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La médecine des pays chauds est née à Constantine

Écrit par Raymond FERY. Associe a la categorie Médecine

Medecine des pays chauds

En 1880, le rocher de Constantine n'était relié à la terre ferme que par un unique pont, dit d'El Kantara, au N.E. et par l'isthme étroit qui le soudait au Koudiat Aty au S.O. Isolé, telle l'île volante de Gulliver, à laquelle le comparaît Alexandre Dumas, il était cerné d'un côté parle vertigineux abîme du Hamma et de l'autre par les gorges du Rhumel. Le grand pont de Sidi-Rached ne ceinturait pas encore la vieille ville. Un important casernement avait été installé dans les anciennes écuries du bey le Bardo - situées en amont des gorges, non loin des rives de l'oued, pour loger le train des équipages.

 

La garnison, comme en bien d'autres localités d'Algérie, payait un lourd tribut aux fièvres palustres. Un chaud matin de l'été de cette année-là, un malheureux soldat du train grelottait sur sa couche, claquant des dents et souffrant d'un violent mal de tête. On le transporta d'urgence à l'infirmerie de la caserne, où un aide-major passait la visite. Le " toubib " l'évacua dare-dare sur l'hôpital militaire, dont les bâtiments s'élevaient dans la " kasba ", immense citadelle couronnant le rocher.

 

Là, un major à trois galons, le jeune agrégé du Val-de-Grâce, Alphonse Laveran, se livrait, après être passé par Bône et par Biskra, à des recherches sur l'origine des fièvres qui, depuis un demi-siècle, décimaient soldats et colons. Certes, le docteur Maillot avait obtenu des succès thérapeutiques importants, en fixant, dès 1834, les règles d'administration de la quinine, découverte dans l'écorce du quinquina par les pharmaciens Pelletier et Caventou, en 1820. Mais, si l'on parvenait à combattre le mal une fois qu'il s'était déclaré, on en ignorait toujours la cause et ne savait pas s'en prémunir.

 

En recevant le petit tringlot, Laveran s'assura qu'on ne lui avait encore administré aucune médication, aucune dose de sulfate de quinine, et procéda sur lui à un prélèvement de sang pour l'examiner au microscope.

 

Lorsqu'il était en poste à Bône en 1878, Laveran avait déjà reconnu l'existence de corps sphériques, pigmentés, doués de mouvements, dans le sang des fiévreux. Cette fois, il allait découvrir, sur les bords de ces corps sphériques, des éléments filiformes, s'agitant avec une grande vivacité. Dès lors, il n'eut plus de doute sur la nature parasitaire de la maladie : les fièvres palustres étaient causées par un microbe, vivant en parasite dans le sang des malades. Des mois durant, il poursuivit ses recherches sur de nouveaux malades. Chaque fois, il retrouva le parasite et put décrire avec précision ses différents aspects. Et le 6 novembre 1880, il se décida à rendre compte de ses travaux dans un mémoire adressé à l'Académie de médecine.

 

Ainsi venait d'avoir lieu, à Constantine, une découverte d'une importance considérable, inaugurant l'ère scientifique de la pathologie exotique. Un savant médecin, originaire de Constantine pourra écrire, cinquante ans plus tard : " Grâce à Laveran, la médecine des pays chauds a été transformée, rénovée, la mise en valeur des colonies rendue possible, des milliers d'existences gardées saines et sauves. Et c'est pour l'Algérie, un motif de fierté légitime que de si heureuses conséquences aient eu leur origine sur son sol ". (Edmond Sergent)

 

Alphonse Laveran a été le premier Français lauréat du Prix Nobel de médecine en 1907. Ayant quitté l'armée en 1896 pour entrer à l'Institut Pasteur, il poursuivit ses recherches sur les protozoaires. En 1908, il avait fondé la Société de pathologie exotique dont il assura la présidence jusqu'en 1922, année de sa mort.

 

Raymond FERY

 

Dessin de l'auteur: Constantine en 1880. Au premier plan à gauche, la caserne du Bardo, à proximité de l'Oued Rhumel.

 

In l'Algérianiste n° 67 de septembre 1994

 

 

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