Imprimer

Xavier YACONO (1912 -1990)

Écrit par H. Saurier. Associe a la categorie Auteurs

Xavier YACONONé le 28 mars 1912 à Alger Belcourt, Xavier Yacono s'est éteint le 4 octobre 1990 à l'hôpital Mignot au Chesnay, près de Versailles, après une longue série de maladies diverses qui avaient fini par le priver de l'une de ses raisons de vivre, la recherche historique.

Dès son plus jeune âge, ses maîtres, découvrant en lui un élève de qualité, l'orientent systématiquement vers l'enseignement dont le prestige, à cette époque, exerce un attrait réel. II entre à l'Ecole normale d'Alger-Bouzaréah en 1928, en sort en 1932, pour entrer à l'Ecole normale supérieure de Saint-Cloud. De retour à Alger, il obtient avec aisance son diplôme d'études supérieures. C'est la voie qui mène à l'agrégation. Pourtant, une santé déjà fragile le contraint à y renoncer sur insistance médicale. L'enseignement du second degré l'accueille donc successivement à Boufarik, Orléansville, Maison Carrée, Alger. D'emblée, son auditoire est séduit par sa clarté et son habileté à faire revivre le passé historique. Mais, le métier ne suffit pas à absorber toute son activité et, pendant douze ans, il se consacre à ses deux thèses de doctorat d'Etat : Les Bureaux arabes, l'évolution des genres de vie des Indigènes dans l'ouest du Tell. Paris. Laroche. 1953, étude approfondie qui décrit, à côté d'une fonction purement militaire, l'influence exercée par certains officiers de valeur, sur l'administration, la santé, l'instruction même, d'une population ankylosée depuis plusieurs siècles dans une situation moyenâgeuse ; la colonisation des plaines du Chélif. Alger. 1955, en deux volumes, où se conjuguent l'esprit d'analyse et l'esprit de synthèse.

Ces deux thèses lui ouvrent l'accès à l'Université d'Alger, puis, après l'exil de 1962, à l'Université de Toulouse, sur des chaires spécialisées d'Histoire de la colonisation. Entre temps, il publie dans la Revue africaine, en 1954, une étude intitulée " Peut-on évaluer la population de l'Algérie en 1830 ? ", qui prend un caractère quasi mathématique puisqu'elle doit extrapoler vers une période dépourvue de tout recensement. II y répond par le chiffre de 3 millions, avec une approximation raisonnable. Auprès des 8,5 millions de musulmans de l'époque, ce chiffre attire l'attention sur ce " syndrome démographique " qui pèsera sur la destinée de l'Algérie française, aussi bien que sur celle de l'Algérie indépendante et probablement sur le traitement des problèmes d'immigration et d'intégration en France.

A Alger comme à Toulouse les amphithéâtres de Yacono sont bondés. Aussi fait-il paraître une sorte de synthèse de ses cours : Histoire de la colonisation française. Paris. P U F, 3e édition 1979. Les étapes de la décolonisation françaises. Paris PUF 3e édition 1982.

Par ailleurs, en esprit libre et curieux, il s'intéresse à l'implantation de la franc-maçonnerie en Algérie, dès que cette communauté eut perdu son caractère secret. Deux études sur ce thème : Un siècle de franc-maçonnerie algérienne de 1785 à 1884. Paris. Maisonneuve et Laroche. 1969. La franc-maçonnerie française et les Algériens musulmans de 1782 à 1965. Annales de Historia contemporanea. Murcia. 1987

L'an dernier, en 1989, il publie un ouvrage très vite remarqué : De Gaulle et le F.L.N. 1958-1962. L'échec dune politique et ses prolongements. Versailles. L'Atlanthrope. 1989. II y donne la mesure d'une objectivité poussée à l'extrême, sur un sujet encombré par des déclarations et supputations contradictoires propres à réfracter l'opinion publique dans des directions opposées. Fidèle à son attitude positiviste, il ne prend appui que sur des faits non réfutables répartis dans une bibliographie de 70 titres, ce qui lui vaut les félicitations du ministre Jacques Soustelle, en particulier.

Membre de l'Académie des Sciences d'outre-mer, il y présente des analyses d'ouvrages historiques, avec le même souci de précision et d'impartialité. De nombreuses revues ont diffusé ses textes.

- Revue africaine n° 468-469. 1961. Pour une histoire de l'Université d'Alger
- Revue de l'occident musulman n° 15 et 16. 1973. Les prisonniers de la Smala d Abd-el-Kader.
- Revue d'Histoire maghrebine n° 1. 1974. Les premiers prisonniers algériens de l'île Sainte Marguerite. 1841-1843.
- Cahiers de Tunisie. Tome 29 1981. Les Juifs dans la Régence d'Alger en 1830.
- Revue de l'occident musulman n° 32 - 1982, Les pertes algériennes de 1954 à 1962. Ici, encore, l'étude historique doit adopter un caractère mathématique rendu nécessaire par le fait que le recensement de 1962, année de l'indépendance, n'est pas du tout fiable. Elle aboutit au chiffré maximum de 300 000 tués, tant par l'armée française que du fait du F.L.N., alors que la presse métropolitaine ne cesse de citer le chiffre de 2 millions de morts, lancé par Ahmed Ben-Bella, à la télévision française, avec l'assurance et la légèreté de ceux qui ne se chargent pas du fardeau de la preuve.

Dans l'ouvrage collectif, Les Pieds noirs, 1982, édité chez Philippe Lebaud, préfacé par Emmanuel Roblès, Xavier Yacono est chargé du premier chapitre qu'il intitule Pourquoi Pieds noirs ? II y montre que l'expression s'applique initialement aux Indigènes, avant de tomber dans l'oubli. Elle est reprise en 1957, pour désigner, cette fois, les Français d'Algérie non musulmans, par Georges Damitio, comme titre d'un roman, par Mouloud Feraoun dans son Journal et par François Mauriac dans un Bloc-notes de 1961. Dès lors, l'épithète circule en métropole, de sorte que nous l'adoptons comme emblème pour désarmer l'ironie... Par analogie, les Flamands de 1556 ne sont-ils pas, pour Victor Hugo, " les gueux qui ont fait la Hollande " ?

En dépit d'une santé de plus en plus alarmante, Xavier Yacono achève à grand peine son dernier grand ouvrage : Histoire de l'Algérie de 1830 à 1954, oeuvre posthume actuellement sous presse aux Editions Sédès.

Nous tous, Algérianistes, ayons une pensée, pour l'ami, l'historien dont les travaux, par leur valeur scientifique, par la force même de la vérité historique, contribueront tôt ou tard à tempérer l'injuste discrédit affectant une grande oeuvre française ayant élevé l'Algérie actuelle au rang des nations modernes.

H. SAURIER

In l'Algérianiste n°52 de décembre 1990

Vous souhaitez participer ?

La plupart de nos articles sont issus de notre Revue trimestrielle l'Algérianiste, cependant le Centre de Documentation des Français d'Algérie et le réseau des associations du Cercle algérianiste enrichit en permanence ce fonds grâce à vos Dons & Legs, réactions et participations.