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Assèchement et Assainissement de la Mitidja

Écrit par Charles Griessinger. Associe a la categorie Histoire Agricole

Dans une lettre du 20 octobre 1830, portant le tampon " Armée - Expédition d'Afrique", adressée à M. Maxime Pélerin, notaire à Orléans, un officier faisant partie de la deuxième expédition d'Alger à Médéa, écrivait :

" Nous eûmes à traverser la plaine de la Mitidja, dont les chemins commençaient à être bien mauvais et qui n'étaient presque déjà qu'un marécage ".

Cette situation de la Mitidja en 1830, évoquée dans une correspondance dont je pris connaissance récemment, m'a remis en mémoire l'impression que je ressentis quand, une fin d'après-midi de mars 1948, me trouvant sur les hauteurs de Chréa et mon regard se portant sur la plaine au pied de la montagne, je vis miroiter les eaux de plusieurs canaux, pleins de l'eau des pluies tombées les jours précédents.

Comme tout descendant des premiers Français débarqués en Algérie, mon bisaïeul y était arrivé d'Alsace en 1839 et y était décédé, ainsi que son épouse, du paludisme en 1847, j'avais une vague connaissance de ce qu'était la Mitidja à cette époque, sans mesurer combien ce que j'en voyais, sans y porter d'autre attention que celle suscitée par la luxuriance de ses cultures, avait nécessité de travaux longs, pénibles et meurtriers, en raison du paludisme décimant les personnes affectées à ces travaux.

Ce miroitement des eaux, aperçu par hasard, réveilla ma mémoire et, mon attention ainsi aiguisée, je n'eus de cesse, chaque fois que mes activités professionnelles me faisaient parcourir la Mitidja, de découvrir et voir de près ce qui m'était apparu de loin et mesurer, sur le terrain, l'importance de l'oeuvre accomplie. Rien dans les orangeraies, les pépinières, les vignobles que je visitais ou longeais dans mes déplacements, ne la révélait à première vue. Et puis traversant ici un pont, là un ponceau, je découvrais une tranchée profonde, rectiligne, s'étendant des deux côtés à perte de vue, aux berges parfaitement entretenues, parcourue par une eau s'écoulant sans obstacle.

Un jour, me trouvant au tombeau de la Chrétienne, monument élevé au sommet d'une colline du Sahel, entre Bérard et Tipaza, examinant la plaine en direction de Montebello, je remarquai les drains convergeant vers un canal aboutissant au pied de la colline. Je m'y rendis et découvris un tunnel qui la traversait et écoulait vers la mer, toute proche, les eaux de ce qui fut auparavant le lac Halloula.

Les années passent, les souvenirs s'estompent. Les canaux s'envasent, s'ils ne sont pas entretenus et les marécages réapparaissent. Qui peut assurer que la Mitidja restera telle que nous l'avons laissée?

Aussi n'est-il pas inutile de rappeler l'oeuvre accomplie, souvent mal connue, sinon même ignorée.

La Mitidja relief et hydrographie

La Mitidja est une plaine de 130 000 ha, orientée ouest sud ouest -est nord est, sur une longueur de 100 km, de l'oued Nador, qui se jette dans la mer à Chenoua-Plage, jusqu'à l'oued Boudouaou à l'est, proche du village de l'Alma. Elle est limitée au sud par l'Atlas tellien, au nord par une ligne continue de hauteurs la séparant de la mer, formées sur 70 km par les coteaux du Sahel, d'une altitude atteignant 260 m, s'étendant du Chenoua jusqu'à l'oued Harrach, puis, jusqu'à l'embouchure de l'oued Boudouaou, par de légères élévations de terrain n'excédant pas 80 m. Elle ne comporte que quatre débouchés sur la mer: ceux des oueds Mazafran, Harrach, Hamiz et Boudouaou.

II s'agit d'une vaste dépression, légèrement inclinée, depuis l'Atlas tellien jusqu'aux hauteurs la séparant de la mer, dont la structure géologique s'est formée au cours des différents étages de l'ère tertiaire, puis au cours de l'ère quaternaire. II en est résulté un partage de la plaine en plusieurs bassins hydrauliques, ceux des oueds Nador, Mazafran, Harrach, Hamiz, Réghaïa.

 

Assain Mitidja1-Carte
Figure 1 : Assainissement de la Mitidja

 

La partie sud de la Mitidja, du pied de l'Atlas jusqu'à une ligne, au nord, marquée d'ouest en est par les localités de Marengo, Bourkika, Bou Roumi, Oued-el-Alleug, Boufarik, Birtouta, le carrefour des Eucalyptus, Rivet, la Réghaïa est une zone sèche. D'une part, parce qu'elle constitue le sommet de la pente douce aboutissant au pied des coteaux et des élévations séparant la plaine de la mer, d'autre part en raison de sa structure géologique composée d'éléments grossiers, sables, galets, graviers, qui absorbent les eaux de ruissellement de l'Atlas. Par contre, au delà de cette ligne et jusqu'aux hauteurs la séparant de la mer, sa structure géologique est différente. Recouverte d'alluvions fines, vaseuses et limoneuses, le plus souvent imperméables, elle absorbe mal les eaux qu'elle reçoit, qu'il s'agisse des précipitations atmosphériques, 800 m/m par an en moyenne, dont plus de 600 d'octobre à avril, ou des eaux de ruissellement dévalant des coteaux qui la bordent au nord. D'autre part la très faible pente des principaux oueds et de leurs affluents traversant cette vaste dépression, leur envasement par les limons qu'ils charrient, l'absence de débouchés sur la mer, sauf pour le Mazafran, ont constitué autant de facteurs contrariant ou interdisant l'écoulement des eaux. D'où des débordements contribuant à la formation de zones marécageuses, plus importantes dans la partie occidentale que dans la partie orientale de la Mitidja, la séparation entre ces deux parties résultantde la ligne de partage des eaux entre le bassin du Mazafran à l'ouest et de l'Harrach à l'est, de part et d'autre d'un axe Birtouta Chebli.

A ces facteurs d'inondation s'ajoutent les résurgences des eaux infiltrées au pied de l'Atlas et qui, suivant des couches imperméables du sous-sol, à la pente orientée vers le nord, réapparaissent par artésianisme en de nombreux points, constituant des sources, dont les eaux viennent s'ajouter à celles recouvrant déjà la plaine.

La Mitidja occidentale comprend deux grandes zones marécageuses en 1830, situées de part et d'autre de l'oued Djer.

La partie ouest, entre l'oued Nador et l'oued Djer comportait deux marécages.

Le premier concernait la forêt des Beni Slimane. II était alimenté par les eaux de l'oued Bou Ardoun, longeant la forêt, charriant des matériaux divers qui, s'accumulant à hauteur de cette dernière, avait formé un important barrage empêchant l'écoulement des eaux qui s'épandaient dans la forêt. II s'était créé un marécage pestilentiel, proche du site où sera installé le centre de Marengo.

Le second occupait une vaste dépression, limitée au nord par les coteaux du Sahel, à l'ouest par la ligne de partage des eaux de l'oued Nador, à l'est par le bourrelet des dépôts entassés par l'oued Djer sur sa rive gauche. Ce dernier, au cours de ses débordements, les oueds Kebira et Ameur el Aïn descendant de l'Atlas, les torrents dévalant par temps de pluie du versant sud du Sahel, tel l'oued Sidi Rached, se déversaient dans cette dépression, dénommée lac Halloula, dont la superficie variait de 2000 ha en été au double en hiver. Ses rives étaient proches de 3 km des villages de Bourkika et d'Ameur-el-Aïn, de 4 km de Marengo. Sa profondeur était en moyenne de 4 m et atteignait même parfois 7 m dans quelques points proches du Sahel. Poissonneux, habité par de nombreux oiseaux aquatiques, il ne comportait aucun écoulement vers la mer, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un oued s'y jetant. Aussi constituait-il un foyer idéal de multiplication des moustiques anophèles.

C'est à l'est de l'oued Djer que se situaient les plus vastes étendues marécageuses. Entre cet oued et la rive gauche de l'oued Chiffa, les oueds Chaouch et El Haad formaient une première zone marécageuse, orientée sud ouest - nord est, située à environ 4 km au nord de Mouzaïaville: marais de Chérada et Bouchouaou. Immédiatement à l'est de l'oued Chiffa et jusqu'à la route Quatre Chemins - Boufarik s'étendait une vaste étendue marécageuse, recevant les oueds Yekkeur, Bou Azi, El Khemis, Bou Chemla, Boufarik, parmi les principaux, dévalant des monts les plus élevés de l'Atlas. Ils alimentaient respectivement les marais de Chaïba, de Ferghen et des Beni-Khelil, tous ces marais se confondant pour n'en former qu'un seul. C'est dans ces marécages que s'ajoutaient les résurgences des eaux infiltrées au pied de l'Atlas et qui donnaient naissance à de petits oueds: oueds El-Alleug, Chaa, Acheleu, Macta Maklouf, se déversant dans les marécages déjà existants.

Au pied même du Sahel, le marécage de l'Oued Tléta, entre le Mazafran et les Quatre Chemins, recevait, en plus des eaux déversées parles oueds du versant sud du Sahel, les résurgences artésiennes provenant des eaux infiltrées au pied de l'Atlas.

La faible pente de tous ces oueds traversant cette deuxième partie de la Mitidja, leur comblement partiel par les matériaux charriés en période de crue, leur envahissement par une végétation aquatique, les rendaient impropres à un drainage efficace vers le Mazafran relativement proche 15 km pour Boufarik et Oued-el-Alleug et qui constitue la seule possibilité d'évacuation de leurs eaux.

La Mitidja orientale reçoit les eaux de trois oueds principaux: l'oued Harrach, le Hamiz, l'oued Réghaïa.

Les marécages de Birtouta et de Baba Ali sont formés par les oueds Chérif, Terro et Baba Ali, provenant de la partie haute de la plaine, de l'oued Kherma, descendant du Sahel algérois et des eaux s'écoulant du Sahel.

L'Harrach et son affluent, l'oued Djemaa, issus tous deux de l'Atlas, forment les marais de Sidi Arzine et de Baraki, à l'ouest de la route Maison-Carrée Les Eucalyptus. Les oueds Aïcha, Bou Trik, Saïda Joabia, affluents de l'oued Smar, qui se forment au pied de l'Atlas à 100 m d'altitude, se fraient leur lit en terrain sans déclivité sensible et forment une vaste étendue marécageuse, dite marais de l'oued Smar.

Les marécages de Sidi Aïssa, de la Rassauta et de Fort de l'Eau occupent une faible dépression entre les dunes imperméables les séparant de la mer et la rive gauche du Hamiz, sans aucune possibilité d'écoulement vers l'une ou l'autre.

Le marais de la Réghaïa occupe l'estuaire de cet oued de faible débit sur une longueur de 4 km environ.

Telle en 1830 se présentait, d'ouest en est, l'implantation des marais de la Mitidja.

Assainissement de la Mitidja

 

 

Les travaux d'assainissement s'effectuèrent dans des conditions de difficulté extrême, d'une part du fait de l'insécurité à laquelle il fallut faire face de 1830 à 1842, d'autre part en raison des fièvres paludéennes qui décimèrent les travailleurs attachés à des opérations exténuantes, d'abord de défrichement, par arrachage, des joncs, aloès et palmiers nains qui peuplaient les marécages et ensuite de creusement des canaux et fossés d'écoulement.

Dès 1831, plusieurs projets et plans, intéressant essentiellement et très partiellement la partie est de la Mitidja occidentale furent établis sans qu'il y fut donné suite.

Les premiers travaux, entrepris d'avril 1833 à septembre 1834, eurent un objectif stratégique, rendre praticable en tous temps la route Alger Blida. A cet effet l'on s'attaqua à l'assèchement de quelques marais proches de Boufarik, afin d'établir une chaussée solide.

L'effort fut ensuite poursuivi sur Boufarik et ses environs immédiats où la mortalité, par suite des fièvres, était très élevée: 11 % en 1837, 7 % en 1838, 19 % en 1839, au point que les termes "figure de Boufarik " furent employés pour désigner un paludéen. Des fossés d'écoulement furent creusés à l'intérieur même du centre et aux alentours.

En 1840, les hostilités persistant, Bugeaud entama la construction d'un système de défense continu, qui devait s'étendre du Mazafran jusqu'à l'oued Boudouaou, constitué par un fossé profond flanqué d'un blockhaus tous les 500 mètres. Les travaux commencèrent simultanément à Blida, Koléa, Maison-Carrée. Terminés en 1842, ils ne furent pas poursuivis, la pacification de la Mitidja étant devenue effective. Le fossé d'obstacle joua; alors, un rôle non négligeable comme fossé d'assainissement. Toujours en 1842 débutèrent dans la région de Boufarik d'importants travaux: comblement de parties basses par 20 000 m' de remblai, creusement d'un canal écoulant les eaux stagnantes de l'oued Bou Farik, ouvertures de canaux évacuant les eaux des marais de Souk Ali, à l'est de Boufarik et de Rhilen au sud.

La création en 1843 d'un service spécial de dessèchement permit une reconnaissance méthodique de la situation de l'ensemble de la plaine et de déterminer les travaux nécessaires à son total assainissement.

En premier lieu ils affectèrent deux zones. L'une proche de Boufarik, les marais des Beni Khelil, l'autre, au nord, les marais de l'oued Tléta. Réalisés entre 1847 et 1849, ils rendirent propres à la culture 729 ha dans la région de Boufarik et 600 ha dans celle de l'oued Tléta.

Puis commencèrent, en 1848, les travaux considérables devant conduire à l'assèchement total des marais s'étalant de l'oued Djer à Boufarik.

Les eaux des marécages Chérada et Bouchouaou, situés sur la rive gauche de l'oued Chiffa, furent drainés dans cet oued. Les marécages de sa rive droite, dont celui de Chaïba, furent évacués par le fossé-obstacle de Bugeaud, à l'ouest de Oued-el-Alleug.

Pour tous les autres marécages, s'étendant de ce fossé jusqu'à la route Boufarik - Quatre Chemins, c'est l'oued Fatis qui fut utilisé pour drainer vers le Mazafran les eaux recueillies par le grand canal de dessèchement de Boufarik creusé en 1842, et par les grands canaux de Chaïba, Mouletti, Sidi Yahia, Farghen, Beni Khelil, Cheik et Biar, creusés à partir de 1848.

Ainsi s'est trouvé réalisé l'assainissement de la partie de la Mitidja située à l'est de l'oued Djer. La densité de son réseau de drainage est telle que son relevé topographique donne l'impression d'une vaste toile d'araignée étalée sur la plaine.

Les travaux d'assèchement de la partie de la Mitidja occidentale comprise entre l'oued Djer et l'oued Nador intéressèrent principalement le marécage de la forêt des Beni Slimane et le lac Halloula, qui constituaient tous deux des foyers malarigènes, dont l'effet pernicieux se mesure au taux de mortalité de 9,52 % qui frappa la colonie militaire de Marengo entre 1849 et 1857.

Les premiers travaux débutèrent en 1849, sous la direction de De Malglaive, directeur de la colonie militaire de Marengo, nouvellement créée, avec pour premier objectif l'assèchement du marécage de la forêt des Beni Slimane. Ils consistèrent dans l'arrachement des broussailles retenant l'écoulement des eaux et dans le creusement d'un large fossé, débutant en amont de la forêt et déversant dans l'oued Meurad et dans la partie nord de l'oued Bou Ardoun, au-delà de la forêt, les eaux qui l'inondaient auparavant. Ces travaux s'achevèrent par l'ouverture d'une large tranchée qui devint, ultérieurement, la route de Tipaza.

L'assèchement du lac Halloula fut une œuvre de plus longue haleine.

Dès 1849 un projet fut établi par De Malglaive et reçut un commencement d'exécution. L'idée était de dériver dans le lac l'oued Bourkika, descendant du ravin des Voleurs, et l'oued Djer, dont on pensait que les alluvions combleraient progressivement le lac. L'oued Bourkika fut ainsi dérivé, mais les résultats ne répondirent pas aux espérances et l'oued fut rendu à son ancien lit.

Un deuxième projet fut dressé et réalisé entre 1859 et 1864. L'oued Djer fut détourné par un canal dans l'oued Bou Roumi, à environ 4 km au nord d'El Affroun. Puis un canal fut creusé entre le lac et l'ancien lit de l'oued Djer, dans lequel se déversèrent, partiellement, les eaux du lac, dont la surface, au plus fort des pluies, fut réduite à 500 ha.

L'assainissement de la région fut alors considéré comme pratiquement acquis et la création d'un centre de colonisation rendue possible près des anciens rivages. Ainsi fut créé Montebello, dont les premiers habitants furent très vite atteints de paludisme. La mortalité fut élevée et en 1904 75 habitants sur 87 étaient paludéens.

En 1923 les colons d'El Affroun et de Montebello constituèrent un syndicat d'assèchement du lac et demandèrent la reprise d'un projet de percement d'un tunnel dans la colline du Sahel, déjà abordé en 1907, afin de permettre la totale évacuation des eaux du lac vers la mer. Animateur de cet organisme, M. Marc d'Héré, viticulteur à Montebello, président-fondateur de la coopérative de ce centre, après sept années de démarches incessantes auprès des pouvoirs publics et une intervention efficace auprès du gouverneur général Pierre Bordes, obtint enfin satisfaction.

Cette opération fut réalisée en 1930. Le tunnel, long de 2,900 km, a asséché la cuvette du lac, dont les plus fortes pluies qu'elle reçoit, sont évacuées en moins de 24 heures.

L'exécution de ce dernier ouvrage acheva l'assainissement de la Mitidja occidentale, dont l'assèchement ne fut maintenu que par un entretien permanent et rigoureux du réseau de drainage.

En Mitidja orientale, les travaux débutèrent en 1833 par l'assèchement du marais formé au confluent de l'oued Kherma et de l'Harrach, les troupes cantonnées dans la région étant décimées par le paludisme, puis des marais de Fort de l'Eau.

Le marais de Sidi Aïssa fut ensuite drainé par un fossé d'écoulement de ses eaux dans le Hamiz.

Vint ensuite l'assèchement des marais de la rive droite de l'Harrach par la régularisation de son cours et de son affluent, l'oued Djemaa.

Le drainage des marais de l'oued Smar (rivière des Joncs), s'effectua par la canalisation des oueds les alimentant, l'arrachage des plantes aquatiques les envahissant, le creusement d'un canal de 4 km, rattaché à de nombreuses tranchées secondaires évacuant les eaux drainées vers le cours inférieur de l'Harrach.

D'autre part, dans cette même région, de nombreux travaux d'assainissement furent effectués par les agriculteurs à qui furent concédés des domaines privés, à la condition expresse de l'exécution de ces travaux, qui intéressèrent les marais de la Rassauta, de Baraki, de Ben Ghazi, d'Ech Chaouch, ce dernier situé entre les Eucalyptus et Rivet.

Quant au marais de Réghaïa, une digue en terre d'un mètre de haut a été élevée du côté de la mer et les eaux, ainsi retenues, alimentent une station de pompage utilisée pour l'irrigation d'une région à vocation maraichère.

L'un des derniers marécages assainis fut celui des Ouled Mendil, proche de Birtouta, à l'ouest de cette localité.

Le nom de l'Institut Pasteur d'Algérie reste attaché à cette opération, ainsi qu'à la lutte contre le paludisme, entreprise par lui en 1904 à Montebello et poursuivie ensuite sans relâche.

L'Institut avait défini un certain nombre de mesures, résultant de ses observations et visant à la destruction des larves d'anophèles qui, du fait de leur respiration aérienne, ne peuvent vivre que dans des eaux immobiles. D'où la mise au point des moyens suivants

- creusement de fossés d'écoulement.
- défoncement du sol pour augmenter sa perméabilité.
- boisement, principalement par eucalyptus, augmentant l'évaporation des eaux du sol.

Pour les eaux utiles, non susceptibles d'évacuation, les mesures de protection suivantes furent préconisées:

- asphyxie des larves par épandage à la surface de l'eau d'une couche de pétrole renouvelée tous les quinze jours.
- maintien d'une circulation constante des eaux d'irrigation.
- destruction des plantes aquatiques.
- peuplement des eaux à écoulement insuffisant par des gambouses (Gambusia Holbrooki), petits poissons détruisant les larves d'anophèles.

C'est cet ensemble de mesures qui fut appliqué dans l'assèchement du marais des Ouled Mendil et plus spécialement dans une parcelle de 360 ha concédée en 1927 à l'Institut Pasteur.

Dans leur ouvrage "Histoire d'un marais algérien ", les docteurs Edmond et Etienne Sergent, dont les noms s'inscrivent au premier chef dans l'oeuvre de l'Institut Pasteur en Algérie, s'expriment ainsi : " le marais a été défriché, défoncé, drainé, sans qu'il y ait eu un seul cas de paludisme parmi les pionniers. Les travaux de construction d'habitations, de routes, de ponts, d'irrigation, la mise en culture et l'élevage des animaux domestiques... ont permis le peuplement de l'ancien marais, sans qu'on ait pu observer la moindre atteinte de paludisme parmi les cultivateurs ".

 

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Sur le plan agricole, les terres conquises sur les marais de la Mitidja se sont révélées très fertiles, en raison de l'humus accumulé au fond des marécages et enfouis par les labours. Des milliers d'hectares d'agrumes et de vigne y ont été plantés, en pleine prospérité en 1962, qu'une inondation permanente des racines condamnerait irrémédiablement.

 

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Nous n'avons rien changé au relief de la Mitidja. Que cesse l'entretien de ses réseaux de drainage et les marais s'installeront à nouveau. S'il en était ainsi, que la mémoire des hommes et l'Histoire gardent le souvenir de ce qui fut.

Charles GRIESSINGER

Bibliographie :
MONTOUCHET Monique -L'assainissement de la Mitidja (XIXe Congrès Géologique International - Alger 1952).
FRANC J. - La colonisation de la Mitidja (Collection du Centenaire de l'Algérie 1830 1930).

In l'Algérianiste n°42 de juin 1988

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