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Le Grand Triathlon de Versailles

Écrit par Jean Brua. Associe a la categorie Humour

Que rabiaL'humeur de Dodièze

 

recueillie par Jean Brua

On a trouvé  un certain sel à voir s’abattre sur un vieux terroriste édenté (« ce pelé, ce galeux d’où nous vient tout le mal ») l’opprobre vertueux de ceux qui se montrent si indulgents, sinon complaisants, à tant d’autres « notables » du terrorisme de notre temps. Y aurait-il de bonnes et de mauvaises bombes ? Cette unanimité à l’encontre du Guide (en allemand : führer) de la Libye le ferait presque prendre en pitié, si les circonstances cocasses de son séjour à Versailles n’incitaient plutôt à la dérision. Et l’on sait Dodièze maître en cet exercice autant qu’en malentendus, fourchements de langue et rabias conséquentes.

 

Le Grand Triathlon de Versailles

DODIÈZE - Les télés et les jornals, c’est toujours la même chose. Rien qu’i nous font le tam-tam, la raïta (1) et les qarqabous pour assaoir quoi d’l’actualité future. Et le jour que ça arrive, ouallou complet. Çuilà qu’i veut savoir comment qu’ça s’est fini l’affaire, mieux qu’i serche chez Azrine (2) !

J.B. - Mais de quoi parlez-vous, là ? Quel événement vous a laissé sur votre faim ? Le mariage du président, le prix Goncourt ?...

DODIÈZE - Justement, le prix qu’on court, qui c’est qui l’a gagné ? Tout le monde i z’ont parlé du Grand Triathlon de Versailles et personne il a dit le résultat...

J.B. -  Le... Le grand triathlon ? À Versailles ? Vous êtes sûr ?

DODIÈZE - Sûr que je suis sûr, qu’est-ce tu croiques ? Même qu’on l’a fait venir du fin fond d’la Libye un simili-Mimoun d’la course de fond. Alors y’a que toi qu t’i’as pas entendu qu’on l’avait invité Mouammar Kadhafi au Grand triathlon de Versailles, diocane à madone !

J.B. (atterré) - Mamanmille ! Vous avez tout faux, Dodièze ! Pour Kadhafi, encore, c’est vrai qu’il ne manque pas de souffle, comme coureur de fond de l’agitation internationale, mais comment pouvez-vous confondre triathlon et... Enfin, même si vous vous intéressiez davantage au palais du Dey d’Alger, vous ne me ferez pas croire que vous n’avez jamais entendu parler du Grand Trianon de Versailles !

DODIÈZE - Alors là, scuse-moi que c’est toi que tu l’as tout faux. À un vieux babelouédien comme Dodièze, tu vas le dire que le Trianon, c’est à Versailles ? Et pétrête aussi que les scaliers Marengo , c’est à Montmartre ? Le Trianon, Monsieur, y’en a qu’un : c’est le cinima d’l’avenue de la Bouzaréah à Bablouette que si tu l’aurais pas -t-été un moins le quart de boudjadi à l’époque de Tom Mix (3), tu les aurais vus les vingt-six épisodes sourds-muets, a’c juste un piano cadeau du marché d’Chartres (4) pour la musique du film...

J.B. - Certes, je me découvre à la mémoire de ce monument algérois du cinématographe... Mais j’insiste, Dodièze. Le Grand Trianon de Versailles n’est ni un cinéma, ni une compétition sportive. C’est l’un des plus beaux palais de la République, depuis que celle-ci l’a rénové pour recevoir des chefs d’État étrangers.

DODIÈZE (frappé d’une illumination) - Alors c’est ça ! C’est pas un coureur à pied, ce Kadhafi qu’on l’a parlé à la télé... Bien sûr, c’est un chef d’Etat, ou roi, ou sultan. Et qu’est-ce qu’il a venu faire en France ? Il est pas malade, aussinon on l’aurait mis lui aussi dans le palais du Val-de-Grâce, au lieur de ce Trianon que je m’ai trompé le nom avec le triathlon.

J.B. - Malade, lui ? Jamais. Aussi increvable que les pierres de son désert. Non, il est venu tout simplement faire son marché...

DODIÈZE - Marché arabe, pardi. Méteunant j’le comprends pourquoi qu’à la télé, i z’ont montré une grande tente devant le château. Moi, bourricot que j’étais, j’le croyais que c’était pour la distribution des dossards du triathlon. La vérité, c’était pour les moutons du marché arabe !

J.B. - Hum ! Après tout, c’est un peu ça. C’est bien sous cette tente que se sont déroulées certaines tractations, sauf qu’il ne s’agissait pas de moutons, mais d’avions de combat, d’hélicoptères, de canons, de radars. Et pas pour des figues. Il est question de 10 milliards d’euros.

DODIÈZE - 10 milliards ! Zec (5) ! Les moutons, ça lui aurait coûté moins cher.

J.B. - Oui, et à nous aussi. Parce que les moutons, ça ne risque pas de mordre quelqu’un. Tandis que les canons, il arrive que ça tire dans le mauvais sens...

DODIÈZE - Tu veux dire que ton Kadhafi, on lui a vendu des canons à tirer dans les coins ?

J.B. - Non, je veux parler des obus transformés en bombes qui explosent dans les avions. Ou n’importe quel autre tour de falso (6). Mais on nous assure que le loup s’est fait agneau. Vous croyez ça possible, vous ?

DODIÈZE - Qu’un loup, un renard ou un chacail i peut se sanger en agneau ? Même pas dans les fabes de Kaddour (7), diocane ! Alors ça c’est terribe ! Méteunant ça me revient tout les zouzgueffs (8) qu’il a fait l’aute : le coup du parapluie bulgare...

J.B. - Non, pas parapluie, « infirmières »... Le coup des infirmières bulgares.

DODIÈZE (de mauvaise foi) - Parapluie, infirmières, yaourts... rien que du bulgare, non ? Alors arrête un peu à m’interromper. Qué rabia ! I t’a pas dit, ton père, qu’i faut respetter à les cheveux blancs, ça veut dire pas les couper en quat’ et laisser marcher à leur langue sans léver sa sienne ? Si j’ai dit parapluie au lieur d’infirmières, c’est parce que ma mienne elle a glissé dessur une peau de tramousse. Pas de quoi qu’on fait un tchaklala (9) ! Tous pareils, vous les jeunes. La dernière fois, c’était Gongormatz (10). I m’a monté l’aubergine à rapport un dérapage de langue, et après, mon fils Roro, grâce à Dieu merci mon Dieu, i l’y’a donné sa mère et sa grand-mère pour venger l’honneur à nouzôtes. C’est toujours comm’ ça qu’ça commence, les guerres. Et la nôte de moi et Gongormatz, si on aurait été en Corse au lieur de Bablouette, manque (11) elle serait finite aujord’hui !

Jean BRUA



dodieze121
Dessins de l'auteur)

 

Splications

1) Raïta : flûte arabe ; qarqabous : castagnettes en fer de nomades.
2) Chez Azrine : au diable. 
3) Tom Mix : héros de westerns au temps du muet.
4) Marché de Chartres : référence de la brocante bas de gamme.
5) Zec ! : Diantre !
6) Falso : faux-cul.
7) Kaddour : auteur apocryphe de fables en sabir (écrites en réalité par Eugène-Edmond Martin).
8) Zouzgueffs : coups tordus. 9) Tchaklala : scandale, tapage.
10) Gongormatz : père de Chipette dans « La Parodie du Cid ». 
11) Manque : formule de négation.

    Les chroniques de Dodièze (1999-2005) ont fait l’objet d’un recueil (QUÉ RABIA !) aux éd. Jacques Gandini

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