Les Pied-noir ou un certain apport culturel
Assez régulièrement, les médias éprouvent le besoin de recenser les Pieds-Noirs dans l'ensemble des activités possibles en France et force est de constater que cette "communauté" présente un éventail de "personnalités" peu commun. Cela suffit-il pourtant à parler de la culture pied-noire ? Rien n'est moins sûr. Il apparaît vain de rechercher dans le code de communication (la tchatche, l'accent ou le pataouète), dans des signes et signaux particuliers, dans des habitudes alimentaires... des spécificités tenant lieu de culture. Cependant, à défaut d'unité ethnique, religieuse et linguistique, s'est forgé un code qui unit, qui permet de se reconnaître, de se parler. C'est sans aucun doute ce code que l'on retrouve chez tous les déracinés qui a marqué le plus le monde métropolitain. Comme pour l'ensemble des rapatriements, le choc de 1962 est aussi une rupture culturelle. Avant l'indépendance de l'Algérie, seuls Albert Camus, Emmanuel Roblès et Albert Memmi pouvaient se targuer d'une renommée internationale. Il en était de même dans le domaine sportif ou le corps médical. Mimoum, Cerdan, Halimi,... les professeurs Aboulker, Tubiana, Goinard, Sutter..., le célèbre Achille Zavatta ne ressentent pas le besoin "d'être autre chose que Français" ! L'après 62 met en lumière des modes de vie et de comportement différents de ceux de la métropole. Ce n'est pas un hasard si Paris reprend, à la fin de l'année, la pièce de Geneviève Baïlac,La Famille Hernandez, et lance l'année suivante une autre pièce, La purée de nous ôtres ! Dans un premier temps, rares sont ceux qui se frayent un chemin dans l'après 62. La plus forte expression de la "communauté" pied-noire naissante se résume à un nom porté par les radios : Enrico Macias. Cet ancien jeune instituteur du Constantinois exprime dans ses chansons une tristesse, une nostalgie, mais aussi une joie de vivre bientôt partagées par l'ensemble des rapatriés...
... Un premier tournant se produit au milieu des années 1970. En réaction aux idées reçues sur les mondes coloniaux, ne supportant plus la "culture couscous-merguez" véhiculée par les médias avec l'accent de Bab el Oued, des voix nouvelles ou qui s'étaient tues apparaissent. Elles se portent essentiellement sur la littérature. Là où les femmes, Marie Elbe, Anne Loesch, Andrée Montero, et surtout Marie Cardinal évoquent des cris de souffrance, les hommes, Alain Vircondelet, Frédéric Musso, Daniel Saint-Hamont ou Albert Bensoussan expriment le souvenir et l'amour. Cette littérature de l'exil accompagne un renouveau de la part d'écrivains qui avaient déjà publié avant 1962...
... Au milieu des années 1980, la France "découvre" non plus des porte-parole pieds-noirs mais des hommes-mémoire...
...tous appartiennent à une génération d'exilés qui tend à affirmer une "culture tribale" émergeante presque sans l'Algérie, terre lointaine et mythique qui n'est plus frappé d'interdits...
...Cela n'est pas terminé et le récent succès du film La Vérité si je mens !sorti en 1997, vu par plus de cinq millions de personnes, en souligne la permanence. Enfin, on ne saurait passer sous silence les professeurs de médecine, les directeurs de recherche, les philosophes, les historiens, les avocats, les hommes politiques, les journalistes..., qui donnent aussi, à leur manière, une autre idée qu'est "entreprendre" !