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Considérations sur la langue maltaire en regard de l'Algérianisme

Écrit par Pierre Dimech. Associe a la categorie Langues Européennes

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La porte principale de Mdina, l'ancienne capitale

L'environnement littéraire en Algérie

L'élément maltais a, on le sait, occupé une place notoire dans la formation de la Communauté française d'Algérie, dont l'importance fut sans commune mesure avec les données numériques le concernant, résultant des statistiques. Placé au troisième rang de l'apport étranger, loin derrière ceux de l'Espagne et de l'Italie (mais, à ce propos, il serait presque plus juste de parler "d'Espagnes" et "d'Italies", a raison des fortes distorsions entre les régions d'origine des émigrants issus de ces deux territoires), il s'est révélé être d'une telle homogénéité dans la personnalité, et d'une telle spécificité (qui fit rapidement le bonheur, pas toujours très aimable, des croqueurs de portraits littéraires) en dépit de son appartenance incontestable à la grande famille méditerranéenne, qu'il constitua, dès les premières décennies de la colonisation, une des composantes marquantes de la nouvelle Communauté en formation. Lorsque celle-ci fut parvenue à sa maturité, atteinte très tôt, quoi qu'on en pense, à l'aube de ce siècle, qui vit en même temps l'éclosion du courant algérianiste et de sa vision tonique autant que généreuse de 1'avenir de l'Algérie dans le cadre français mais sans carcan intellectuel, les hommes venus de Malte, cet archipel minuscule caché derrière la grande Sicile, au-delà de l'horizon tunisien, eurent enfin droit à la reconnaissance littéraire de leurs nouveaux compatriotes français d'Algérie, qu'on appelait alors, faut-il le rappeler, les "Algériens". Tout simplement. Et sans arrière-pensée.

Un homme fit beaucoup pour cela, qui présentait en lui la synthèse de la triple influence maltaise (né a Gozo, deuxième île de l'archipel maltais), "algerienne" (ayant vécu dès 1'âge de deux ans près de Bône) et métropolitaine (s'étant installé dans la Sarthe à l'issue de la guerre de 1914-1918, où il vécut jusqu'à sa mort en 1967). Cet homme, c'est Laurent Ropa, enseignant et écrivain, qui entretint toute sa vie des relations enthousiastes avec les Algérianistes, à commencer par leur figure de proue, Robert Randau, et aussi, avec jean Pomier et Gabriel Audisio, pour ne citer que les noms de ceux avec qui il correspondit de façon régulière au fil des années. Ropa aurait pu, certes, être un de ces hommes nouveaux entièrement façonnés par Algérie méditerranéenne. La glace à part qu'il conserva sa vie durant, tient au fait qu'il incarna une fidélité sans faille au pays de sa naissance, dont il ne pouvait pourtant avoir de mémoire sensible, pays dont il s'est senti le fils non prodigue, parti sous d'autres cieux sans même pouvoir s'en rendre compte, pour raison de nécessité familiale, ayant réussi à prendre en charge en lui même ces changements successifs d'horizon sans rien renier des apports ainsi reçus. Comme les couches généalogiques, il garda à la Malte de ses parents et ancêtres, le plus profond de son cœur, et, ajouterons-nous, le plus exacerbé de son mental. Ropa resta jusqu'à son dernier souffle un véritable militant de la cause maltaise, et le point culminant de son combat fut la défense de la spécificité de la culture maltaise à travers la défense et illustration de la langue maltaise, dont la reconnaissance officielle en tant que langue nationale du pays, lors de l'octroi de l'indépendance par la Grande-Bretagne, le 21 septembre 1964, vint auréoler les dernières années de vie de cet homme passionné.

Ropa fut celui qui intéressa les Algérianistes à la cause maltaise, notamment à un moment où le monde méditerranéen était entré en effervescence, pris dans les grandes et inexpiables querelles qui allaient opposer entre elles les principales nations occidentales, notamment la Grande-Bretagne et l'Italie, devant une France elle-même concernée par l'aggravation incessante des tensions. Or, Malte fut un des points les plus litigieux, et déjà, les questions culturelles, notamment celle faisant appel à la linguistique, furent au cour de la confrontation. Ce fut l'époque ou les notions de méditerranéisme et de latinité divergèrent. On trouve la marque de cette évolution remarquablement présentée sur le plan littéraire par les ouvrages d'Audisio comme "Jeunesse de la Méditerranée" et "Le sel de la Mer", le même Audisio, qui rend compte des combats des intellectuels maltais pour la reconnaissance de leur langue dans des revues comme "Aguedal" (1938) : "Le peuple maltais, sa résurrection, sa littérature". A la même époque, dans "Afrique", la revue des Algérianistes (et donc l'ancêtre direct de notre présente revue algérianiste), jean Pomier écrit : "Malte, Laurent Ropa et nous" (mars 1939). Ropa y écrit lui-même, sur les grands hommes de la littérature maltaise: "Miktel Anton Vassali" (le père de la codification de la langue maltaise), en décembre 1938, et: "Karmenù Vassalo, poêta nisrani", en février 1939. Mais Ropa s'est entretenu de la question depuis longtemps avec Randau, à qui il voue une admiration sans borne...

Randau, de son côté, ne manque jamais d'encourager Ropa à publier, malgré toutes les déceptions générées par le monde de l'édition, et tous les traquenards dont il déjoue les pièges, a travers les correspondances roboratives qu'il adresse à son jeune confrère au cours des années trente. Ainsi, par exemple, invite-t-il Ropa, le 30 août 1934, à publier au plus vite les "Contes maltais", qu'il vient décrire, et ce, dans "Les Annales Africaines", périodique qui est alors dans sa 44e année, et sur le papier à en-tête duquel Randau écrit. Randau demande même à Ropa de devenir un de ses collaborateurs au sein de cette revue. Il lui donne à cette occasion d'autres conseils, de tactique littéraire, du plus haut intérêt pour la connaissance de l'époque et du milieu auquel sont confrontés les Algérianistes, mais cela fera l'objet d'une prochaine chronique, portant plus spécifiquement sur cette correspondance Randau-Ropa.

Dans un bref mais dense billet daté du 14 novembre 1935, écrit de son appartement du 31 boulevard Saint-Saëns, à Alger, (mention figurant en haut du billet), Randau va au cœur de la question, et brosse un tableau synthétique de l'apport des Maltais, y encourageant le maintien de la spécificité de leur origine, qu'il ne voit nullement en contradiction avec la fusion progressive dans la population française. Il a cette très belle expression : "il faut que Malte demeure pour eux une patrie aimée, un port de refuge". Bien d'autres correspondances de Randau abordent le thème de Malte et des Maltais, fustigeant notamment ceux qui ont honte de leur origine. La langue elle-même est abordée dans une lettre datée du 29 octobre 1934, Randau interrogeant Ropa sur un point précis de linguistique, sur les rapports connus entre maltais et arabe, d'une part, et sur les rapports supposes entre maltais et hébreu, d'autre part...

Ainsi, après avoir été largement abreuvés d'épithètes peu honorifiques au cours du XIXe siècle par nombre de ceux qui ont écrit sur l'Algérie, les Maltais d'Afrique du Nord, en particulier les Maltais d'Algérie, ont fait une entrée remarquée dans le domaine littéraire algérianiste comme sujets de romans et essais, puis ont suscité un intérêt plus poussé, d'ordre culturel et politique, pris comme les représentants d'un petit territoire en proie à bien des convulsions et des convoitises, au tournant des années trente. Ceci nous amène à esquisser un tableau de la situation que connut le territoire d'origine de ces émigrants singuliers, depuis le début du XIXe siècle, en procédant à d'intéressants recoupements avec l'histoire de l'Algérie pendant la même période, tout en centrant cette recherche sur le rôle de la langue maltaise.

La langue maltaise, au cœur d'une prise de conscience nationale

Chacun des centaines de milliers de touristes (et bien plus... Quel succès! et quels risques pour ces arpents de rochers!) qui visitent Malte chaque année est censé savoir la liste - une véritable litanie - des occupants qui se sont succédés sur ces trois cents et quelques kilomètres carrés depuis la nuit des temps... On ne sait rien de la langue primitive des premiers habitants, qui furent, à n'en pas douter, une simple poignée... On y parla punique, de par l'implantation phénicienne, il y a de cela trois mille ans, et celle de leurs descendants carthaginois. Mais les îles maltaises reçurent aussi un apport grec, avant d'entrer dans l'orbite romaine, où elles accédèrent au rang de municipe, ce qui supposait d'ailleurs une occupation constante et paisible, du domaine de l'administration et non de l'armée. Pourtant, le texte le plus célèbre du monde qui traite de Malte, les Actes des Apôtres, relatant le naufrage de Paul de Tarse et son séjour décisif pour l'histoire de l'île, fait état d'indigènes qualifiés de " barbari " , c'est-à-dire de gens ne parlant ni grec ni latin. Force est alors d'en déduire que les Maltais devaient continuer à parler une sorte de dialecte punique, en tout cas sémitique. L'insularité et l'isolement quasi total qui devait en résulter à l'époque, l'absence de structures d'enseignement populaire, et par-dessus tout, la faible population, étaient autant de facteurs de conservation d'un dialecte à proprement parler "ancestral". Ce qui ne devait pas empêcher, on s'en doute, la communication avec les Romains, le commerce maritime, les échanges basiques en vue des relations quotidiennes de par les vertus d'un immortel sabir méditerranéen, qu'on peut imaginer aussi sonore et savoureux que celui que nous avons connu...

L'invasion arabe du IXe siècle, l'implantation du nouvel occupant sur ces îles abandonnées depuis longtemps par les Romains d'Occident et administrées en dernier par l'empire de Byzance, donc avec le passage cette fois du latin au grec pour les actes officiels, vont être décisives sur le plan linguistique. Nous verrons plus loin quel contenu donner à cette imprégnation. Pour l'heure, c'est l'évolution historique qui doit retenir notre attention. Deux siècles de domination, suivis de presque deux siècles de coexistence, après la réintégration de Malte dans l'Occident chrétien par les Normands, vont faire du maltais, qui n'est alors qu'un dialecte parlé, un langage relevant définitivement de la branche sémitique, en dépit d'apports romans à compter du XIIIe siècle, eu égard à la dépendance étroite de Malte vis-à-vis de sa grande voisine, la Sicile, à l'intensification des relations maritimes, commerciales et humaines avec les différentes républiques maritimes de la péninsule italienne (notamment Gênes, Pise et Amalfi). Plus tard, avec le XVIe siècle et l'installation à demeure des Chevaliers de l'ordre de saint Jean, qui devenaient ainsi, pour le meilleur et pour le pire, "Chevaliers de Malte", ce fut l'italien qui s'imposa comme langue de culture et d'échanges, imprégnant jusqu'au parler maltais, et même certains écrits, entre autres des actes de notaires, mais partiellement, voire uniquement au niveau de l'orthographe des noms et autres mots. Ainsi, fluctuante, non formalisée, modeste et souterraine, se transmet tant bien que mal une forme de langage, dont la portée ne dépasse pas les familles et la vie quotidienne des petites gens. Seule, répétons-le, l'insularité l'a sauvée, et aussi, peut-être, la confrontation permanente avec tout ce que la Méditerranée d'alors recèle de pirates et forbans en tous genres, barbaresques, renégats, corsaires, justiciers, agents de puissances respectables, trafiquants d'esclaves et chercheurs de rançons... Il y a un temps pour les abordages et massacres, et un temps pour les palabres. Les Maltais participent incontestablement de cet univers tumultueux, pour les Chevaliers et pour eux-mêmes. Il est alors capital de pouvoir se faire comprendre! Des esclaves et des maîtres, de ceux dont on dépend pour avoir la vie sauve et de ceux sur qui on a la toute puissance... On devine le dialecte maltais d'un précieux secours dans ce pandémonium...

Malte dimech
La capitale La Valette : remparts et chapelles
(quartiers du port)

Un tournant décisif va intervenir peu avant l'éviction des Chevaliers par Bonaparte, au moment même où le prestige de l'Ordre de Saint-Jean est en plein déclin, ce qui n'est certes pas un effet de pure coïncidence hasardeuse. En 1764, naît en plein centre de l'île, dans le charmant village de Zebbug (où aujourd'hui, notre ambassadeur a sa résidence privée), un certain Mikiel Anton Vassali, que ses parents destinent à la prêtrise, ce qui, à Malte, et jusqu'à nos jours, n'est pas chose digne d'être mentionnée, tant elle est courante. Vassali a, très jeune, l'instinct national, et se sent frustré par la Babel qu'est l'expression orale et écrite à Malte, où se mêlent, entre autres, le latin, l'italien, le français, des restes d'espagnol et de portugais, sans compter les dialectes comme le sicilien, etc., sa propre langue maternelle n'ayant que la portion congrue... Parti étudier à Rome, il approfondit sa connaissance du latin, mais découvre les langues orientales, dont il comprend de suite les liens avec le maltais. En 1790, il rédige et publie un alphabet maltais, avec un lexique maltais-italien; l'année d'après, il publie un travail qui allait avoir une portée historique : une grammaire maltaise, écrite au demeurant en... latin. En 1797, enfin, c'est au tour d'un dictionnaire, le Lexicon Melitense. Tous ces ouvrages ont été publiés à Rome. Après une existence militante, son dernier ouvrage fut la traduction en maltais des Évangiles et des Actes des Apôtres, publié quelques mois avant sa mort, en 1829. Ce fut le point de départ de la "maltanisation " du vocabulaire religieux, qui devait connaître une influence capitale dans la suite de l'histoire culturelle et politique de Malte. Les Maltais étaient dotés désormais des instruments de base pour la conquête d'une identité linguistique. Tout le XIXe siècle allait retentir de ces combats, dont l'identité alla crescendo avec le temps.

La querelle des Langues à Malte

Nous devrons résister à la tentation de nous étendre par trop sur ce sujet, qui reste un des plus passionnants de l'histoire de Malte, et de celle de la Méditerranée au XIXe siècle, et même, jusqu'au milieu du XXe siècle. Cela nécessiterait une étude bien trop longue et complexe. Il conviendra donc de rester au niveau des grands courants d'idées et d'actions. L'attention des lecteurs algérianistes devra toutefois être attirée sur le parallèle intéressant qui pourra être effectué à plusieurs niveaux entre la situation qui se développe à Malte, et l'aventure a laquelle un nombre de plus en plus important de Maltais participent en Algérie.

A Malte, les Maltais qui, en peu d'années, ont vu s'effondrer le gouvernement des Chevaliers de l'ordre de saint Jean, pourtant installé depuis près de 270 ans, puis partir les Français, d'abord accueillis favorablement, puis chassés comme des occupants destructeurs des traditions locales, se retrouvent, en 1814, "Colonie de la Couronne" britannique, ces mêmes Britanniques en qui ils avaient mis leurs espoirs pour être délivrés du joug français qui s'était substitué à la domination des Chevaliers. Va commencer une longue période de leur histoire, au cours de laquelle, partis ingénument à la recherche de libertés locales héritées de certains moments de leur histoire médiévale, les Maltais vont se retrouver pris dans une lutte non armée, qui devait les conduire, avec bien des à-coups, à la reconnaissance de l'existence de leur nation et de leur culture. Ils furent pourtant littéralement "pris entre deux feux", dans un contexte de plus en plus conflictuel entre la volonté de domination de la Grande-Bretagne sur un territoire considéré par elle comme vital en tant que base navale, instrument de sa puissance transcontinentale, qui faisait des habitants de ce pays des sujets attachés à une vaste forteresse, et la contagion de la fièvre du Risorgimento qui avait gagné la péninsule italienne, aboutissant au royaume d'Italie, plein des souvenirs de l'Empire romain antique, faisant de la petite Malte une dépendance de sa "grande sueur ' sicilienne, et des Maltais, de proches cousins des Italiens, simplement séparés d'eux par quelques avatars de l'Histoire, auxquels il allait être aisé de remédier. Ce modèle de la Rome antique allait bien entendu être porté à son paroxysme avec l'arrivée du Duce au pouvoir.

Au cours du siècle dernier, et plus précisément, vers le milieu du siècle, se développa et s'intensifia à Malte ce qui devint célèbre chez les historiens sous le nom de "querelle des langues". Cette querelle fut déclenchée par l'Angleterre, qui, faute de pouvoir imposer brutalement la langue anglaise (le fiasco de la brève expérience française avait servi de leçon), mena un travail de sape contre la prépondérance générale de l'italien comme langue de culture et de communication. L'anglais fut donc introduit, avec tous les avantages possibles d'ordre administratif et financier attachés à sa connaissance, et en même temps, fut développée l'étude du dialecte maltais, afin de "prendre l'italien en tenaille", et surtout, en vue de couper le cordon ombilical culturel entre Malte et sa voisine latine, qui fut si longtemps son modèle, notamment dans le domaine des arts, mais aussi du droit...

Pour cela, l'Angleterre n'hésita pas à encourager chercheurs et savants, maltais ou britanniques, à travailler sur l'origine du maltais, consacré langue noble remontant au punique, ayant des attaches profondes avec les langues antiques parlées au Moyen-Orient, en particulier avec l'araméen, la propre langue du Christ! Le dessein était d'évidence, d'ôter au maltais ce qui, à l'époque, constituait un handicap majeur, surtout à Malte : l'appartenance au rameau arabe des langues sémitiques. Qui plus est, on donnait au maltais des lettres de noblesse qui en faisaient un rival du latin.

Mais, dans la bourgeoisie maltaise, les éléments les plus cultivés de la population étaient dans leur grande majorité proche de l'italianité culturelle. Ce fut en plus, un moyen de se démarquer de la puissance dominatrice. Ils s'engagèrent dans la lutte pour le maintien de la préférence italienne, en faisant claquer la devise : "Fede di Roma, lingua di Dante", de Fortunato Mizzi, qualifié lus tard de "Père de la Patrie", parce qu'il fut réellement le premier chef politique maltais, à la recherche de l'autonomie de Malte et de son identité culturelle, prise comme faisant partie intégrante de la latinité : la foi de Rome, pour l'affirmation de la catholicité, à une époque qui se souvenait des tumultes du Risorgimento, et la langue de Dante, pour la culture, en se référant à l'un des pères de la civilisation européenne moderne.

Dans cette optique, les italianophiles rejetaient toute appartenance du dialecte maltais à un quelconque punique, et en faisait un rameau dégénéré de l'arabe, survivance quasi honteuse d' une période de domination de l'ennemi héréditaire islamique.

Les Maltais ayant émigré en Algérie se trouvaient alors en situation étrange, assez paradoxale : partis d'un pays soumis depuis toujours à une puissance dominante venue de 1' extérieur, ne s'étant affranchis successivement de leur sujétion à un ordre religieux vestige du Moyen âge, puis d'un occupant révolutionnaire irrespectueux de la foi et des coutumes locales, que pour tomber dans le statut humiliant de colonie, imposé par leur libérateur, voilà que ces éternels dominés et nouveaux colonisés, se trouvaient dans le camp dominant, conquérant, puis pacificateur, organisateur, d'un vaste territoire d'où étaient venus bien de leurs malheurs, au cours de siècles de guerres de course et de razzias de populations... Or même, dans ce nouveau pays, qu'ils abordaient certes pour des raisons bien concrètes de survie (la première vague d'émigration maltaise vers l'Algérie correspond à une période de grave crise économique à Malte, entraînant une véritable disette), mais en renouant d'instinct des liens avec ces Français si honnis, la question du langage fut pour eux à la fois un atout et un handicap. Atout, évidemment parce que les Maltais immigrants, gens des couches sociales les plus humbles, qui ne parlaient bien sûr pas anglais, baragouinaient un peu d'italien, pouvaient se servir de leur langue maternelle, dialecte ou pas, pour se faire comprendre des populations indigènes, les comprendre de même, dans les grandes lignes, et, pour le mieux, pouvaient jouer le rôle d'interprètes, à condition de pouvoir communiquer plus ou moins aisément avec les militaires et fonctionnaires français. Et ce ne fut pas facile. Nombre de noms de famille maltais furent à cette époque déformés par des employés de l'état civil, déroutés par ces patronymes étranges, aux prononciations "impossibles"... On vit de nombreuses fautes, et plus encore, des orthographes phonétiques (ex: Kaoki, pour Cauchi, qui se prononce en effet Kaoki en maltais,etc.).

A ce stade, il est évident que la querelle sur l'appartenance du maltais au punique ou à l'arabe ne se posait guère! Le punique était vraiment trop savant, loin de toute préoccupation. Il y avait l'apparence, et même plus que 1' apparence : le maltais était une langue dérivée de l'arabe, un arabe étrangement mêlé d'italien. Et cela déroutait encore l'employé lambda de l'administration française... Le Maltais était jugé comme un être bizarre, peu engageant, participant de plusieurs mondes apparemment inconciliables : un aspect physique latino-nord-africain, une nationalité inconnue mais sous tutelle britannique, un parler guttural manifestement arabe mais truffé de mots italiens... Et cet être quasi marginal se montrait en plus outrageusement catholique...

Voilà qui posa bien des problèmes!

En tout cas, l'appartenance arabe du dialecte maltais est attestée dans les actes de l'état civil. On trouve ainsi dans des actes de mariage à Alger, en 1852 et en 1855, la présence d'un interprète, destiné à donner connaissance à ceux qui convolent, nés à Malte, des textes du code civil, les futurs conjoints étant mentionnés comme "parlant arabe".

On comprend aisément que ce qui constituait un atout fut également un handicap pour les nouveaux arrivés maltais. Déjà classés au bas de l'échelle sociale, jugés défavorablement en raison de leurs mauvaises manières, ce qui fut sans doute vrai pour nombre d'entre eux, mais non représentatifs pourtant de l'ensemble de la population de l'île, ils comprirent qu'ils risquaient d'être assimilés à la population locale, ce qu'ils ne désiraient aucunement, ayant cherché très tôt à se rapprocher des autres communautés méditerranéennes et à travers elles, de l'élément français, sans pour autant se désolidariser de leurs propres compatriotes maltais. On assiste dans cette attitude à une constante de esprit maltais, hérité à la fois d'un tempérament ancestral et d'une longue habitude de sort contraire qui consiste à être soumis à l'environnement humain, dans une certaine position d'humilité et de discrétion, facilitée par une rare ardeur au travail et au gain, cherchant à se faire oublier, tout en ayant le souci de conserver jalousement ses traditions, s'appuyant sur une foi religieuse très ancrée dans les gestes de la vie quotidienne, et sur un esprit de famille quasi clanique, servi à l'époque par une natalité prolifique aussi forte que chez les musulmans.

Dès lors, le sort de la langue maltaise va connaître un devenir différent en Algérie et à Malte, qui va se manifester surtout après le passage du XIXe au XXe siècle. En Algérie, l'usage du maltais va se perdre relativement rapidement, surtout dans les grandes villes autres que les importantes concentrations de Maltais de l'Est Constantinois. L'école va être le vecteur de la francisation totale du langage, plus même que la naturalisation systématique, à la fin du siècle. L'espacement puis l'extinction des relations familiales avec ceux qui sont restés au pays, feront le reste. La France est d'ailleurs devenue, non seulement un modèle de référence, mais plus encore, le garant d'une vie paisible. Il est certain que les nouvelles filtrent toujours de l'agitation qui sévit à Malte de façon endémique, avec comme prétexte avéré, la bataille autour de l'italien et du maltais. Entre temps, en effet, les Anglais ont réussi leur opération en ce qui concerne leur langue : elle est devenue indispensable à tous les Maltais qui veulent faire une carrière dans l'administration, ou, plus généralement pour tous ceux qui sont en contact quotidien avec les Anglais. L'italien résiste seulement dans certains domaines comme ceux de la culture, des arts, du droit. Ce sera la langue des tribunaux à Malte jusqu'en 1932! L'action entreprise par la section maltaise de la célèbre société Dante Alighieri fournit un travail considérable. Les Anglais finiront par l'interdire dans les années trente.

Mais, entre temps, les efforts pour dégager le maltais de sa modeste condition de langage mineur, à usage domestique, ont fini par porter leurs fruits. L'importance de ce parler émerge, d'abord timidement, puis de plus en plus emphatique, comme seule véritable expression d'une mentalité nationale. Les partisans du maltais s'attaquent bien entendu, beaucoup plus à ceux qui sont italianophiles qu'aux anglophiles. On s'accommode de ces derniers, tout simplement parce que Malte dépend de l'Angleterre et que les Maltais sont des loyalistes dans l'âme, même si cela peut parfois être dur. Les Italiens qui se manifestent de façon bien trop intempestive comme des "grands frères" des Maltais, provoquent ironie et colère. La Deuxième Guerre mondiale fera d'eux des ennemis honnis. Les Maltais auront alors oublié leurs quatre fusillés des émeutes nationalistes de 1919, au lendemain de la Première Guerre. A cette époque, on fusillait beaucoup dans le Royaume-Uni... en Irlande et aussi à Malte... Mais, les souffrances endurées par le peuple maltais du fait des uns et des autres ne peuvent être comparées. Malte, jusqu'en 1943, subit un véritable martyre. C'est dans le fracas des bombardements que prit fin la "querelle des langues".

Quelques éléments d'approche de la langue maltaise

Le lecteur algérianiste devrait être intéressé par une approche technique du maltais, qui ne peut pas ne pas lui rappeler, s'il a l'occasion de se rendre dans ce pays auquel le rattachent tant de souvenirs, l'environnement sonore de "Là-Bas". Par contre, cette familiarité cesse dès que le même lecteur a la curiosité de se pencher sur un texte maltais, car là, en général, il y perd... son latin! Et pourtant, curieusement, alors que le parler maltais le plonge dans 1' Afrique du Nord (à vrai dire, le maltais évoque plus l'arabe tunisien que 1'arabe algérien, et c'est peut-être aussi une des nombreuses raisons qui font que les Maltais de Tunisie ont gardé infiniment plus de liens linguistiques avec Malte que les Maltais d'Algérie, mais cette comparaison entre les deux communautés maltaises sœurs et voisines, mériterait à elle seule une étude spécifique), le maltais écrit se détourne de l'alphabet arabe, pour intégrer quasiment à 100 % l'alphabet latin, seules trois consonnes, le 'c", le "g" et le "z" se présentant d'une part comme telles; d'autre part, écrites avec un point au-dessus d'elles, ce qui en change la prononciation.

D'autre part, dans certains cas, la lettre "h" voit sa partie haute barrée d'un trait oblique.

Le maltais, dont on a dit et redit l'appartenance à la famille des langues sémitiques, est donc écrit en caractères latins, et se lit de gauche à droite, comme les langues occidentales et non de droite à gauche.

Par contre, sa prononciation et sa syntaxe sont sémitiques. La structure de ses mots est elle-même sémitique. L'orthographe du maltais a en outre profondément varié en relativement peu de temps. Curieusement, voire paradoxalement, le maltais ancien est plus proche des langues romanes que le maltais récent. Mais, à la réflexion, ce paradoxe n'en est pas un et s'explique aisément, et ce, par des considérations autres que simplement linguistiques. A l'époque ou le maltais n'est pas officiellement écrit, mais où l'on dispose de quelques textes ou même de simples cartes, avec des noms de lieux, villages ou autres, qui maintiennent fortement l'empreinte arabe (omniprésente dans tout le vocabulaire géographique), on voit des mots et noms maltais "italianisés" pour en faciliter la lecture même et bien sûr, la prononciation. Il apparaît comme évident qu'à l'époque, toutes les personnes quelque peu instruites parlent couramment l'italien. Les mots maltais sont donc imprégnés d'italien dans leur orthographe, et pas seulement au niveau de leur suffixe. Puis, lorsque le maltais se dégage peu à peu comme une véritable langue au cours du siècle dernier, 1'influence de l'italien reste vive sur le plan culturel. Il n'y a alors pas d'opposition insurmontable entre le maltais et l'italien, ce que n'ont sans doute pas compris les partisans de l'italianité culturelle de Malte, qui ont voulu maintenir leur propre langue maternelle à un niveau de simple dialecte déprécié, engageant sans sen rendre compte un combat sans issue contre leur propre conception de l'indépendance nationale. Ils n'ont pas saisi l'occasion de souligner qu'italien et maltais partageaient, de par l'histoire, de nombreuses racines de vocabulaire, même si ces deux langues restent d'essence différente, affinités dont 1' anglais était et reste dépourvu.

L'évolution dramatique de la querelle des langues sur le plan politique, les arrière-pensées italiennes, avec des vues sur Malte sans doute incompatibles avec l'indépendance de ce pays et son identité culturelle, les ravages enfin causés par la guerre, ont fait que la question de la langue maltaise a été politisée à outrance depuis un demi-siècle, et que cette politisation s'est introduite jusque dans la grammaire et l'orthographe du vocabulaire maltais. Il s'est produit à Malte, en raison des avatars politiques de ce siècle de fureur, une véritable épuration sémantique et linguistique. Ce fut une chasse aux vocables "latins", assimilés à des agents fascistes. Partout où on l'a pu, on a remplacé des consonnes comme le "c" par un "k", des "i'" par des "J", etc. Il s'ensuit que l'orthographe des mots maltais a sensiblement évolué dans le sens de leur orientalisation. Là où les vocables existants ne rendaient pas assez compte d'un sens, on a carrément implanté des mots arabes. Il est évident que le maltais, antique langage, est beaucoup trop récent dans sa formulation écrite pour ne pas être vulnérable et sensible a des fluctuations étrangères à la science des mots. On le sait : les guerres sont de plus en plus culturelles. Culturelles, elles font de plus en plus appel à la sémantique. Pour Malte, il convient de ne pas perdre de vue que l'alphabet national fut finalement codifié par les soins de l'Association des Écrivains maltais, en 1934. En pleine période de troubles politiques à Malte et en Méditerranée.

L'autorité la plus reconnue en matière de langue maltaise, le professeur joseph Aquilina, de l'université de Malte, (ce qui ne l'empêche pas d'être critiqué minutieusement par toute une série d'auteurs), constatait en 1973, dans un ouvrage consacré à la structure de cette langue, qu'elle additionnait plusieurs influences, aux niveaux mêmes de la phonétique, de la morphologie et de la syntaxe, en expliquant ce cumul par la situation d'un peuple chrétien vivant à mi-chemin de l'Afrique du Nord et de la Sicile, qui avait développé ses caractères propres, à base sémitique, certains totalement indo-européens, d'autres mi-sémitique, mi-indo-européens. Cette considération s'explique par l'histoire des des Maltais, faisant de leur langue, unique cas à la croisée des chemins entre Occident et Orient, un langage composé d'éléments sémitiques et romans, mais donnant essentiellement une langue sémitique, appartenant historiquement au groupe des dialectes d'Afrique du Nord, dont elle a été coupée vers 1224, lorsque les musulmans, qui s 'étaient emparés de Malte en 870, et qui étaient restés dans l'archipel depuis la conquête normande en 1090, en furent chassés par Frédéric II de Sicile, mettant fin leur influence linguistique que, et introduisant d'autres données de vocabulaire, ainsi que, sur le plan ethnique. Cette mixité de grammaire et de vocabulaire est parfois critiquée dans un domaine où les controverses restent des plus vives, dans un foisonnement d'études critiques, débordant d'ailleurs le cas de Malte, et impliquant de très nombreux auteurs et chercheurs centrés sur le monde arabe et le Moyen-Orient. La question a notamment été abordée à plusieurs reprises, dès le premier Congres d'études des Cultures méditerranéennes d'influence arabo-berbère, qui s'est tenu à Malte en 1972, et dont les Actes ont été publiés à... Alger en 1973.

Il est à noter que tous les auteurs traitant du sujet et mettent en avant l'expulsion des musulmans après près de quatre sièges de présence à Malte, dont deux de domination politique pour expliquer, par cette seule rupture, l'intrusion de vocables romans dans la langue maltaise. Curieusement, personne ne semble avoir pris pour sujet de réflexion que ce phénomène de bouleversement politico-ethnique est aussi valable pour la période ayant précédé la conquête islamique, et qu'il serait étrange de laisser croire que les Maltais parlaient arabe... avant l'arrivée des Arabes. La langue arabe est bien à la base même du maltais que nous connaissons. Il n'en demeure pas moins qu'il existait nécessairement avant 870, et que ce n'était pas de l'arabe, pas plus d'ailleurs que les dialectes des populations d'Afrique du Nord avant la conquête musulmane. Et là, il y a tout lieu de penser qu'il s'agissait d'un dialecte punique.

Des études ont même été menées sur le point de savoir si une influence berbère avait pu se produire à Malte, concurremment à l'arabe. Mais, la recherche a été vaine, l'apport culturel du berbère à l'arabe de Malte étant pratiquement nul, en dépit de l'hypothèse de l'intrusion d'éléments ethniques berbères, dans le cadre de la conquête islamique, et dont la présence a été attestée en Sicile à la même époque (les Hawwâra, Luwâta, Kutama...).

Par contre, on peut mener avec succès, semble-t-il, une recherche sur les recoupements qui peuvent être opérés entre origine apparente des mots et concepts représentes par ces mêmes mots. Ainsi, on peut aisément constater que tout ce qui a trait au concret, au quotidien, est de façon très large, tiré de l'arabe: la liste serait très longue de ces mots que l'on entend dans la rue, au restaurant, etc. Il n'y a qu'à consulter les petits lexiques annexés aux bons guides sur Malte... Par contre, les concepts abstraits font bien plus appel aux termes d'origine romane, même si l'orthographe en vigueur en a quelque peu déforme l'écriture, la rendant moins lisible pour nous, latins...

Il ne peut être bien entendu question, dans cette présente chronique à vocation "généraliste" de se lancer dans des débats techniques de haute volée, au demeurant complètement hors de la compétence de l'auteur. Il suffit de mentionner qu'il s'agit d'une question particulièrement complexe, à haute capacité de contestations de tous ordres, passionnante et dangereuse, car se développant dans un secteur particulièrement sensible, où la science n'est jamais tout à fait exempte d'a priori extrinsèques, à base de choix de civilisation. Mais, sans doute, méritait-elle d'être abordée et replacée dans son contexte historique. Nul doute qu'en son temps, Laurent Ropa, en contacts constants avec les écrivains et poètes maltais, qu'il fit connaître et apprécier de Randau, au fait des nouvelles de Malte, animant un périodique visant à regrouper des Constantinois d'origine maltaise, et à leur insuffler un peu de l'amour qu'il portait à sa patrie de naissance, vibrant du combat qu'il entendait mener contre ceux qui paraissaient mettre sous le boisseau les capacités culturelles de Malte, appelant à la rescousse ses amis algérianistes parce qu' ils lui semblaient être ceux qui étaient porteurs d'une vérité d'avenir jaillie du terreau d'un passé multiple, mesurait la portée de ces travaux, sans être pour autant un technicien grammairien, spécialiste de l'origine et de l'évolution de langues, ni un expert en philologie comparée.

Aujourd'hui, l'intérêt de cette question peut paraître d'ordre purement historique. Il n'en est rien. Outre le fait que 1'algerîanisme vit, certes d 'une vie nouvelle, conditionnée par le contexte que l'on sait, mais toujours fidèle en esprit à ces pionniers. Malte, apaisée par la conquête pacifique de son indépendance, toujours sollicitée par les deux univers qui se sont penchés sur son berceau, souvent de façon abusive, mais qui l'ont façonnée, reste un élément-clé dans nos recherches d'anthropologie culturelle. Osons l'expression, Malte doit constituer un "pôle algérianiste", à raison même de ses nombreux liens humains avec nombre de membres de la communauté pied-noire qui portent en eux sa marque ancestrale, et avec lesquels il devrait lui être possible aujourd'hui de renouer des liens profonds, notamment linguistiques, à l'heure où, en France, on cherche a aider la diffusion de toute une série de dialectes, même non assortis de base territoriale pour ceux qui les parlent.

Malte ne devrait pas être laissée à l'écart de ce mouvement, d'autant plus qu'elle représente toujours un cas pratiquement unique de point de rencontre entre Orient et Occident en tant que terre d'ouverture, île carrefour, mais qui a su jusqu'à présent se garder elle-même de l'excès de dénaturation qu'implique, hélas! une évidente dépendance économique, assortie d'un trop grand succès touristique. Malte monte tranquillement la garde sur elle même et doit pour cela nous inspirer le respect, en s'appuyant sur ses deux bases fondamentales que sont sa langue et sa religion. Elle partage la première avec toute une série d'ensembles humains aux intérêts opposés. Par la seconde, elle plonge dans l'univers de la catholicité, dont elle paraît aujourd'hui, non une parcelle infime, mais un fleuron.

A cet égard, face à cette double clé d'identification, terminons cette étude d'approche de la langue maltaise à l'usage algérianiste, en citant un des spécialistes de la question, L. P Trimble, dans 1' article de linguistique qu'il a consacré en 1973 aux termes religieux maltais, dans le "Journal of Maltese Studies", édité par l'université de Malte : "Les trois prières les plus récitées à Malte, que sont "Il-Missierna" ou "Notre-Père", "Il-Kredû" ou "Symbole des Apôtres" et "Il-Sliema" ou "je vous salue, Marie" utilisent un mélange de termes romans et sémitiques dans une même phrase; le développement lexical et morphologique est sémitique, mais le plan de la syntaxe et de la conceptualisation est roman, calqué sur l'italien, sans exclure l'existence de doublets : un sémitique, et l'autre roman. Et ce mélange, qui n'est pas un métissage, étant unique en son genre, on peut en déduire qu'il caractérise... la spécificité absolue de Malte. Pourtant, si effectivement, les textes religieux maltais ont une rythmique qui ne les distingue pas des textes romans (latins, italiens, français) dont ils sont tirés, il faut être un linguiste des plus avisés pour repérer des mots d'origine romane dans ces textes, singulièrement les prières. Celles-ci paraissent, tout au contraire, être littéralement "expurgées" au maximum des apports "extérieurs", notamment à consonance romane. L'explication peut en être trouvée dans l'incontournable rôle de l'Église maltaise et de la religion dans la création, puis la défense d'une mentalité nationale.

On ne sait où Randau et Ropa poursuivent leur dialogue fraternel et chaleureux, mais on gagera que Randau doit envier Ropa...

Pierre DIMECH
(dessins de l'auteur)

in l'Algérianiste n° 87 de septembre 1999

Repères bibliographiques

-"Afrique", revue des Ecrivains algérianistes : n° 144, 146 et 147.
-Joseph AQUILINA : "Teach Yourself Maltese" (Londres, 1965).
-Carmen DAUGA-GALEA : "Apprenez le maltais" (Neyzac, 1986).
-Pierre DIMECH : "Contribution à l'étude de l'histoire politique et constitutionnelle de Malte"
-"L'éveil du nationalisme maltais" (thèse Paris 1973, 400 pages, dactylo.).
-Pierre DIMECH : "Laurent Ropa" ("L'Algérianiste ", 1980), et autres articles sur Malte et les Maltais repris in "Si jamais je t'oublie, Algérie".
-Marc DONATO :"L'émigration des Maltais en Algérie" (Montpellier, 1985).
-Giovanni MANGION : in "Melita Historica" revue de la "Malta Historical Society" (Malte, 1974) : A bibliography of Maltese (1953-1973), 28 p. de bibliographie commentée.
-Robert RANDAU : "Lettres à Laurent Ropa 1932-1938" (29 manuscrits, collection personnelle de Pierre Dimech).

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