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ANDRÉ Greck : Sculpteur 1912-1993

Écrit par Elizabeth Cazenave. Associe a la categorie Sculpture

ANDRÉ GRECK
Sculpteur
1912-1993

André Greck, mort à Paris le 11 octobre 1993, résistera à l'oubli; ses œuvres, si elles n'ont pu être réunies en une fondation, sont aujourd'hui conservées dans différents musées en France, grâce à la généreuse donation de ses enfants.

Les sculptures, bustes de personnalités politiques, témoins de notre histoire – buste du capitaine Sergent, buste de Bastien-Thiry – accompagnant des célébrités de la chanson – bustes de Georges Brassens et Jacques Brel – et des œuvres plus anonymes mais non moins impressionnantes par leur qualité ont quitté définitivement la rue de Castagnary, atelier parisien de l'artiste, pour rejoindre définitivement le Musée municipal de Boulogne-Billancourt (qui travaille à la rédaction d'un catalogue), le Musée de l'Armée à Paris, le Musée Despiau-Wlérick de Mont-de-Marsan, le Musée des Beaux-Arts de Bordeaux, le Musée de l'Algérie française à Perpignan et enfin la Maison des Rapatriés récemment ouverte à Aix-en-Provence.

Né le 24 février 1912 à Alger, les origines d'André Greck sont maltaises; il définit lui-même son engagement artistique:

71 P109"Depuis l'âge de quatorze ans, plutôt que de faire des études secondaires, j'ai préféré m'adonner entièrement à la sculpture. A la façon d'un David d'Angers (talent mis à part), qui serait né à Alger. Mes recherches ont abouti à un classicisme dont les sources remontent aux plus hauts sommets ".

La passion de l'art si elle était ancrée en lui dès son plus jeune âge avait eu son révélateur. A l'occasion d'une flânerie, le hasard lui avait fait rencontrer un peintre et il se prend à l'imiter devant le regard attendri et étonné de sa mère qui le confie à un maître du ciseau, le sculpteur Alaphilippe. Dans son atelier, I'artiste en herbe gâche du plâtre et s'affaire aux tâches moins nobles du nettoyage.

L'expérience n'est pas concluante et un certain découragement l'habite : le maître va l'éprouver en lui proposant de réaliser la copie d'une tête de Donatello, Niccolo da Uzzano; le charme s'opère, il deviendra sculpteur.

Très vite il se fait remarquer et le gouvernement général de l'Algérie lui décerne une bourse en 1930 afin d'aller poursuivre des études à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris. Celles-ci sont couronnées par de très beaux résultats; il remporte coup sur coup, le ler prix Bridan, le 1er prix du concours Doublemard, la médaille d'argent au dernier Salon des artistes français et le ler prix du célèbre et très disputé concours Chenavard. Son talent très personnel s'affirme durant six ans dans l'atelier de Jean Boucher aux Beaux-Arts, il va évoluer puisqu'il n'a que vingt-trois ans, ce qui l'autorise à penser aux plus brillants espoirs, bientôt récompensés par le premier grand pnx de Rome en 1936.

L'année précédente, il était monté en loge pour 66 jours de réclusion volontaire, afin de réaliser un Christ dépouillé de ses vêtements. A l'unanimité des suffrages il obtient le grand prix, au premier tour, avec un Chrétien livré aux bêtes sous Néron, sujet religieux, d'une vérité expressive douloureuse.

Cette haute récompense pour la première fois, est attribuée à un enfant d'Algérie.

André Greck part pour la Ville Eternelle; il est dégagé des soucis matériels pendant trois ans; il s'inscrit . dans une noble ligné qui a compté Girardon, Coustou, Bouchardon, David d'Angers, Carpeaux, Falguières, Barrias.. .

Animé comme ces illustres prédécesseurs d'un sentiment de la beauté portée à sa plus haute expression, son œuvre sculptée s'affermit.

Peu après, au contact de la Grèce il est touché par le rayonnement d'un âge d'or.

Son pays natal après la merveilleuse expérience romaine le rappelle pour d'importants travaux:

Le fronton de scène à l'Opéra d'Alger, une Jeanne d'Arc d'El Affroun en 1942, le monument de l'usine hydro-électrique de l'Oued Agrioun, le monument aux morts de l'Ecole Normale d'Alger, un bas relief à l'école Lallement d'Orléansville, un bas-relief au Iycée de jeunes filles de Kouba (1958), un Apollon en bronze pour l'Ecole Nationale des Beaux-Arts d'Alger (1958).

André Greck vit dans une sorte d'incertitude et de perpétuelle interrogation intensifiées par les temps instables que traverse son pays. Une confusion dans le domaine de l'art s'avive: on rend hommage aux pseudo-artistes.

Ce qui faisait écrire à Robert Randau:

"Je me demande comment ces manœuvres du pinceau et du ciseau, ces détraqués de la matière grise comment ces ridicules trublions de la sérénité de l'art, parviennent à une telle conception de l'homme et de la nature ".

André Greck le confirme:

71 P111"Etant en Algérie jusqu'en 1962, je n'ai pas suivi l'évolution, ni subi aucune influence d'artistes contemporains et je ne le regrette pas, à une époque où il existe une telle confusion dans les arts ".

Rapatrié et nostalgique, il va être pourtant confronté aux conflits modernistes, sans pouvoir achever l'œuvre qu'il avait ébauchée dans la France d'en face. Il quittait ses camarades L. Bénisti, Brouty, Jean Launois, Bascoulès, Tiffou, Sauveur Galliéro, René-Jean Clot, Rafael Tona...

Il se rapproche dans la capitale du sculpteur Paul Belmondo, futur membre de l'lnstitut.

L'intérêt passionné pour son art le soutient; il a la volonté de le transmettre à ses élèves lorsqu'il est nommé professeur à l'École des Beaux-Arts de Paris; il les engage à résister aux nouvelles tendances abstraites qui font loi à l'Ecole des Beaux-Arts, il sait les persuader et veille sur eux ; il soutient que:

"Un artiste en herbe, c'est comme une braise, il faut éveiller en lui le feu couvant ".

La vie à Paris semble difficile moralement et matériellement; il ne conserve qu'un seul luxe, une très grosse voiture américaine qui occupait une bonne place dans la cour de l'Ecole des Beaux-Arts.

L'œuvre d'André Greck s'inscrit parmi les plus réputées de son époque: la conception de la forme, son ampleur, I'énergie du modelé, son art libre et toujours si profondément humain sont les fruits d'une longue méditation. Alger, Rome, Paris, entre autres, se partagent une production chargée de sens: le monument au Maréchal Juin et ses soldats est édifié Place d'ltalie.

Il a signé le bas-relief du château de Champs-sur-Marne, le Mémorial aux Français d'outre-Mer à Nice, enfin la statue de Mgr Affre, rapatriée en 1962 aujourd'hui à Saint-Rome-sur-Tarn.

Signalons, pour terminer, que l'atelier d'André Greck à Alger était situé à Kouba; il a été nationalisé par l'Etat Algérien pour en faire une annexe de l'Ecole des Beaux-Arts.

ELIZABETH Cazenave

   in L'Algérianiste n°71 de septembre 1995 p.109

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