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Le Docteur Louis-Michel Parrot

Écrit par Marie-Jeanne Groud. Associe a la categorie Médecine


 
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Portrait du Dr Parrot.

Le Docteur Louis-Michel Parrot

En 1969, à quelques semaines d'intervalle, disparaissaient deux grandes figures de l'Institut Pasteur d'Algérie : le docteur Edmond Sergent qui en fut le directeur, le 20 août à Andilly (Val d'Oise) et le docteur Louis-Michel Parrot, son collaborateur, le 14 septembre à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées Atlantiques) Nous venons de lire dans l'article précédent le rôle d'Edmond Sergent ; quel fut celui du Dr Louis Michel Parrot ?

Le 30 août 1962, le docteur Sergent, qui avait toujours su associer à son œuvre tous ses collaborateurs, écrivait à M. Trefouel, de l'Institut Pasteur de Paris : " Vous savez dans quelle haute estime je tiens le docteur Parrot, en un mot, c'est un vrai pastorien d'une grande élévation de pensée, médecin très instruit, microbiologue, parasitalogue et entomologue de premier ordre, il a fait preuve dans ses recherches scientifiques d'une grande rigueur de méthode en même temps que d'esprit d'invention ; très lettré, il a porté, par ses soins attentifs, les archives de l'Institut Pasteur d'Alger à un degré de qualité qui lui a valu les hommages de nombreux lecteurs. D'autre part, son esprit de justice, en même temps que sa fermeté de caractère, ont fait de lui, à l'égard du personnel, un excellent sous-directeur. Je tiens à proclamer qu'à ces divers titres, Louis Parrot a bien mérité de l'Institut Pasteur et, ajouterai-je, de l'Algérie ".

Le docteur Louis-Michel Parrot est né le 31 octobre 1883 au Bugue, chef-lieu de canton du département de la Dordogne, où ses parents étaient instituteurs. C'est là qu'il passa ses premières années.

A cette époque, le gouvernement se préoccupait déjà d'ouvrir des écoles dans le bled algérien et le ministre de l'instruction Publique faisait appel à des volontaires. Les parents de Louis Parrot furent de ceux-là et c'est ainsi qu'à onze ans, le jeune garçon prenait contact avec l'Algérie. Blandan fut le premier poste de ses parents et c'est au milieu des petits musulmans qu'il continua ses études primaires. II eut tôt fait d'apprendre le dialecte local.

Mais bientôt, il devait quitter le foyer familial pour le collège de Bône. Son livret scolaire des années 1898 à 1902 ne contient que des éloges tant dans les matières scientifiques que dans les matières littéraires classiques comme le latin et le grec. Ses études secondaires sont couronnées le 23 juin 1902 par le titre de bachelier ès lettres. Il se destinait à l'agrégation et devenait élève de lettres supérieures au lycée Louis-le-Grand à Paris. Dès la fin du premier trimestre, un véritable appel intérieur le poussait à abandonner les lettres pour la médecine. Il est vrai que les relations 'très amicales qu'il entretenait avec le médecin de colonisation de Morris, le docteur Salvan, décidèrent de sa vocation.

Il va donc entreprendre des études sérieuses et remarquées qui, dans un premier temps, le conduisent à l'externat des Hôpitaux de Paris (1905) et à la thèse de doctorat qu'il soutient le 16 juillet 1908.

Diplômé de l'Institut de médecine coloniale de Paris, médecin sanitaire maritime (5 août 1908), il réalise son idée originelle et se consacre à la médecine du bled. Nommé médecin communal à Duzerville (département de Bône), il y demeure jusqu'en 1914. " Là, confie-t-il à son fils qui eut l'heureuse idée d'enregistrer ses souvenirs, je recevais 500 francs par an de la préfecture pour vacciner toute la commune. Je dus acheter un cheval et une voiture et me déplacer à mes frais. ,Je louais une maison 60 francs par mois et n'avais pas d'indemnité de logement. La consultation était à un franc ".
Cette même année, il passe le concours d'entrée dans la médecine de colonisation. II est reçu premier : il est affecté à Gambetta où il pense avoir à faire moins de médecine pratique pour pouvoir consacrer un peu plus de temps à des travaux de recherches. Cette fois-ci il est logé dans un bordj, son appartement est prolongé d'une salle de consultation et d'une pharmacie. Le village est desservi par la diligence et le caïd lui prête son mulet pour les déplacements dans les douars. Pendant la guerre de 1914, il doit même assurer, un moment, les fonctions de juge de paix. Ses rapports avec la population sont excellents.

En janvier 1915, il occupe le poste de Barika centre important, vrai poste de médecine de colonisation où il est assisté d'un infirmier et d'un auxiliaire médical (sorti d'une des écoles d'auxiliaires médicaux d'Alger). L'infirmerie se compose de six lits pour femmes avec une infirmière et six lits pour hommes. L'infirmier est chargé de nourrir les malades. Le docteur achète alors une voiture et un chauffeur vient de Constantine lui apprendre à conduire en quarante-huit heures.

La population est composée de nomades et de sédentaires établis dans le douars, divisés par un antagonisme séculaire. Les querelles d'irrigation sont nombreuses et les fellahs se volent l'eau. Les règlements de comptes sont courants. Le médecin de colonisation est aussi chargé des autopsies. Il cite un soir de 1er janvier où une " nefra ", lui fit faire cinq autopsies et soigner quinze blessés de coups de couteaux. Une autre fois, il fut appelé pour l'assassinat d'un habitant d'une autre commune que les nomades avaient amené là pour l'égorger devant les femmes du campement.

A partir de 1917, Louis Parrot fut chargé du poste de Mac Mahon - Aïn Touta qui avait l'avantage d'être desservi par le chemin de fer. Là, à 900 mètres d'altitude, le paludisme était rare mais il eut à lutter contre le trachome et la tuberculose.

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Le personnel de l'Institut Pasteur Alger. (Doc. J. Marc Parrot - 1923)
À partir de la gauche : 4e Pr Edmond Sergent, 5e Dr Parrot Louis, 6e Dr Etienne Sergent.

Depuis 1911, il était en relation avec le docteur Etienne Sergent qui l'avait remarqué pour la rédaction d'un petit manuscrit de conseils d'hygiène à l'intention des écoles primaires. Il avait aussi hospitalisé un malade porteur d'un parasite intestinal rare dont il avait réussi à isoler les parasites mâle et femelle qu'il avait envoyés à l'Institut Pasteur. Esprit curieux, doué d'un sens profond d'observation, Louis Parrot était frappé par l'importance des maladies transmissibles et contagieuses. II devint ainsi tout naturellement un collaborateur occasionnel des frères Sergent. C'est ainsi qu'Edmond Sergent n'hésitera pas à le nommer chef de laboratoire à l'Institut Pasteur d'Alger où il poursuivra désormais sa carrière et dont il deviendra le sous-directeur en 1944.

Son œuvre scientifique est considérable.

Après avoir porté ses recherches dans le domaine du paludisme, des leishmanioses, de la tuberculose et des piroplasmoses, Louis Parrot était devenu un spécialiste mondial des phlébotomes faisant don à l'Institut Pasteur de sa collection personnelle, une des plus complètes qui soit. Devenu secrétaire général des archives de l'Institut Pasteur d'Algérie, il en assura la publication pendant plus de quarante ans et en fit une revue de haute tenue scientifique.

Officier de la Légion d'honneur et titulaire de multiples décorations tant civiles que médicales, ce témoin de la réalité de l'Algérie française et de son rayonnement fut blessé à mort par le drame du départ.

La physionomie austère de Louis Parrot cachait aussi une grande sensibilité.

Son élève, le professeur J.G. Marchal, déclare : " Son œuvre solide reste le témoignage d'une partie de l'œuvre grandiose accomplie par tous ceux qui, dans le désintéressement et bien souvent au péril de leur vie, se sont penchés sur des peuples délaissés et abandonnés aux pires épidémies. Tant d'efforts, tant d'abnégation ne doivent pas être recouverts à jamais du voile de l'oubli. "

MARIE-JEANNE GROUD

Avec ses remerciements à tous ceux qui lui ont apporté de précieux renseignements sur la biographie du Docteur Parrot, en particulier : J.-M. Parrot pour la collecte de ses archives familiales.

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