétif (Félix Gril). Tous ces centres auront une activité éphémère avant le débarquement allié du 8 novembre 1942. Par ailleurs, le besoin de matériel devenant pressant, à partir de 1941, l'usine Caudron de Boufarik entreprend la fabrication industrielle d'une centaine de planeurs Avia 152a, de dix-sept biplaces Caudron C 800 et de dix Avia 40p. Toutes ces machines seront affectées gratuitement aux centres d'Etat et à diverses associations, non seulement d'Algérie, mais aussi du Maroc et de la Tunisie.

Cette production de planeurs coïncide avec le démarrage réel du vol à voile en Algérie.

A la suite du débarquement du 8 novembre 1942, une organisation est mise en place en tenant compte de l'entrée en guerre de l'Afrique du Nord. Les dirigeants des sports aériens ayant fait la preuve de leur efficacité, ils sont maintenus dans leurs fonctions, mais sont placés sous l'autorité de l'armée de l'air. La plupart des chefs de centre rejoignent bientôt les formations opérationnelles rééquipées avec du matériel américain. Seul, le centre du Djebel-Diss redémarre dès le début de 1943, grâce à du personnel de valeur que le colonel de Brion a récupéré dans des postes sans intérêt où le hasard de la mobilisation les avait affectés. À partir de 1944, d'autres centres entrent en activité.

Le Djebel-Diss : le centre est installé sur la plage, à l'embouchure du Chéliff, et bénéficie de l'effet de pente par vent du nord/nord-ouest. Il est animé par Jacques Duchêne-Marullaz, pilote et animateur éprouvé, homme de forte personnalité qui avait participé efficacement au démarrage de l'aviation légère avant la guerre. Il poursuit les travaux d'infrastructure et met en oeuvre les planeurs construits à Boufarik. Il est assisté de Jules Latapie et Eugène Peiffer. Sous sa houlette se déroulent les stages qui comptent des pilotes militaires brevetés en « congé d'armistice » et des pilotes civils débutants ou en perfectionnement en vue de la qualification de moniteur. Plus de 1100 vols sont effectués sans incidents jusqu'à fin 1942.

Le débarquement voit la mobilisation de la plupart des cadres. Le Constantinois Lucien Saucède, aidé du chef-pilote Maxime Lamort et de Jean Serrières. C'est maintenant aux jeunes débutants en provenance de toute l'Algérie et du Maroc que le centre va s'intéresser tout spécialement. Le but est de susciter des vocations aéronautiques, d'enseigner aux jeunes les premières notions théoriques et pratiques, de leur permettre de savourer la joie du vol et de leur apprendre le sens de la discipline et de l'effort collectif. Car les journées sont pénibles pour la maigre récompense d'un tour de piste les jours favorables. Parmi les plus enthousiastes seront choisis les futurs navigants militaires en attendant de constituer des équipages civils, une fois la paix revenue. Également, l'armée de l'air enverra en stage des jeunes engagés candidats personnel navigant en attendant leur départ pour les écoles des Etats-Unis ou de Grande-Bretagne.

Les Caudron C 800 construits à Boufarik commencent à arriver. Plus de 4200 lancés sont effectués en 1943 et 30 à 45 heures de vol sont effectuées mensuellement.

Au début 1944, Lucien Saucède va rejoindre le Djebel-Oum-Settas afin d'y relancer l'activité. Il est remplacé par Henri Ferraris, pilote de la Première Guerre, pionnier de la pénétration saharienne, qui avait œuvré jusqu'alors avec succès au centre vélivole d'Hussein-Dey. Il poursuit l'aménagement de l'infrastructure tout en poursuivant activement l'instruction des nombreux stagiaires avec Maxime Lamort.

1945-1962

L'après-guerre et la prospection de 1948 : Le secrétariat général à l'aviation civile et commerciale (S.G.A.C.), dépendant du ministère des Travaux publics et des transports depuis le 18 décembre 1945, ne veut plus entendre parler d'aviation légère en Algérie. Si le gouvernement général de l'Algérie désire encourager une aviation légère, il doit le faire à ses frais.

COSTA-AndreLa seule concession du S.G.A.C. est la création, auprès de François Goguès, directeur de l'Aéronautique civile (D.A.C.) en Algérie, d'un poste d'ingénieur. Celui-ci, très spécialisé, sera le chef du Service de l'Aviation Légère et Sportive (S.A.L.S.) en Algérie, et aura pour mission de reconstituer, à partir des débris laissés par la Délégation des sports aériens, un organisme susceptible d'assurer la tutelle de l'aviation légère. André Costa, l'apôtre bien connu du vol à voile, est nommé dans cette fonction avec deux problèmes essentiels à résoudre d'urgence : récupérer les moniteurs de pilotage licenciés et s'assurer de l'état technique des planeurs. Après la victoire de 1945, l'activité vélivole s'est développée avec l'arrivée de planeurs plus modernes (Nord 1300, Nord 2 000 et SA 103). Sous l'autorité de la Délégation des sports aériens, une prospection est entreprise, à partir de mai 1948, avec ces planeurs relativement performants, sur les hauts-plateaux entre les deux Atlas. Cette steppe, que certains ont appelé la mer d'alfa, offre une largeur de cent quarante kilomètres dans le Sud-Oranais et son développement d'ouest en est, du Maroc au Constantinois dépasse huit cents kilomètres. Le météorologue Serge Dahoui accompagne la prospection et analyse parfaitement les conditions qui permettent, du printemps à l'automne, d'avoir une convergence des vents qui deviennent convectivement instables par échauffement diurne jusqu'à un niveau d'inversion situé vers 4000 mètres. Dix heures de thermiques (de 8 heures à 18 heures) devraient permettre des performances intéressantes dans le sens de marche sud-ouest/nord-est. L'équipe de pilotes, composée de Jean Bouvier (aéro-club de l'A.I.A), Georges Bricout (S.A.L.S.), Jean-Baptiste Cometti et Lucien Saucède (aéro-club de Constantine), Daniel Robert-Bancharelle (aéro-club de Mascara) et Alberca (aéro-club d'Oranie) réunit tous les futurs animateurs du vol à voile en Algérie, auxquels se joignent le père Harmet et Eric Nessler. La prospection commence par des vols à Thiersville puis continue au départ de Géryville où les vols les plus intéressants sont effectués. Eric Nessler se pose à M'Sila, après avoir parcouru 395 km et le père Harmet, ancien pilote de chasse devenu père blanc va jusqu'à Sétif (488 km en 7 heures 15 minutes de vol), il était encore à 1200 mètres à Sétif et aurait pu continuer et battre largement le record de France (508 km), mais reconnaît avoir préféré laisser à d'autres, plus jeunes, le plaisir de réaliser cet exploit. Le père Harmel abandonnera le vol à voile, mais sera célèbre dans toute l'Algérie et le Sahara pour les exploits qu'il réalisera, avec son Norécrin, comme pilote de Mgr Mercier, évêque du Sahara.

Le Service de l'aviation légère et sportive : En 1949, pour des raisons essentiellement financières, la Délégation des sports aériens est dissoute et le personnel recasé ou licencié. Les matériels existants, et la responsabilité de leur emploi ont été transférés aux Directions régionales de l'aviation civile en Algérie, en Tunisie et au Maroc. C'est ainsi qu'est né le Service de l'aviation légère et sportive (S.A.L.S.), partie intégrante de la direction de l'aviation civile en Algérie (D.A.C.A.L.). Le S.A.L.S. Algérie fonctionnait exclusivement sur les crédits budgétaires du gouvernement général de l'Algérie; son indépendance est donc à peu près totale. Cette situation assure une certaine liberté de manoeuvre vis-à-vis de l'administration parisienne et permet de mettre en œuvre des solutions originales.

Vol a voile06Dans l'atelier du SALS : Otta, Mme Levy, Roux, A. Lasserre et Granja.

Le premier responsable est André Costa. Considérant le mauvais état des planeurs dont il héritait, André Costa s'empresse de créer à Alger, 103 boulevard Carnot, un atelier de réparation de planeurs, dont la direction est confiée à Antoine Lasserre. Malheureusement, André Costa trouve la mort le 14 avril 1951 à Maison-Blanche avec sa passagère, aux commandes d'un C 800. Après un intérim assuré par Lucien Saucède, Charles Rudel lui succède en novembre 1951. Fin 1951, n'existent plus que deux centres de vol à voile d'Etat : Constantine-Djebel-Oum-Settas et Oran-Canastel. Chaque centre est géré par l'aéro-club local, lequel était lié par conventions avec le S.A.L.S. Algérie qui met à sa disposition un instructeur professionnel, chef du centre et un gardien.

Le S.A.L.S. met aussi à disposition les planeurs, treuils et avions remorqueurs dont il assure les grosses réparations et les révisions générales. Il attribue à l'association des subventions de fonctionnement d'un montant en rapport avec l'activité, selon un barème qui favorise les jeunes. Ont toujours été associés à l'action de formation, les enseignants de l'Éducation nationale du Centre laïque d'aviation populaire (C.L.A.P.), branche de la Ligue française de l'enseignement. Le parc comporte des Caudron C 800, Avia 152a, Avia 40p, Castel 30 secondes, SA 103 Emouchet, Nord 1300, Nord 2000, un Stampe remorqueur, deux Morane 315 remorqueurs et des treuils Ford V8. Les planeurs sont réparés et révisés exclusivement par l'atelier d'Alger.

Le centre de Constantine effectue environ 2000 heures de vol par an, celui d'Oran environ 600 heures. Les centres se développent jusqu'à atteindre environ 7000 heures de vol par an en 1960, alors que d'autres plates-formes s'organisent qui ne connaîtront cependant pas leur plein développement du fait de l'abandon de l'Algérie.

Le personnel du S.A.L.S. : Le personnel compte, au début, le chef du service, Charle Rudel, l'adjoint technique, Lucien Saucède et les moniteurs, Jean-Baptiste Cometti, chef du centre de Constantine et Aurélien Alberca, chef du centre d'Oran. Par la suite, un autre moniteur sera recruté Joannès Walkowiak. Après le départ de Lucien Saucède, Henri Gantès occupe le poste de chef-pilote. En 1958, un ingénieur est affecté comme adjoint au chef du service. Il s'agit d'Albert Carraz, très connu car il détient, depuis 1952, le record du monde de durée en planeur biplace. Enfin, en 1960, le gouvernement général autorise le recrutement de l'instructeur Chatel qui secondera Walkowiak. Toutes ces personnes assurent la tutelle du vol à voile, et aussi de l'aviation légère, de l'aéromodélisme et du parachu­tisme, avec, pour cette spécialité, Michel Prik recruté en 1958.

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Aurélien Alberca et Lucien Saucède.

Les planeurs D.A.C.A.L. : Le parc a bien quelques biplaces-écoles Caudron C 800, mais en nombre insuffisant et les crédits alloués ne permettent pas d'en acquérir d'autres. En outre, ils ne sont pas adaptés aux terrains d'Algérie : le fauchage de l'herbe sur les pistes métropolitaines étant remplacé par l'épierrage car la végétation est inexistante à part quelques palmiers nains sauvages qui font beaucoup de dégâts. Le ventre monocoque du C 800 souffre beaucoup de cet environnement hostile; les réparations des fuselages sont fréquentes et coûtent cher en argent et en immobilisation. En outre, le vieillissement de la structure s'en trouve accéléré. Ne pouvant espérer que les organismes habituels soient en mesure de fournir, à brève échéance, un planeur économique et rustique, le S.A.L.S. est conduit à envisager la construction d'un planeur biplace dans l'atelier d'Alger. Les études sont dirigées en vue d'obtenir un biplace susceptible d'être utilisé en monoplace pour les premiers vols solos de l'élève, simple de construction et peu onéreux de réparation, d'encombrement réduit et d'une manoeuvre aisée au sol, au pilotage correct et aérodynamiquement sûr et ne nécessitant pas de puissance élevée pour le treuillage ou le remorquage. Une étude entièrement nouvelle impliquant des moyens que le S.A.L.S. Algérie ne possédait pas, il est jugé préférable de reprendre le planeur de qualité sérieuse, bien connu, et de lui faire subir les transformations nécessaires pour le rendre apte à ce nouvel emploi. Le choix s'est porté sur l'Emouchet SA 104 qui présente de bonnes possibilités d'adaptation. C'est ainsi qu'est construit le planeur-école biplace Dacal 105, suivi de huit Dacal 106. Parallèlement, sont montés cinq Fauvel AV 36 Ailes Volantes et huit Wassmer WA 21 Javelot II. Ce matériel neuf permet aux centres algériens de disposer de planeurs modernes et bien adaptés aux conditions locales.

Le centre de Canastel : En dehors du Djebel-Diss et du Djebel-Oum-Settas, l'activité vélivole ne se manifeste que sporadiquement, avec des résultats inégaux, au sein de quelques aéro-clubs comme à Blida, Aïn-Témouchent ou Sidi-Bel-Abbès. Les difficultés de mise en oeuvre, les coûts de fonctionnement et l'insécurité gênent l'activité. Seul le centre de Canastel, créé par l'aéro-club d'Oranie dans la banlieue d'Oran, animé par le docteur Deloupy, obtient des résultats excellents en bénéficiant d'une infrastructure et d'un matériel de qualité. Le centre du Djebel-Oum-Diss ralentit d'ailleurs progressivement son activité au profit de Canastel. La proximité immédiate d'Oran fournit un grand potentiel vélivole et une convention avec l'armée de l'air permet à de nombreux militaires de pratiquer le vol à voile. Les vélivoles de Canastel se déplacent en été à El-Aouedj, à 45 km au sud de Tlemcen. Sur les hauts-plateaux surchauffés, les résultats enregistrés sont exceptionnels et confirment les conclusions de la prospection de 1948.

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Dacal 105 prêt à être treuillé au Djebel-Oum-Settas.

Le centre du Djebel-Oum-Settas : Dès 1939, les frères Saucède, Jean-Baptiste Cometti, Jean Serrières, Henri Carbonnel et Paul Poinsot, tous Constantinois, découvrent et commencent à aménager le site du Djebel-Oum-Settas à 20 km au sud-est de Constantine, après avoir débuté le vol à voile sur l'aérodrome d'Oued-Hamimin. Mis en veilleuse au début de la guerre, le centre entame en janvier 1944, une progression constante en équipement et en activité. Les principaux artisans de la réussite : Lucien Saucède, Jean-Baptiste Cometti et Henri Carbonnel, se dévouent sans relâche pour organiser et animer les stages qui se succèdent chaque mois. L'infrastructure est constamment améliorée et les stages regroupent, dans l'esprit de camaraderie propre au vol à voile, des militaires, des jeunes gens de toute l'Algérie et des enseignants du Centre laïque d'aviation populaire. Le centre reçoit des pilotes de tous les niveaux, depuis le débutant jusqu'au pilote de performances et son importance atteint celle des plus grands centres mondiaux. Le Djebel-Oum-Settas est l'exemple le plus achevé des possibilités que possède l'Algérie tant sur le plan humain que sur le plan aérologique.

La fin

Le gouvernement de la République ayant décidé d'en finir, à n'importe quel prix avec la présence française en Algérie, la situation se dégrade rapidement à partir de 1961. Les vols se terminent à Constantine le 23 septembre 1961. À Oran, après une interdiction partielle le 27 avril 1961, l'interdiction totale est décrétée le 13 août.

Dès l'arrêt des vols, les planeurs et matériels sont ramenés dans l'atelier d'Hussein-Dey. Là, ils sont soigneusement stockés dans l'espoir de jours meilleurs. Ces jours ne viendront pas, le vol à voile en Algérie est anéanti avant que les, vélivoles aient pu exploiter dans leur totalité les possibilités de l'aérologie en Afrique en Nord.

Pierre Jarrige
(Photos extraites de son livre : « Le vol à voile en Algérie »)

in l'Algérianiste n° 91 de septembre 2000

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