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Mon Débarquement en Provence

Écrit par René Lopez. Associe a la categorie La Seconde Guerre Mondiale

Debarquement peinture aquarelleIl y a soixante ans, j'avais l'immense privilège de débarquer sur les côtes de Provence, à Saint-Tropez plus précisément.

Modestement, mais de façon authentique, j'appartenais en tant que sous-officier au 1er bataillon du 7e régiment des tirailleurs algériens et cela depuis l'Italie, au sein de la 3e division d'infanterie algérienne placée sous les ordres d'un chef prestigieux et humain, le général de Monsabert.

Cette campagne d'Italie fut dure et meurtrière. Peu de compatriotes se souviennent et connaissent le rôle qui permit de donner au général De Lattre de Tassigny, les éléments qui furent à l'origine de cette cascade de victoires depuis les côtes de Provence, puis au-delà du Rhin et jusqu'à la victoire finale.

Vous dire si j'avais débarqué au sud, au nord, à l'est, à l'ouest de la presqu'île de Saint-Tropez serait mentir. Ce qui est certain, c'est que nous débarquions enfin en France et que pour nous, Pieds-Noirs et Français musulmans, c'était la possibilité tant attendue de proclamer à la face du monde que nous étions une même volonté au service du même idéal de liberté.

La campagne d'Italie terminée, nous nous retrouvâmes, nous les survivants de ces combats, regroupés à Tarente, dans des aeras, terme américain pour désigner des camps de rassemblement et d'attente, où les moustiques et le soleil étaient rois.

Un trafic intense, matériel, armement, toujours sous la poussière et le soleil. Nous devions apprendre par la suite que les mêmes regroupements s'étaient effectués à Alger, Oran, Bastia et Ajaccio.

Puis ce fut l'embarquement du 7e RIA en entier, moins ses morts; nous fûmes engloutis dans un navire dont le nom est trop compliqué pour que je m'en souvienne, mais ce qui est certain, c'est que le drapeau français flottait très haut. Puis commença la croisière immobile pendant des jours, des nuits et des nuits, en même temps que des centaines d'autres navires en rade de Tarente, dans une mer atrocement calme, les interminables parties de belote.

DébarquementLe départ, enfin, vers une destination inconnue, le dimanche 13 août, l'immen­se concentration de cette armada dans le golfe de Gènes, la révélation que nous allions débarquer en France, la messe à bord, les prières secrètes, les dernières pensées pour tous ceux qui nous étaient chers sont très précises dans ma mémoire.

Ensuite se succèdent l'incendie des forêts de pins, l'explosion des mines que le génie fait sauter. Une vedette qui se détache du cuirassé, avec à son bord, le général de Monsabert et son état-major. Les chaloupes de débarquement font la navette, nous happent à leur bord, nous vomissent ensuite sur le sable luisant de Saint-Tropez, interloqués, heureux, joyeux.

Les scènes qui s'ensuivirent, vous les imaginez, les uns prenant le sable et l'embrassant, d'autres à genoux remerciant Dieu de connaître enfin cet instant. Puis la réalité brutale se manifestant par une vague d'avions nous bombardant. Nos premiers pas sur le sol français. Des agents de liaison nous regroupant, nous dirigeant par des voies balisées en direction de Cogolin, les premières agglomérations, l'enthousiasme de la population, les chants, le bon vin qui coule. Il n'y a pas de temps à perdre, les ordres, les camions, la poussière, le Massif des Maures et pour nous le 7e RTA, l'objectif à atteindre: Marseille.

Nous sommes le 18 août et à Marseille, il y a vingt mille Allemands, sous les ordres du général Schaeffer, qui nous attendent.

Aubagne... St Julien... l'investissement de Marseille commence le 22 août. En tant que sous-officier de la section de commandement, je suis parmi les premiers à descendre la Canebière... L'objectif est la poste Colbert. Avec le lieutenant Reiber et un groupe de tirailleurs, nous faisons 117 prisonniers qu'une contre-attaque tente de libérer. Mais quelle corrida!

Le 28 août la capitulation est effective. Le 29 août, messe d'action de grâce et... la guerre continue jusqu'au Rhin, jusqu'à la victoire le 8 mai 1945, neuf mois de com­bats meurtriers, de larmes et de sang.

Le 1er août 2004

Je me prépare en effet soixante ans après, à vivre des moments très émouvants.

Je profite de cette occasion pour adresser à mes frères d'armes encore en vie, où qu'ils se trouvent, en France ou dans notre ancienne province d'Algérie, mon salut le plus fraternel.

René Lopez.

* René Lopez, ancien vice-président du conseil régional d'Oranie est officier de la Légion d'honneur et médaillé militaire. II est grand invalide de guerre.

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