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Au cœur du Sahara, les grands artistes de la préhistoire

Écrit par Yvon GRENA. Associe a la categorie Préhistoire

 

  Station de Tissoukai

Certains bœufs sont présentés zébrés et tachetés. On a pensé que les bœufs zébrés avaient été soumis à une tonte décorative, comme cela se pratique en Espagne sous le nom " d'esquilado ".

Impression bien rendue de la marche des bovidés.

 

Le " Tassili n'Ajjer " est un massif à part, dans le plus grand désert du monde. Il est situé au nord-est du Hoggar et au nord-ouest du Tibesti. Il est constitué de plateaux (tassili en targui) et de pitons montagneux culminant aux environs de deux mille mètres d'altitude. Globalement, il est long d'environ huit cents kilomètres et large de deux cents.

De nombreuses gravures et peintures préhistoriques furent découvertes dans ce massif à partir de 1933. Ce fut un officier méhariste, le lieutenant Brenan, qui les signala et alerta l'ethnologue Henri Lhotte, émule de l'abbé Breuil, membre de l'Institut, qui installa les recherches préhistoriques en France. Il est d'ailleurs à noter, entre parenthèses, que l'abbé Breuil présida le "Deuxième congrès pan-africain de préhistoire" en 1952 à Alger, auquel j'eus l'honneur de participer.

De 1933 à 1939, puis à partir de 1956 à nouveau, Henri Lhotte explora le Tassili. Il s'entoura de véritables peintres et dessinateurs et s'installa, en 1956, pour six mois sur le site avec son équipe. Au prix de difficultés inouïes, il fit relever un grand nombre d'œuvres préhistoriques. Le climat, la nécessité d'employer un important matériel, l'inaccoutumance au Sahara de certains, les relations avec les autorités et les guides autochtones conditionnèrent cet important travail.

Il découle des relevés réalisés que le Tassili s'avère être un immense musée d'art préhistorique.

La qualité et le grand nombre de ces images indiquent que le Sahara était très habité à une période estimée à quatre ou cinq mille ans avant notre ère. Il existait alors une faune analogue à celle qui vit aujourd'hui dans la savane: hippopotames, éléphants, girafes, autruches, gazelles, rhinocéros, antilopes et même crocodiles...

Le Sahara a fait l'objet, il y a des millénaires, d'un immense dessèchement, étalé dans le temps. Nous savons, par les géographes grecs et latins de l'Antiquité, " que cinq siècles avant l'ère chrétienne, le Sahara était déjà dans un état d'assèchement assez avancé ".

L'occupation lointaine et humaine du Sahara est soulignée par la profusion des outillages préhistoriques, des gravures et peintures rupestres, véritable livre ouvert sur le passé de ce désert. Les peintures furent relevées par divers procédés, travail qui a nécessité des prouesses à la fois sportives et techniques de la part des participants, au milieu des dédales, des défilés, des canyons et des gorges du Tassili. Le tout au sein d'un climat très rude avec des différences de plus de cinquante degrés entre la nuit et le jour...

C'est par " milliers " que se comptent, dans le Tassili, les gravures sur les rives des oueds (rivières), dans les grottes et abris divers. Elles concernent de vastes fresques de la vie quotidienne, des scènes de chasse, de déplacements des pasteurs avec leurs boeufs Les animaux y sont nombreux

autruches, girafes, mouflons, antilopes, éléphants, rhinocéros, ânes sauvages. Quelques représentations d'hommes masqués et tatoués, peut-être des sorciers, sont également exposées.

 

Station de Tissoukai

Troupeau de bœufs en marche sous la conduite de leurs bergers.
Scène complète.
Impression de mouvement.
Variété des cornes de bœufs de même que celle de leur pelage, atteste de nombreux croisements.

 


Les peintures pariétales peuvent être considérées comme un langage ayant servi à pénétrer, plus tard, dans l'ère historique. Pour plusieurs auteurs, l'art pariétal est devenu un chapitre de l'art tout court, s'agissant simplement de l'unité d'une civilisation lointaine mais réelle.

Sur le site de " Jabbaren ", Henri Lhotte s'est exclamé : " C'est tout un monde! ". Plus de cinq mille sujets sont peints dans un quadrilatère mesurant à peine six cents mètres de côté. Si l'on se réfère aux différents étages de peintures, (certaines sont superposées), on en déduit que plus de douze civilisations différentes s'y sont succédées.

La qualité d'exécution est remarquable, les tracés d'une extrême finesse.

L'âge des peintures a pu être déterminé grâce à l'utilisation du carbone 14. C'est ainsi que la période bovidienne, la plus importante, a dû s'étendre de quatre mille à deux mille ans avant Jésus-Christ. Il faut ajouter que parmi les personnages représentés chevauchent les races blanche et noire, et aussi, assez caractéristique, des hommes à barbiches, de type éthiopien. Ce qui ouvre des perspectives nouvelles sur les grandes migrations et le passé de l'Afrique. Il nous faut conclure en disant que les fresques pariétales sont les archives de l'humanité, le grand livre ouvert sur notre très ancien passé. A cet égard, le Tassili n'Ajjer est un véritable sanctuaire, le plus grand du monde, l'un des jalons les plus précieux sur la route de l'aventure humaine.

YVON GRENA

In l'Algérianiste n° 85 de mars 1999

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