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Opération Torch à Alger

Écrit par Georges Bosc. Associe a la categorie La Seconde Guerre Mondiale

La "Task Force" orientale a pour objectif Alger. L'armée de débarquement alliée est formée de 10 000 soldats américains et 23 000 britanniques sous les ordres du général américain Ryder. L'escadre commandée par l'amiral anglais Burrough se compose des croiseurs "Sheffield", "Scylla" et "Charybdis", des porte-avions "Argus" et "Avenger", de 3 bâtiments anti-aériens, 1 monitor, 13 destroyers et 7 corvettes (une soixante de navires de guerre au total). Quelque 120 transports de troupe et cargos l'accompagnent.

Comme le convoi d'Oran et aux mêmes dates, l'armada d'Alger a appareillé dans l'estuaire de la Clyde. De même, le commandement américain a-t-il prévu un mouvement d'encerclement et trois groupements de débarquement :

- Le "Apples", lui-même scindé en deux groupes "Green" et "White", doit aborder entre Castiglione et l'embouchure du Mazafran, une trentaine de kilomètres à l'ouest d'Alger. Il est constitué par la lle Brigade d'Infanterie britannique et doit se porter sur Birtouta, pour le groupe "White", sur Blida, pour le groupe "Green".

- Le "Beer" est partagé en trois groupes. Le "Green", sur la plage de Sidi-Ferruch, est constitué par un commando, chargé d'occuper le fort, et par le "Combat Team 168" américain qui doit marcher sur Alger en direction d'El-Biar. Le "White", qui est un élément de la même unité, débarque dans le voisinage, au Ras-Accras, 10 kilomètres à l'ouest d'Alger, et doit pénétrer dans la ville par la Bouzaréah. Enfin le "Red", qui prend pied à Pointe-Pescade, dans le faubourg Ouest de la ville, est constitué par un fort commando chargé de s'emparer de la batterie Duperré.

- Le "Charlie", qui constitue le groupement est, a été constitué sur les conseils du général Mast. Il se répartit à l'est immédiat du Cap Matifou en quatre groupes, "Green", "Blue", "Red 1" et "Red 2", respectivement centrés sur les plages de Jean-Bart, Aïn-Taya, Surcouf et l'embouchure de la Rhégaïa. Il comprend un commando destiné à neutraliser le fort d'Estrées et le "Combat Team 39" américain dont la double mission consiste à prendre l'aérodrome de Maison-Blanche et à boucler Alger, distant de 25 kilomètres, par l'est.

debalger

Une réserve embarquée, constituée par la 36e Brigade d'Infanterie britannique, se tient au large de Sidi-Ferruch. Tandis qu'Alger se trouve paralysé par les organisations de résistance, les opérations de débarquement se déroulent dans un désordre indescriptible et le temps passe.

Simultanément à l'opération principale, comme à Oran, un inefficace et inconséquent commando embarqué sur les destroyers anglais "Broke" et "Malcolm" est lancé dans le port d'Alger. Dès cet instant, les défenses de la ville sont mises en alerte. Une vingtaine de soldats américains sont tués et 200 faits prisonniers.

Par bonheur, du côté français, les organisations de résistance fonctionnent à merveille. Il est vrai que tous les hauts responsables militaires et civils se trouvent sur place et en liaison instantanée avec le consulat des Etats-Unis. Le général Mast, prévenu le 28 octobre par Robert Murphy, a pu contacter ses principaux lieutenants de même que le groupe des cinq.

Henri d'Astier a prévu la participation d'un millier de résistants. Il s'en présente 377 et chaque équipe se voit réduite à proportion. A minuit, l'organisation civile perçoit armes et munitions. Chacun se fait remettre un brassard V.P. (Volontaire de Place) qui l'accrédite à tous les postes militaires. C'est le lieutenant-colonel Jousse, sous couvert du général commandant d'armes, qui a élaboré le plan de neutralisation des points-clés. A partir de 0 heure 30, tous les postes militaires sont relevés sans qu'aucun chef de poste n'oppose d'objection. A 1 heure, tous les points sensibles essentiels : états-majors, central de transmissions de l'Air, résidences des généraux, Radio Alger, centraux téléphoniques, poste centrale, Palais d'Eté, préfecture, commissariat central et commissariats de quartiers sont aux mains de l'organisation résistante. José Aboulker occupe le commissariat central, le lieutenant Pilafort s'est emparé du central protégé de Mogador. Toutes les communications sont coupées, Alger ne répond plus, la ville est paralysée.

Cependant un événement totalement imprévisible et inconnu de tous est survenu l'avant-veille. L'amiral Darlan, commandant en chef suprême des forces armées françaises et principal confident du maréchal Pétain, est arrivé incognito à Alger le 6 novembre par avion en provenance de Vichy. La raison, ou le prétexte de ce voyage, serait la grave maladie de son fils, l'enseigne de vaisseau Alain Darlan, frappé de poliomyélite et traité dans un hôpital d'Alger. La présence à Alger d'une telle personnalité à l'heure du débarquement allié ne peut avoir qu'une profonde incidence sur la suite des événements.

Murphy n'ignore pas la phrase de Darlan à l'amiral Leahy, alors ambassadeur des Etats-Unis à Vichy : "Si vous venez à 50 000, je vous tire dessus. Si vous venez à 500 000, je vous ouvre les bras". De plus, Darlan s'est efforcé de garder le contact avec lui par l'intermédiaire de l'amiral Fénard, secrétaire général de l'Algérie, pour souligner que sa fonction lui donne plein pouvoir sur l'Afrique. Toujours est-il que Murphy vient rendre visite au général Juin dans la nuit du 7 au 8 novembre pour lui apprendre la nouvelle du débarquement et tenter de le rallier à la cause. Juin visiblement embarrassé déclare qu'il se prononce rait immédiatement s'il ne tenait qu'à lui : "Mais, ajoute-t-il, comme vous le savez, Darlan est à Alger. Il est mon supérieur et c'est à lui que la décision appartient". Murphy est-il informé comme Juin le pense ? Feint-il la surprise ? L'inconnue subsiste, même s'il n'est pas exclu d'imaginer que Washington ait pu tenter d'obtenir un atout supplémentaire de la part de Vichy, la carte Giraud n'étant pas dépourvue de risques. Où commence et où s'achève le double jeu ? Darlan par câble secret de l'amirauté - on le sait depuis - est en contact direct avec le maréchal. Est-il son représentant officiel auprès des Américains comme il l'affirmera plus tard ? Laissant Juin, Murphy se rend immédiatement auprès de Darlan qui est hébergé chez l'amiral Fénard. Mis au courant de l'imminence de l'opération "Torch" par Murphy, Darlan explose de colère : "Je sais depuis longtemps que les Anglais sont stupides. Je croyais les Américains plus intelligents. Je vois qu'ils se valent. Si vous aviez attendu quelques semaines, nous aurions agi ensemble suivant un plan de coopération établi non seulement pour l'Afrique mais pour la France. Vous avez voulu marcher seuls ! Je me demande ce que va devenir mon pays !". En entendant le nom de Giraud, il redouble de violence: "C'est un enfant ! Il est tout juste bon à faire un général de division !" Puis, après avoir rappelé qu'il a prêté serment au maréchal Pétain et ne peut agir sans son assentiment, il demande à lui rendre compte et attendre ses instructions. Il cherche ainsi à gagner du temps afin de juger si l'opération de débarquement alliée est crédible et quel sera le potentiel de riposte de l'Axe. La réponse officielle de Pétain dans la matinée du 8 novembre sera : "... A la force, nous répondrons par la force."

Pendant la longue nuit et l'aurore qui point, les organisations résistantes d'Alger ont de plus en plus de mal à maintenir leur pression. Murphy s'inquiète, les Américains auraient dû apparaître vers 2 heures 30. Il est 6 heures 30 et on attend toujours. Soudain, la situation se retourne et les conjurés doivent céder les uns après les autres. Le lieutenant Jean Dreyfus est tué à la Grande Poste. Le capitaine Pilafort sera le dernier à résister et s'écroulera mortellement blessé à 14 heures 30. Il n'empêche, la neutralisation d'Alger aura permis à des forces alliées totalement inexpérimentées de prendre pied et de s'établir sans opposition.

Enfin, vers 15 heures Darlan rend à son tour visite à Murphy qui est placé sous haute surveillance au domicile de l'amiral Fénard. L'invasion alliée n'est pas une chimère mais revêt au contraire tous les aspects d'une offensive de vaste amplitude. Darlan demande à Murphy d'aller au devant du général Ryder. Ce dernier accepte d'accompagner Murphy au fort l'Empereur. Un cessez-le-feu limité à l'Algérois est sonné dès le 8 novembre à 17 heures 20, puis confirmé par convention verbale à 18 heures 40.

Le lendemain à 17 heures 30, un raid aérien allemand limité à une trentaine de "Stukas" se déroulait sur la rade et quelques navires étaient atteints au milieu d'une immense armada. Il permettait à Darlan d'apprécier le rapport de forces et de mesurer la faiblesse de la "Luftwaffe" face aux escadrilles de "Hurricanes" immédiatement dépêchées de Maison-Blanche. L'opération d'Alger s'achevait avec un minimum de pertes : 13 tués dans les rangs des troupes françaises et 2 parmi les résistants. Les pertes anglo-américaines légèrement plus importantes avaient pour cause principale le malencontreux commando du port. Aucun avion et aucun navire n'avaient été détruits. Seuls deux sous-marins avaient regagné Toulon.

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