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Armand Assus (1982 - 1977)

Écrit par David Darmon-Olivencia. Associe a la categorie Peinture

AIgérois de naissance et fils du célèbre caricaturiste Salomon Assus (Alger 1850 -1919), qui donna ses portraits-charges au " Turco " le journal satirique de l'époque. Les vieux Algérois et leurs descendants ont conservé ces documents qui sont à l'origine du dessin humoristique inspiré par les types caractéristiques de la race algérienne et qui trouvèrent des continuateurs de talent en Edouard Herzig, Drack'Oub, Hans Kleiss et bien d'autres encore. C'était la vogue du moment où est né le " Sabir " et la carte postale se chargea de répandre à travers le monde, scènes et types si fortement " croqués " de la vie populaire algérienne.

II commença ses études artistiques dès son enfance. A 12 ans, il entre à l'école des Beaux-Arts d'Alger que dirigeait Hippolyte Dubois, un élève d'Ingres. Il conservera toujours pour Ingres son pur dessin, ses couleurs, l'admiration que son maître avait su faire naître en lui. Ses premières disciplines datent de cette époque. Puis, Léon Cauvy est nommé directeur de l'école quelques années après.

Ce sont les horizons nouveaux qui s'ouvrent à l'adolescent qu'était Assus. Cauvy encourage ses élèves à plus d'audace et crée autour de lui un mouvement d'émancipation. A vingt ans, Armand Assus va à Paris comme boursier de la ville d'Alger, entre à l'école des Beaux-Arts et y suit les cours de Cormon en même temps que le jeune peintre Louis Robert Antral, avec qui il se lie d'amitié.

Par l'entremise du poète Benjamin Constant, petit neveu de l'auteur d'" Adolphe ", Assus fait bientôt la connaissance de Jacques Copeau et celle d'André Gide, qui s'enthousiasme pour sa peinture et en apporte quelques exemples à Madame Druet, qui les expose avec succès dans sa Galerie de la rue Royale.

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C'est Gide aussi qui présente le jeune Assus au peintre postimpressionniste belge Théo Van Rysselbergh, ce qui permet à Assus de s'initier à la technique dite pointilliste ou divisionniste, celle également des peintres Seurat et Signac.

A Paris, Assus demeurait surtout peintre des quais de la Seine et des rues des vieux quartiers de la capitale. Ami intime du peintre Albert Marquet dont il partageait à cet égard les goûts, il le rencontrait souvent, fréquentant son atelier de la rue Dauphine où il voyait les peintres Camoin et Manguin, anciens fauvistes, et l'écrivain soviétique Ilya Ehrenburg.

Les premières admirations d'Assus allèrent à Chardin, Velasquez, Ingres, Delacroix. Elles le demeurèrent pour les grands exemples toujours valables de ces maîtres. Ne nous étonnons plus des harmonies précieuses de ses natures mortes qu'il a retenues de Chardin. En Delacroix, qui sans doute, tient le plus de place dans son coeur, Assus ne tarda pas à déceler qu'il y avait en puissance toute la peinture moderne et que l'impressionnisme même découlait de ses recherches. Entre temps, Cézanne est intervenu salutairement en réaction pour un besoin de construction. Matisse fut pour Assus une révélation et Albert Marquet, avec lequel il a tant d'affinités, allait lui servir d'exemple.

Par la suite, Assus exposa à Paris dans de nombreux Salons, mais se déplaçant régulièrement entre la capitale et Alger. Ses séjours en Algérie lui ont permis de traiter de nombreux sujets orientalistes et de s'inspirer aussi de la vie juive du Maghreb. Sa composition sur le thème de la vie d'une famille juive de Constantine lui avait déjà valu en 1925 le Grand Prix Artistique de l'Algérie. Pour le Foyer Civique d'Alger, il exécuta ensuite en 1935 plusieurs fresques, dont une monumentale représentant une noce juive que le Gouvernement Général lui avait commandées. Pour l'école professionnelle de Bougie, il réalisa de même deux grandes fresques sur le thème de l'électricité et son utilisation dans les usines et les ports et, pour l'école normale de jeunes filles de Kouba, deux grandes fresques sur le thème des Arts, l'une représentant la peinture et l'autre la musique. Pour réaliser toutes ces fresques, il eut recours à la technique de la cire que les Romains avaient utilisée et qu'Assus avait redécouverte.

Invité au Pays-Bas par le gouvernement néerlandais, Assus y a exécuté nombre de toiles dont plusieurs se trouvent aujourd'hui réparties dans divers musées d'Europe. De ses divers voyages en Espagne ou en Italie, il a aussi rapporté des toiles d'une grande sensibilité.

De retour en Algérie pendant la dernière guerre, il continue à peindre et exposer, tout en fréquentant Albert Marquet et sa femme, qui s'y étaient réfugiés à partir de 1942. Albert Camus fréquentait aussi son grand atelier d'Alger où la troupe théâtrale de l'Equipe, que le jeune écrivain avait organisée, y répétait son répertoire.

Fidèle à lui-même, à ses convictions, Assus apparaît comme un peintre de transition, celui qui résume et qui demeure. Sans avoir jamais versé dans une de ces poussées qui marquent les courants extrêmes, il a éprouvé normalement, successivement les étapes de l'évolution de la sensibilité et ses moyens d'expression s'en sont autant modifiés.

Peintre de la lumière, il s'éloigne de Marquet par des composantes plus vives qui traduisent les midis algériens. Son emploi des couleurs pures a augmenté l'acuité de sa palette sans abolir les valeurs nuancées de son art subtilement poétique.

Respectueux du sujet, Armand Assus ne le considère que comme argument-prétexte et est convaincu qu'à le retrouver la peinture moderne en serait régénérée car pour lui, la tradition ne consiste pas à imiter la leçon des maîtres, mais seulement à la comprendre dans ce qu'elle a de vérité, de connaissance et d'amour.

On peut remonter dans l'oeuvre d'Assus, aujourd'hui répandue dans tant de musées, chez tant de collectionneurs et de particuliers, chaque toile est un don accompli où l'artiste ne renchérit pas sur ce qu'il a à dire.

On ne pense pas à en analyser la technique, à en souligner les hardiesses et les subtilités. On goûte l'instant; le lieu, l'émotion qui s'en dégage doucement, pénètre et émeut.

Pour les peintres originaires d'Algérie, Armand Assus demeure de même un des artistes aujourd'hui les plus injustement négligés par les amateurs de l'Art de sa génération et de son époque.

La dernière exposition d'Assus, une importante rétrospective de son oeuvre a eu lieu après son retour en France en 1970, au Château-Musée de Cagnes.

David Darmon-Olivencia

BIOGRAPHIE

Armand ASSUS : né à Alger 1892-1977 à Cagnes
Etudes artistiques à Paris
Expositions à Paris

Galeries Druet, Drouant, Spéranza, Georges Petit, du Taureau etc.
Exposant du Salon des Tuileries (dès les premières manifestations)
Sociétaire du Salon d'Automne

Expositions à l'étranger

Boston, Rome, Bruxelles, Bucarest, le Caire, Alger, Oran, Casablanca, Tunis.

Décorations

- Ecole professionnelle de Bougie (deux panneaux sur la Création de l'Electricité et son utilisation dans les usines et les ports).
- Lycée de jeunes filles de Kouba (panneaux sur le thème des arts : La Peinture, La Musique).
- Participation à la décoration de l'Hôtel de Ville d'Alger et à celle du Foyer Civique.

Œuvres dans les musées

- Paris (Musée d'Art Moderne - Petit-Palais)
- Anvers (Légation de France)
- Rotterdam (Musée Boïmans)
- La Haye (Ambassade de France)
- Alger (Musée National)
- Tunis, Casablanca, le Caire, etc."

 

Chevalier de l'Ordre des Arts et Lettres
Grand Prix de l'Algérie (1925)
Ancien boursier du Gouvernement des Pays-Bas.

In l'Algérianiste n° 51 de septembre 1990

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