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Marcel BARBUT (1897-1992)

Écrit par Jacques CHOUILLOU. Associe a la categorie Personnages scientifiques

Marcel Barbut, ancien inspecteur général de l'agriculture, s'est éteint dans sa 95e année : le 19 avril 1992. II restera certainement l'artisan le plus prestigieux de l'œuvre agricole française en Algérie, puis l'un des meilleurs défenseurs des agriculteurs français rapatriés. Né le 29 avril 1897 à Cussyles-Forges, dans l'Yonne, Marcel Barbut a été l'un de ces grands serviteurs de l'État qui ont appris à connaître et à aimer passionnément l'Algérie. Sa valeur exceptionnelle avait été remarquée en métropole, à Senlis puis à Rouen, par le préfet Le Beau qui, dès sa nomination au poste de gouverneur général de l'Algérie, a fait appel à lui. Ingénieur agricole de Grignon, croix de guerre et médaillé militaire, Marcel Barbut n'avait eu qu'un rapide contact avec l'Algérie lors du Centenaire en 1930. Un court voyage en Mitidja, à Sétif, Constantine et Biskra, lui avait donné une première idée du pays. Avant d'accepter le poste d'inspecteur général qui lui était offert, il préféra se consacrer à des missions d'étude de quelques mois, en 1935 d'abord, puis en 1937, afin d'acquérir une vue d'ensemble des problèmes techniques et psychologiques de l'agriculture algérienne. Reçu au concours d'inspecteur régional, il a été détaché en Algérie le 16 mai 1937 pour assurer les fonctions d'inspecteur général de l'agriculture, chargé de la direction de l'Institut agricole de Maison-Carrée.

Ce cumul de fonctions, s'exerçant en des lieux différents, d'une part au gouvernement général à la tête des services de l'agriculture, d'autre part à l'école, n'allait pas sans créer quelques difficultés. Au cours de ses vingt et une années de service en Algérie, Marcel Barbut a dirigé un grand nombre de personnes qu'il choisissait souvent parmi les anciens élèves de l'Institut agricole de Maison-Carrée. Sa grande connaissance des hommes lui permettait de trouver toujours, pour chaque poste, celui qui convenait. Selon une formule employée par le général Weygand, il savait se faire " obéir d'amitié ".

Servi par une formation scientifique et économique qu'il étendait sans cesse, il fut l'inspirateur de multiples initiatives, professionnelles et administratives. II a guidé, stimulé, encouragé et fait aboutir de nombreux projets. Il a aidé tous ceux qui faisaient appel à lui, leur transmettant son expérience et sa foi, avec persuasion et clarté. Faisant preuve d'un admirable esprit de synthèse, il présidait avec tact et autorité de nombreux organismes, aussi divers que l'est le monde agricole. II s'imposait aussi de nombreux déplacements, parfois même dans des conditions dangereuses, allant visiter des services, des établissements, des organisations professionnelles pour y porter la bonne parole. Il représentait la France dans les congrès internationaux, à Rome, en Libye, au Portugal... où ses interventions étaient toujours très remarquées.

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D'une façon générale, Marcel Barbut était un homme de communication. On ne compte pas ses conférences, ses discours, ses articles dans les revues et les journaux, tendant à expliquer, convaincre et faire avancer l'action ; il a collaboré régulièrement à la plupart des publications agricoles de langue française.

La réussite la plus connue de Marcel Barbut est d'avoir fait de l'Institut agricole de Maison-Carrée une très grande école, en même temps qu'un centre de recherche et d'expérimentation dont la renommée n'a cessé de grandir bien au-delà de l'Algérie.

Après la deuxième guerre mondiale, il obtint l'acquisition par l'Etat, à Maison-Carrée même, d'un domaine agricole ainsi que l'alignement du traitement des enseignants sur celui de leurs collègues des écoles nationales métropolitaines. Une loi du 22 mai 1946 consacra l'assimilation de l'Institut agricole d'Algérie aux écoles nationales de Grignon, Rennes et Montpellier.

Chaque séance solennelle de rentrée lui fournissait l'occasion de souligner les progrès de l'école et les résultats les plus marquants obtenus par les enseignants ou les anciens élèves. Toutefois le très petit nombre et parfois même l'absence de musulmans dans les promotions annuelles étaient l'une de ses constantes préoccupations. Il s'insurgeait contre le préjugé des étudiants musulmans qui marquaient leur préférence pour les facultés de lettres, de droit, de médecine ou de pharmacie, estimant peut-être que les études agricoles n'étaient pas un bon moyen de promotion sociale.

Marcel Barbut s'est d'ailleurs beaucoup intéressé aux problèmes de l'agriculture traditionnelle musulmane. En, matière d'équipement, le financement était assuré par la Caisse centrale des sociétés agricoles de prévoyance, dont il assura longtemps la présidence. Il favorisa ainsi la répartition des terres agricoles en transférant à de petits exploitants musulmans une partie des terres cultivées par des Européens.

L'attention de Marcel Barbut s'est aussi portée sur l'élevage ovin qui faisait vivre des dizaines de milliers de pasteurs. L'Association ovine algérienne (A.O.A.) qu'il présidait a réalisé dans l'immense pays du mouton, en collaboration avec les services vétérinaires, un ensemble considérable d'opérations pour la lutte contre la maladie, la faim, la soif et la médiocrité du cheptel.

Aucun des domaines de l'agriculture et des activités connexes n'échappait à sa compétence.

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Rentré en France avant l'indépendance de l'Algérie et resté très attaché à ce pays et à ses habitants, M. Barbut a beaucoup aidé les agriculteurs rapatriés en apportant, dès 1962, sa collaboration à la M.A.F.A. (Maison des agriculteurs français d'Algérie) dont il est devenu administrateur après sa retraite. Il a joué un rôle décisif dans la fixation des barèmes d'indemnisation des biens agricoles spoliés. II a facilité la réinstallation de quantité d'agriculteurs dont il connaissait bien la compétence et le sérieux.

Jusqu'aux dernières années de sa vie, il a porté témoignage de l'œuvre agricole française en Algérie, par exemple en préfaçant l'ouvrage produit sous ce titre par l'association des anciens élèves des écoles d'agriculture d'Algérie, diffusé par les Éditions de l'Atlanthrope en 1990.

Pour les Algérianistes et leurs amis, Marcel Barbut s'inscrit dans la lignée des grandes figures de l'Algérie française.

Jacques CHOUILLOU*

In l'Algérianiste n° 59 de septembre 1992

* M. Jacques Chouillou, administrateur civil, a été durant de très nombreuses années un des plus proches collaborateurs de M. Marcel Barbut au gouvernement général de l'Algérie.

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