Imprimer

Antantion ! les oilà qu’i reviennent les Turcs !

Écrit par Jean Brua. Associe a la categorie Humour

Que rabiaL'humeur de Dodièze

 

recueillie par Jean Brua

Le vent de l’Histoire, dont on nous rebat les oreilles depuis assaoir quand, a la particularité de ne pas toujours souffler dans le même sens. On le dit alors « tourbillonnant », ce qui impose à l’Histoire elle-même, passagère du vaisseau ivre, des louvoiements périodiques. Ainsi un cap « positif » peut-il virer « négatif » sans qu’on ait le droit d’y trouver à redire. Sauf si le capitaine s’appelle Dodièze. Ce n’est pas à lui qu’on peut faire admettre que bâbord s’est changé en tribord, la proue en poupe et les Turcs en Algériens. Chacun à sa place, diocane !

 

Antantion ! les oilà qu’i reviennent les Turcs !

 

DODIÈZE - Asma (1), ya Djib !

J.-B. (regardant autour de lui) - C’est moi que vous appelez Djib ?

DODIÈZE - C’est pas moi qu’il appelle, c’est toi. Qui c’est qui les signe « J.B. » les p’tits dessins d’la mauvaise humeur de Dodièze, hein ?

J.-B. - Heu… Mais oui, bien sûr. « J.B. » peut s’entendre Jib, ou Djib, pourquoi pas ? Finalement, j’aime assez ce pseudonyme. Je veux bien que vous m’appeliez ainsi, cher Dodièze. C’est plus court que « Fils à Edmond »…

DODIÈZE - C’est plus court, sauf si je le rajoute « Ouallou » comme nom d’famille. « Djib Ouallou » (2), t’ias compris l’illusion à les interviouves que tu m’les tapes aouf (3) et au live des rabias que j’attends toujours qu’on fait des mitches (4) a’c les droits-z’auteurs…

J.-B. (embarrassé) - Hum !… On en reparlera quand ils auront commencé à épaissir.

DODIÈZE (grand seigneur) - Gardez la monnaie, SVP ! C’est à de rire que je la fais la réclamation. Je vas pas moutchouter (5) a’c le fils à Edmond pour les rabias qu’i me font monter tous ses falsos de collègues journalisses, spiqueurs de télé, storiens à la zdag (6) et assaoir qué bouleur (7) que nous z’autes de l’Algérie d’avant on leur sert de têtes de Trucs !

J.-B. - Vous voulez dire « de Turcs » ?

DODIÈZE (un doigt sur les lèvres) - Je veux dire, mais je dis pas. Déjà qu’i se tiennent le bœuf (8) depuis presque deux sièques qu’on les a mis dihiors l’Algérie, antantion à pas les revesquer, juste le moment qu’on va les mett’ dedans l’Europe !

J.-B. (goguenard) - Diable ! Je ne vous savais pas aussi diplomate ! Mais c’est loin d’être fait. Après le déraillement de Constitution, ce n’est pas le Grand Mammamouchi qui va remettre l’Europe sur la voie.

DODIÈZE (agacé) - Je parle sérieux, diocane ! T’i’arrêtes un peu à faire le tchoutche (9) ? L’embrouille de l’Algérie, d’la Turquie et d’la France, encore tu la connais pas ? Si c’est pas malheureux que c’est Dodièze qu’i faut qu’i te splique comment qu’elle tourne en rond, l’Histoire…

J.-B. - Ah, mais je ne demande qu’à m’instruire, moi ! Et depuis l’affaire du sceau d’Hussein (10), je ne doute plus de votre compétence sur le théâtre d’Orient.

DODIÈZE - Laisse tomber le triâte, le seau et même le balai et coute un peu comment qu’on l’écrit l’Histoire avec une grande hache. T’le connais quâ même à Barberousse, çuilà qu’on l’a donné son nom à la prison d’Alger, à rapport que c’était le plus grand sacatrape (11) de la Merditerranée ?

J.-B. - Et comment ! Qui ne connaît pas Baba Aroudj, alias Barberousse ?

DODIÈZE - Qui qu’i le connaît pas ? Eh ben, une magataille (12) des gens, et même des storiens bourricots qu’i se croyent que c’était un Algérien de naissance comme nouzôtes. La vérité, c’est qu’i z’étaient grecs, lui et son frère qu’on l’appelait Kheir Eddine, non ?

J.-B. - Votre érudition est sans faille, Dodièze. Vous en remontreriez à bien des journalistes qui reprennent la fable de l’algérianité de ces fameux corsaires, alors qu’ils n’étaient que des renégats au service du plus offrant.

DODIÈZE - Et oilà ! Encore le sultan d’la Turquie ! Pluss pire que Fantômas, il était, çuilà ! Jamais on le oit, rien i dit, mais tout i commande !… Quâ même, au pluss je réchéflis, au pluss je me pense dans ma tête que c’est sa faute à lui si nouzôtes d’aujord’hui on est des rapatriés…

J.-B. - Vous allez un peu loin. Quel rapport entre la guerre d’Algérie et la Turquie des années 50 ?

DODIÈZE - Le rapport, c’est pas les années 50, mais 30…

J.-B.. - Allons donc ! En 1930, Mustapha Kemal (13) ne se souciait pas de l’indépendance de l’Algérie, qui était alors aussi française que la Turquie était turque.

DODIÈZE (excédé) - Qué 1930 ? 1830, je parle, moi ! La vérité storique, c’est que, la faute à les mafiosistes du sultan, Barberousse, Kheir Eddine, le dey d’Hussein Dey qu’i z’avaient monté la caverne d’Ali Baba à Alger, elle leur a venu la rabia l’un après l’aute à tous les volés : l’empereur Arlequin (14), le roi du Soleil, l’arrière-arrière grand-mère à la reine d’Angleterre d’aujord’hui. Tous i’z’ont fait tchouffa(15), mais pas le roi Charles de la France (pas çuilà d’la Gaulle, hein !), qu’il a fait la spédition a’c la flotte, l’armée et nouzôtes derrière pour inventer les brochettes, le Sidi Brahim, l’anisette, la calentita (16), le céféra et le pataouète. Résultat : plus des Turcs, plus des pirates, plus des esclaves ni des rançons. Tout le monde il a plaudi, mais 1,32 siècle après, dihiors nous aussi et marqu’ dommage comme remerciement ! Si on aurait su qu’on viendrait dindons d’l’affaire, on aurait pas venus, diocane !
  
Jean Brua



PachaQ3
(Dessins de l'auteur)

 

Splications

1) Asma ! : Écoute !
2) Djib ouallou : donne que dalle.
3) Aouf : gratis, à l’œil.
4) Mitches : partage moitié-moitié.
5) Moutchouter : marchander.
6) À la zdag : n’importe comment.
7) Bouleur : menteur.
8) Bœuf : colère rentrée.
9) Tchoutche : raie pastenague (par ext. : imbécile)
10) Cf Algérianiste (mars 2003)
11) Sacatrape : mauvais garçon, voleur.
12) Magataille : grande quantité.
13) Mustapha Kemal (dit Ataturk) : chef d’État, père de la Turquie moderne.
14) Arlequin : lapsus pour Charles-Quint.
15) Tchouffa : échec, long-feu, foirade.
16) Calentita : crêpe ou tourte de farine de pois-chiche.

    Les chroniques de Dodièze (1999-2005) ont fait l’objet d’un recueil (QUÉ RABIA !) aux éd. Jacques Gandini

Vous souhaitez participer ?

La plupart de nos articles sont issus de notre Revue trimestrielle l'Algérianiste, cependant le Centre de Documentation des Français d'Algérie et le réseau des associations du Cercle algérianiste enrichit en permanence ce fonds grâce à vos Dons & Legs, réactions et participations.