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L'utilisation industrielle de l'énergie solaire

Écrit par Maurice Touchais. Associe a la categorie Histoire Energétique

Travaux de l'Université française d'Alger

Maurice Touchais ancien ingénieur en chef d'Electricité et Gaz d'Algérie appartient à la phalange de chercheurs de l'Université française d'Alger qui, dès 1943, s'est intéressée à l'utilisation de l'énergie solaire et à son emploi industriel. Il rappelle ici ce que furent les débuts de la recherche scientifique appliquée dans ce domaine et la création de " l'héliodyne ", installé à Bouzaréah en 1949.

Par utilisation industrielle de l'énergie solaire il ne faut pas entendre les utilisations actuellement commercialisées sous la pression d'une politique d'économie d'énergie, qui ne sont, il faut bien le dire, que des gadgets d'un intérêt limité.

C'est au Conseil supérieur de la recherche scientifique appliquée en Algérie (C.S.R.S.A.A.) (1) que revient l'honneur d'avoir porté ses efforts, dès 1943, sur les possibilités de développement de l'énergie solaire à laquelle on ne croyait généralement pas. L'Algérie ne disposait guère, à cette époque, que du charbon de Kénadza, malheureusement trop pauvre en matières volatiles ; l'approvisionnement en charbon de Cardiff, charbon anglais de meilleure qualité, était alors perturbé par les torpillages des navires charbonniers par les sous-marins allemands. D'autre part, aucun forage pétrolier n'avait encore été effectué en Afrique du Nord.

Les recherches sur l'utilisation industrielle de l'énergie solaire me furent confiées et je commençais par établir les relevés statistiques indispensables. Vers 1949, il me fût demandé de réaliser une sorte d'arc solaire, afin de pouvoir oxyder à la température de 3 000° C l'azote de l'air, comme on le faisait dans les pays nordiques avec l'arc électrique, en vue d'obtenir, après barbotage dans de la soude, du nitrate de soude nécessaire à l'agriculture algérienne.

Le miroir solaire, d'une puissance maximale de 50 kW, conçu à cet effet, fut installé, pour expérimentation, à l'observatoire astronomique de la Bouzaréah, près d'Alger et mis en service par mes soins en 1954. L'appareil, qui avait reçu le nom d'Héliodyne, et qui était l'un des miroirs les plus performants du monde, avait été prévu pour être fabriqué en séries de plusieurs centaines d'exemplaires, répartis sur les Hauts-Plateaux. L'insurrection qui éclata le ler novembre 1954 et le développement du terrorisme dans les années qui suivirent entraînèrent l'abandon du programme.

C'est alors qu'un professeur de physique de la faculté des sciences d'Alger, le professeur Marcel Perrot, eût l'idée de proposer au ministère de l'Education nationale la création d'un Institut de l'énergie solaire à l'Université d'Alger (LE.S.U.A.), afin de pouvoir utiliser l'Héliodyne dans les recherches expérimentales que nécessitaient les études entreprises en vue d'une production solaire d'énergie utilisable. Dès 1960 les principes les plus rationnels furent établis par les chercheurs de cet institut. Il n'y avait plus alors qu'à les concrétiser, lorsque les événements politiques firent arrêter les 'travaux début 1962.

Ce n'est que vingt ans plus tard, en 1982, que le ministère français de l'Industrie et de Recherche, commença à s'intéresser au projet, qui porte en lui une véritable révolution dans les conceptions de l'énergétique.

Il était envisagé en effet de créer des complexes industriels susceptibles d'utiliser l'énergie du rayonnement solaire, au préalable convenablement capté, à tous les paliers de température qui peuvent se présenter au cours d'une dégradation méthodique de cette énergie, et ce conformément au deuxième principe de la thermodynamique.

La régularisation de la production d'énergie électrique était prévue par fabrication électrolytique d'hydrogène qui est, on le sait, le vecteur énergétique de l'avenir. L'hydrogène et l'oxygène fournis par l'électrolyseur, peuvent être recombinés pour faire de la vapeur de nouveau réutilisable pour produire, en cas de défaut d'ensoleillement, de l'énergie électrique.

Ces complexes solaires, formés de modules connexes identiques, laissant le sol disponible pour abriter les diverses industries rassemblées, étaient prévus pour s'étendre sur des dizaines et même des centaines d'hectares. Ils pouvaient alors fournir de l'énergie électrique et de la chaleur à diverses températures, à des prix très compétitifs. De telles installations peuvent assurer l'indépendance énergétique de tous les pays situés plus particulièrement entre les 45es parallèles et alimenter les autres pays en hydrogène dont le transport par gazoducs est très économique.

Ces complexes sont la solution définitive de la lutte contre les phénomènes de désertification et, par voie de conséquence, du problème de l'immigration massive vers les pays industrialisés Ils ont en outre et c'est là un aspect spécifique de l'énergie solaire, la possibilité de récupérer les diverses chaleurs perdues qui deviennent réutilisables après revalorisation solaire en température et, d'autre part, la possibilité d'améliorer le rendement thermodynamique des centrales nucléaires, ce qui est assez inattendu, ou encore des centrales géothermiques. La France peut envisager, si elle veut bien utiliser l'énergie solaire des régions méridionales de son territoire, de réduire de 30 à 50 p. 100 sa facture pétrolière.

Tous ces avantages résultent des recherches très approfondies qui ont été effectuées à l'Institut de l'énergie solaire de l'Université d'Alger. Leur importance ne manquera pas de devenir considérable dans les années à venir et leur application devrait permettre de doter les pays du Tiers-Monde, généralement ensoleillés, d'une source énergétique réellement indépendante.

(1) Le Conseil supérieur de la recherche scientifique appliquée comportait en particulier, à l'époque, l'ingénieur général des Mines G. Bettier, le directeur du département production de I'Electricité et Gaz d'Algérie (E.G.A.), l'ingénieur L. Frixon, le professeur A. Guillemonat, directeur du laboratoire de chimie physique de la faculté des sciences d'Alger, l'ingénieur A. Mabillot, président du groupe régional de la Société des ingénieurs civils de France. etc.

Maurice TOUCHAIS

in l'Algérianiste n° 28 de décembre 1984

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