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Le Vignoble entre les deux Guerres

Écrit par Paul Birebent. Associe a la categorie Histoire Agricole

L'après guerre de 1914 redevenait favorable au vignoble algérien qui n'avait pas connu l'hécatombe métropolitaine et la désorganisation du tissu social. Comme tous les citoyens et dans les mêmes proportions, les "poilus" colons envoyés sur tous les fronts avaient payé un lourd tribut, mais l'immigration ne s'était pas tarie, bien au contraire, et la main d'oeuvre indigène, peu mise à contribution, mieux formée et peu chère, avait comblé les vides.

Les caves coopératives, sous la pression et devant la nécessité, se multipliaient, poussées par l'administration et propulsées par le Crédit Agricole Mutuel. Elles devaient atteindre en 1962 le chiffre de 188, dont 94 dans l'Algérois, 78 en Oranie et 16 dans le Constantinois. Disposant de larges ressources, elles étaient superbement équipées et toujours à la recherche d'innovations techniques libérant les hommes et améliorant la qualité. Le matériel d'exploitation devenait de son côté plus lourd, plus résistant, plus performant avec l'apparition d'outils tractés et de tracteurs à chenilles, essentiellement étrangers - Hanomag – Caterpillar- avant l'apparition beaucoup plus tard de la marque française St Chamond, et de l'oranaise Ducros.

Le sol, épuisé par de longues années de cultures sans moyens, était régénéré par des apports massifs d'amendements et d'engrais. Des fumiers de bétail, abondants et bon marché, de composts artificiels de pailles et débris végétaux selon un procédé mis au point en Algérie, étaient massivement enfouis dans le sol afin de relever le taux d'humus, très affaibli. Il s'ensuivait des vignes plus vigoureuses, plus saines, et des récoltes abondantes plus régulières.

Les caves, pour leur part, coopératives et particulières, avaient appris à maîtriser températures et fermentation et à assurer la conservation des vins dans de bonnes conditions d'hygiène De grandes maisons de négoce français accaparaient pratiquement la production algérienne en lançant les vins de coupage devenus indispensables par leur degré, leur tannin, et leur faible acidité, pour relever les maigres Aramon, invendables en l'état, du midi de la France.

Avec tous ces paramètres favorables, le vignoble algérien continuait sa croissance. Il le faisait très peu au détriment des cultures en place, sauf parfois dans la plaine de la Mitidja où la notion de rendement primait sur toutes les autres, mais se développait plus volontiers en zones sèches, calcaires, caillouteuses de "l'intérieur" parfois même en courbes de niveaux protégé par les travaux de la Défense et Restauration des Sols, comme à Ben Chicao et à Mascara.

Le vignoble établi après "restructuration", le terme n'existait pas alors, était à grands écartements et faibles densités de 2.200 à 3.300 souches l'hectare, parfois moins, avec de vignes de 3 à 4 mètres d'un rang à l'autre.

Hors des plaines fertiles conduites en taille Royat, le gobelet s'était imposé comme étant le plus apte à favoriser l'aération, à résister à la sécheresse et à protéger les grappes du soleil et de vents chauds. On le taillait à 4 ou 5 "porteurs" à deux yeux, avec parfois un "pisse vin" pour parer les incidents climatiques.

C'est entre les deux guerres que le vignoble reconstitué révélait toutes ses potentialités avec deux années record dans ses 132 ans d'histoire : 22 millions d'hectolitres en 1934 et 398.629 hectares en 1938.

La progression avait été très sensible depuis 1920 :

- 1925 : 201.464 hectares et 11.113.000 hectolitres

- 1935 : 339.512 hectares et 18.910.000 hectolitres

- 1940 : 392.042 hectares et 14.034.000 hectolitres.

Cette croissance intempestive de la production, due aux superficies et non pas à l'augmentation des rendements toujours faibles à l'exception de plaines d'alluvions profondes, n'affectait pas les cours du marché qui restaient stables et rémunérateurs jusqu'en 1927. A partir de cette date, le prix amorçaient un déclin, qui allait s'accélérer et devenir chronique, obligeant à une régulation des marchés par des mesures restrictives.

En 1929 une première réglementation était proposée au Parlement, et en 1931 le statut viticole était appliqué à l'Algérie, désormais intégrée, et soumise aux mêmes règles que la métropole : limitation des plantations et prestations viniques, distillation, mise en marché par tranches, en même temps que les contrôles administratifs étaient imposés et développés.

De 1931 à 1934 de nombreuses lois d'application du statut viticole étaient votées, dont l'article 85 du code du vin, dit "amendement Brière", du nom du député d'Oran, propriétaire-viticulteur à Legrand, près de Saint Cloud, et qui amputait les droits de replantation ; la loi 35 qui incitait à l'arrachage volontaire primé et accordait en compensation l'exonération du blocage et de la distillation ; la loi 40 qui imposait 10 % de cultures vivrières pour une surface équivalente de vignes à arracher.

En 1934 enfin une dernière loi suspendait toutes les plantations nouvelles et instituait une taxe sur les rendements supérieurs à 80 hl par hectare pour les petites exploitations, et au-delà de 50 hl pour les plus grandes, qui devaient en outre supporter blocage, distillation et récolter un degré minimum.

Injuste parce que discriminatoire, cette loi était très mal acceptée car elle ne touchait qu'une partie de la production et un petit nombre de déclarants. Pendant ce temps, les exportations de vin d'Algérie passaient de 7.128.000 hectolitres en 1925, à 11.800.000 en 1939, et la Colonie devenait le quatrième producteur mondial après la France, l'Italie et l'Espagne.

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