Imprimer

Les Débuts de la Viticulture

Écrit par Paul Birebent. Associe a la categorie Histoire Agricole

Malgré les échecs précédents, la vigne apportée dans les bagages des premiers immigrants s'était progressivement développée autour des grands ports du littoral - Alger - Oran - Bougie, et près des postes militaires de l'intérieur, Médéa, Mascara, où les "colons" étaient assurés d'une protection permanente.

L'année 1848, avec ses mouvements sociaux en France, allait donner un nouvel élan, définitif et irréversible à la colonisation. Après la dissolution des ateliers nationaux, une loi proposée par le général Lamoricière, créait les colonies agricoles avec un gros budget étalé sur quatre ans. Chaque candidat au départ devait recevoir en fonction de l'importance de sa famille, un lot de terre de deux à dix hectares, des instruments agricoles, des semences, quelques têtes de bétail, une maison et une aide alimentaire.

Les volontaires affluèrent et la demande pour l'Algérie fut vite supérieure à l'offre. 17 convois de Parisiens, avec seulement quelques Lyonnais dans le dernier, furent acheminés dans des conditions d'improvisation et d'inconfort total sur les régions d'Alger et d'Oran. C'est ainsi que fut fondé Saint Cloud, notre village.

L'échec des colonies agricoles fut total. A cause, en premier lieu, de l'incompétence des arrivants, ignorants des choses de la terre, soumis comme leurs prédécesseurs à l'insalubrité, aux difficultés du défrichement, aux incursions des bandes rebelles, et de surcroît, à une discipline quasi militaire insupportable pour les ouvriers des ateliers, à cause encore du désintéressement, voire de la dureté des officiers, chefs de centres.

Deux ans plus tard, le choléra, le découragement, l'abandon, avaient dépeuplé les colonies. Le coup d'état de Napoléon III du 2 Décembre 1851 permettait au maréchal de Saint Arnaud de faire prolonger les aides et d'accorder des secours aux survivants jusqu'en 1853.

De nouveaux convois, furent acheminés. Ils étaient cette fois composés d'anciens militaires aguerris, et de paysans du midi disposant de quelques ressources. Le mouvement était lancé. Il allait se poursuivre sous le second Empire, avec la création de nouveaux villages, administratifs dans les régions soumises, ou spontanés en zones sensibles, au fur et à mesure de l'avancement vers l'intérieur des postes militaires.

En 1850 avait été créée une "chambre consultative d'agriculture", suivie peu après par la fondation d'une "caisse d'épargne et de prévoyance", en même temps qu'avait été votée une loi "du statut de la terre" qui tentait de mettre un peu d'ordre dans l'anarchie et la spéculation foncières des premières années.

La population, au départ exclusivement française, s'enrichissait de l'apport de nouveaux immigrants, Espagnols d'Alicante et Mahon, Italiens de Calabre et Maltais, à la technicité agricole indiscutable. Les "Colons", en dehors des produits de subsistance, semaient peu de blé importé à bas prix, mais produisaient du fourrage, du bois et du charbon pour l'armée et la ville.

En janvier 1851, une loi, dite de "salut", était votée. Elle admettait en franchise les produits algériens en France, et était suivie en avril d'une autre loi aliénant les biens Habous des Domaines afin de favoriser l'installation des immigrants. Afin de préserver le droit des arabes, une loi de Juin 1851 précisait : " .. la propriété est inviolable, sans distinction entre les possessions indigènes et les possessions françaises ou autres sont reconnus ... les droits de propriété et de jouissance appartenant aux particuliers, aux tribus et aux fractions de tribus "

La France reconnaissait ainsi le droit de propriété des possédants des terres "melk" et "arch". Elle favorisait et légalisait les transactions entre colons et indigènes et mettait fin aux pressions et aux abus.

Cette même année 1851, en même temps qu'étaient acheminés les nouveaux convois, l'administration expédiait à 42 centres de colonisation, dont Saint Cloud, des lots de plants de vignes. Transportés dans de mauvaises conditions ils ne devaient pas survivre, mais constituaient la première tentative officielle de création du vignoble d'Algérie.

Dans les annales algériennes, l'année 1856 marque un tournant : l'excédent des naissances, pour la première fois, sur les décès, alors que le courant d'immigration étranger s'accélérait.

En 1861 une vigne était plantée à Birmandreis, près d'Alger, où l'on recommandait d'aller s'approvisionner en plants de vignes de qualité. Une seconde l'était à la Sénia, près d'Oran, l'année suivante. C'est de la Sénia que les trois premiers viticulteurs de Saint Cloud allaient ramener les plants qui furent à l'origine du vignoble communal et familial.

En 1861, devant le Corps Législatif, le directeur des services civils d'Algérie déclarait :

"Voilà une culture qui se développe en Algérie. L'administration cependant ne l'a pas favorisée, parce qu'elle était sous l'influence des intérêts du Midi qui craignait la concurrence des produits de l'Algérie. Mais on a beau dire, quand une chose est dans la nature, elle s'accomplit naturellement. La culture de la vigne est un fait fatal, je veux dire de force majeure en Algérie, et l'Algérie sera un jour, un des plus grands pays viticoles du monde ".

Vous souhaitez participer ?

La plupart de nos articles sont issus de notre Revue trimestrielle l'Algérianiste, cependant le Centre de Documentation des Français d'Algérie et le réseau des associations du Cercle algérianiste enrichit en permanence ce fonds grâce à vos Dons & Legs, réactions et participations.