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Arthur Auguste PELLEGRIN (1891-1956)

Écrit par Guy DUGAS. Associe a la categorie Autres personnages remarquables

Pellegrin1-portraitArthur, Auguste Pellegrin est né le 19 janvier 1891 en Tunisie, de parents originaires du Comtat Venaissin, établis dans la Régence quelques années plus tôt. Inscrit à l'école communale d'Hammam-Lif où son père dirige un casino, il y obtient en 1903 le certificat d'études. Il mène alors simultanément ses études au collège Alaoui de Tunis et son apprentissage comme garçon-serveur, son père le destinant à une carrière dans l'hôtellerie. En 1905, il est atteint de tuberculose osseuse à la hanche. Il passe dix-huit mois à l'hôpital civil de Tunis, jambe et hanche droites immobilisées, et en sort handicapé à vie.

La souffrance et l'inaction forcée ont développé en lui le goût de la lecture, de la méditation, de l'étude 1 . Plus question pour lui de carrière hôtelière, comme son père le souhaitait. Après un bref séjour à l'internat du collège Alaoui, Arthur Pellegrin sollicite à dix-sept ans un emploi auprès de plusieurs journaux de la Régence. Econduit du fait de son jeune âge, il entre à dix-huit ans au service des Messageries de la Compagnie des Chemins de Fer Tunisiens (C.F.T.), poste subalterne qui suffit à peine à assurer son existence et celle de sa mère, désormais à sa charge après son divorce.

De 1911 à 1914, Arthur Pellegrin collabore au Bulletin de l'Union Chrétienne de Jeunes Gens de Tunis. Sa première publication est, en 1913, une plaquette de 46 pages L'énergie coloniale, à l'usage des candidats colons. Il écrit également dans La Tunisie Illustrée, mensuel dont il assume en 1915 la rédaction en chef. Cette même année il passe à la poésie, à l'essai, avec Constantinople, l'Islam et les Balkans (Paris, éditions de la Revue Littéraire, 1915, 54 pages).

Affecté en 1914 au service auxiliaire, peu après la mobilisation générale, tour à tour démobilisé puis réaffecté au Train des Equipages de la C.F.T., il termine la guerre comme maréchal des logis. Un recueil inspiré par cette guerre et préfacé par Jean Aicard, de l'Académie française, Les gars d'Afrique, est publié à Tunis en 1917 2. En 1918, Arthur Pellegrin fonde, en compagnie d'Albert Canal, de Marius Scalesi et d'Abderrahmane Guiga, la Société des Ecrivains de l'Afrique du Nord (S.E.A.N.), qui se fixe comme objectifs " l'étude et la défense des intérêts moraux et économiques de ses membres, la propagation de la langue française et de la littérature nord-africaine ". Les Nord-Africains qui succède à Soleil en sera l'organe officiel.

A la même époque, Arthur Pellegrin est promu rédacteur au service Matériel et Traction de la C.F.T., et secrétaire général du syndicat des cheminots tunisiens. En 1923, un roman, Les cœurs vivants, chante l'existence difficile et le rôle obscur du colon. En 1926, Le livre du travail, recueil de poèmes publiés à Paris, est marqué d'une inspiration plus grave, sous le double choc de la mort du fils de l'auteur, Jean, le 12 mars 1921, à l'âge de trois ans, et celle de son ami, le poète Marius Scalesi, auquel la S.E.A.N. rendra plusieurs hommages mérités. Adhérant depuis la fin de la guerre à la fédération tunisienne de la S.F.I.O., Pellegrin collabore alors régulièrement au quotidien de ce parti, Tunis Socialiste, auquel il fournit entre autres un roman feuilleton, Fille d'Islam, qui restera inédit en librairie.

Elu en 1920 délégué à la Conférence Consultative, Arthur Pellegrin est réélu le 29 novembre 1922 au Grand Conseil de Tunisie (le nom a changé entre temps), où il siègera jusqu'en 1943. Il y use de son influence pour obtenir la création du Prix Littéraire de Carthage puis celui du Maroc par le résident général Lyautey.

En 1932, les Aventures de Ragabouche retiennent l'attention de la critique parisienne, notamment de Pierre Mille dans Les Nouvelles Littéraires. Gavroche tunisois ne le cédant en rien dans le pittoresque au Cagayous de Musette, Ragabouche constitue sans aucun doute la création la plus heureuse de Pellegrin et un des types les mieux marqués de la littérature française au Maghreb. Autour de lui gravite, dans une ambiance très cosmopolite, une foule de personnages tels qu'on pouvait autrefois en rencontrer dans les rues de Tunis.

A la même époque, Arthur Pellegrin collabore aux Annales coloniales et à La République. Cette dernière collaboration lui coûte d'ailleurs sa place de responsable S.F.I.O. et de secrétaire général du Syndicat des Cheminots. Sa santé se dégradant, il se dégagea de toute obédience politique pour " ne plus conserver d'autre idéal que celui de la présence française outre-mer ". .

Au fil des années, la famille Pellegrin s'est régulièrement agrandie : Léon né en 1920, René en 1923 3, Yvonne en 1927 et enfin Claude en 1938. Malgré une santé très précaire, Arthur Pellegrin cumule alors son emploi de sous-chef de bureau à la Compagnie Fermière des Trains et ses tâches de grand conseiller, d'écrivain, de journaliste et de président de la S.E.A.N. Au moment même où il doit subir une grave opération de l'estomac, il publie à Paris deux ouvrages importants : L'Islam dans le monde et Histoire de la Tunisie, tous deux réédités par la suite.

La guerre elle-même ne ralentit en rien les activités de Pellegrin qui, en 1940, fait paraître aux éditions La Kahéna, nées comme la revue du même nom de la S.E.A.N., Les appellations successives de la Tunisie et en 1942, chez Payot, Carthage punique écrit en collaboration avec le R.P. Georges Lapeyre.

Après avoir embrassé la religion catholique en 1947, il collabora régulièrement à la revue " IBLA " des Pères Blancs en Tunisie, entre 1947 et 1953.

Sous les auspices de la Société Linguistique de France, il publie, avec une préface de Gustave Mercier, un Essai sur les noms de lieu d'Algérie et de Tunisie (1949). Redoutant les mouvements nationalistes qui, partout, prennent naissance au Maghreb et les désirs d'indépendance qui s'y font jour, il remanie son essai politique L'Islam dans le monde, afin de mieux dénoncer les menaces qu'il pressent (1950). II concrétise encore sa pensée dans un opuscule intitulé Les droits de la France et des Français en Tunisie (1951). Puis il prépare le second volet de son histoire ancienne du pays : Carthage latine et chrétienne, qui reçoit en 1950 le Grand Prix de l'Académie française. En même temps, il compose pour les services publics tunisiens deux annuaires encyclopédiques, ainsi qu'un Mémento à l'usage des candidats à la fonction publique en Tunisie (1953, sous le pseudonyme de Jacques Le Franc). Il donne alors son adhésion au Comité de l'Afrique française, ce titre venant s'ajouter à la présidence de la S.E.A.N. et à son appartenance à l'Académie des Sciences coloniales. Sa dernière œuvre publiée sera une Histoire illustrée de Tunis et sa banlieue (1955).

Durant ce même hiver 1955-56, la santé d'Arthur Pellegrin se dégrade brutalement et il décède à Aix-les-Bains le 24 juillet 1956, laissant une oeuvre très diverse d'une quarantaine de titres et une douzaine d'inédits.

Guy DUGAS
Professeur de Littérature
générale et comparée
Université Paul-Valéry-Montpellier III

(1) Sous la bienveillante direction du pasteur Terrisse.
(2). A cette époque, il épouse Elise Chauvin-Perpere, née à Tébessa (Algérie).
(3). René Pellegrin (1923-1980) a publié : un roman " Les anges ont perdu leurs ailes " (1954), un recueil de nouvelles, " La cabane bambou " (1953), trois essais, " Un écrivain nommé Brasillach " (1965), " Jacques Doriot communiste " (1969), " La Phalange Africaine, la L.V.F en Tunisie "" (1973). Les deux parties de ce recueil datent successivement de 1947 et 1951. Un recueil de poésies " Le marchand de couleurs "" (1974).

 


Tunis. MM Kaak ( ?), Paye, directeur del'Enseignement, Pellegrin et Billey

 

In l'Algérianiste n° 80 de décembre 1997

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