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Augustin Ferrando (1880-1957)

Écrit par Christian Germak. Associe a la categorie Peinture

Tous ceux qui connurent Augustin Ferrando en ont conservé un souvenir ineffaçable, d’abord comme homme au caractère droit, protecteur du faible, mais aussi enjoué, aimant rire et indépendant, sachant tourner en dérision ceux qui se croyaient grands. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que dans l’homme, il y a l’artiste, et pour Augustin Ferrando peindre est une fonction aussi naturelle que celle de la parole et un besoin aussi primordial que de se nourrir. Cependant, pour que la parole soit parfaite, il faut un enseignement de la langue ; c’est pourquoi Augustin Ferrando s’est soumis à la discipline de quelques maîtres de l’époque.

Augustin Ferrando est né à Miliana, en Algérie, pays où ses parents venus d’Italie se sont rencontrés, puis ils se sont installés dans cette ancienne cité romaine pour y développer une industrie de pâtes alimentaires, après être passés, pour une première expérience professionnelle, par Blida.

Être d’origine italienne, c’est avoir la sensibilité artistique incrustée dans l’âme. Aussi le père d’Augustin Ferrando, qui aurait préféré voir son fils prendre sa suite dans sa manufacture, ne mit-il pas d’opposition farouche aux vœux artistiques du jeune Augustin. Son attirance était d’ailleurs la conclusion logique de son instinct pour le dessin. Avec pour l’inspirer, toute une jeunesse de rêverie qui se trempait dans le charme changeant de l’Atlas et de l’Ouarsenis (au nom mystérieux de l’œil du monde). Dans un lieu profondément enchâssé dans un écrin bleu émergeant d’un horizon lointain entouré de brume, barré sur le devant par la montagne aux reflets rouges du Zaccar, surmontant la plaine verdoyante du Chéliff qui s’étend en premier plan.

Paysages de rêve qui ouvrent immanquablement toutes les portes de la poésie à Augustin Ferrando lui faisant connaître les délices d’une sensibilité exacerbée, laquelle, pour répondre à son besoin d’expression, le conduira vers la création picturale.

L’enseignement, Augustin Ferrando le recueillera d’abord à l’école des beaux-arts d’Alger, que dirige un ancien élève d’Ingres, Hyppolite Dubois, puis à la célèbre académie Druet. C’est là où un collectionneur, le docteur Rouby, le remarquera et par ses achats, lui apportera une aide substantielle. Il lui présentera également le grand musicien Camille Saint Saëns, amateur d’art et artiste pictural à ses heures, ainsi que Georges Rochegrosse. Trois personnalités qui le pousseront à se présenter au concours d’entrée de l’Ecole des beaux-arts de Paris. Il y est reçu premier sur mille cinq cents élèves. Augustin Ferrando ne peut plus échapper à son destin, il monte à Paris, puis entre chez Cormon qui lui confie le poste de massier.

S’il rencontre Derain, Matisse, Léger, Wlamink, Utrillo, s’il se passionne pour les Fauves, comme pour Cézanne et Gauguin, son amitié le conduit vers Jean-Gabriel Domergue, Albert Camus, Paul Grasser et Marcello Fabri.

Mais sa santé l’oblige à laisser là tous ses amis parisiens et à s’en retourner vers un ciel plus clément, celui de son Algérie natale.

Le bonheur l’y attend avec Henriette Agostini pour un premier mariage duquel naîtra son unique enfant, la petite Paule que l’on verra sur quelques-unes de ses toiles.

Le sénateur-maire d’Oran, Jules Gasser, a décidé de créer dans la ville qu’il administre une école des beaux-arts digne de ce nom. C’est tout naturellement au meilleur enfant artiste de la région qu'il confiera cette tâche : Augustin Ferrando, qui y consacrera dix ans de sa vie d’artiste pour enseigner aux autres et faire de cette école un lieu de rayonnement artistique. Sans pour cela délaisser ses propres créations, dont certaines seront acquises par les musées d’Alger, de Constantine, d’Oran. Quant aux expositions qui lui sont proposées et auxquelles il participe, elles dépassent les grandes villes d’Algérie pour déboucher sur Prague, Monte-Carlo, Vichy et bien évidemment Paris où ses amis les plus fidèles, Albert Camus et Jean-Gabriel Domergue l’appellent.

À l’une de ces occasions, J. Audin du Figaro qui a bien compris l’artiste et son œuvre, écrivait en 1949 : « Il voit grand, il peint clair, il ne travaille qu’à ce qu’il aime, chanter la beauté du corps féminin, la santé de la nature, opposées à nos noirceurs, à nos faiblesses ; c’est un lyrique passionné, un Méditerranéen pour tout dire. Je suis heureux à l’occasion de sa venue hâtive à paris, de dire à ses compatriotes trop souvent tentés de ne croire digne d’approbation que ce qui vient de la métropole, qu’ils ont parmi eux un grand artiste qui les honore et porte haut les couleurs de l’école picturale algérienne ».

Mais ce qui frappe le plus quand on regarde ses œuvres, c’est cet apport d’élégance qu’Augustin Ferrando met dans les formes gracieuses de ses personnages et que la modération de ses couleurs ne fait que renforcer.

Les sujets qu’il choisit appellent le calme, toutefois son tempérament impulsif lui fait mettre ici et là, juste un éclat de couleur qui anime et éclaire une partie du tableau.

Muriel Blandinière a écrit un important et excellent mémoire. Avec la collaboration de Paule Cruveiller, elles ont recensé plus de cinq cents tableaux en Algérie, en France, en Espagne, en Belgique.

Bientôt sortira également un ouvrage dont j’ai l’honneur de préparer la préface et qui sera composé de très nombreuses quadrichromies, faisant ainsi mieux connaître cet artiste aux amateurs. Ce livre que prépare Paule Cruveiller, fille d’Augustin Ferrando, ouvrira une ère d’expositions auxquelles sont conviés les collectionneurs, par des prêts de tableaux, ce dont Paule Cruveiller les remercie très chaleureusement, et au moins donnera une plus-value importante aux œuvres d’Augustin Ferrando.

Christian Germak

In l’algérianiste n° 91

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