Imprimer

De loin le plus petit territoire - quelques arpents de rochers...

Écrit par Non précisé. Associe a la categorie Malte

De loin le plus petit territoire - quelques arpents de rochers ensoleillés au coeur même de la Méditerranée - avec une population en rapport, en dépit d'une densité élevée (à l'époque du débarquement français en Algérie,en 1830,Malte compte à peine plus de 100.000 habitants), Malte va être pourtant une des bases principales de cette émigration européenne, essentiellement méditerranéenne, qui, mêlée aux apports des provinces de France, va constituer en quelques décennies une communauté jeune, homogène, version moderne de l'antique latinité, qu'on appellera successivement, et parfois simultanément, "les algériens", "les français d'Algérie", "les Européens", puis, dans la tempête finale, "les Pieds-Noirs".

L'émigration maltaise en Algérie fournira certes des contingents bien moins nombreux que ceux venus des rivages d'Espagne et d'Italie, amis, proportionnellement, elle comptera parmi les plus importantes, surtout qu'il est difficile de dissocier le flux maltais vers l'Algérie du flux maltais vers la Tunisie, qui suivra de peu le premier. En 1885, sur 55.000 maltais ayant émigré sur le pourtour méditerranéen, 15.000 se trouvent en Algérie, et 11.000 en Tunisie. Les maltais se répartissent essentiellement dans l'Est-algérien: régions de Bône, Constantine, Philippeville. Mais, il y a aussi une forte concentration à Alger.

Cette émigration se tarira vers la fin du XIX ème siècle, et l'élément maltais se coulera dans l'ensemble français par voie de naturalisation, puis par le jeu des naissances sur le sol algérien, terrebfrançaise. Au XXème siècle, l'émigration maltaise, surtout après 1945, va se porter en masse vers les terres lointaines, dans l'espace anglo-saxon: Australie, Nouvelle-Zélande, Canada, U.S.A...

Donc, à peine les français installés dans la ville d'Alger et ses environs, on voit les maltais arriver. Ils ont ainsi la haute main sur les barques qui effectuent le transbordement des navires de haut-bord qui emplissent la rade en permanence, sans pouvoir accoster dans le port minuscule de la darse de l'Amirauté, à cause de leur tirant d'eau.Le plan d'eau de la darse était juste bon pour les galères des corsaires...

Ils exercent bientôt tous les métiers de petit négoce, des commerces de bouche, d'artisans maçons. C'est que les maltais sont d'excellents commerçants, et d'habiles ouvriers de la pierre.On les trouve également employés dans les premières exploitations agricoles. Mais, leur métier le plus célèbre sera celui de laitiers. Jusqu'à nos jours, l'image du malyais descendant, pieds nus, des hauteurs d'Alger ou de Bône, avec son petit troupeau de chèvres, et vendant leur lait à la criée, est restée fameuse, bien qu'appartenant à un passé révolu depuis des lustres.

Le maltais est en général un personnage haut en couleurs, qui déconcerte quelque peu le fonctionnaire ou le militaire français. Durant tout le XIX ème siècle, son particularisme linguistique (il parle un dialecte étrange, aux 2/3 arabe, et 1/3 italien), ses coutumes familiales, son âpreté au travail et au gain, sa religiosité catholique, que les français irreligieux de l'époque qualifient de fanatisme, le placent en marge de la société de la colonie. On le juge sévèremment, avec ironie, voire mépris.Cet ostracisme se retrouvera dans la littérature jusqu'au début de notre XXème siècle.

Et pourtant, les maltais vont réussir leur intégration dans la socièté de l'Algérie française, sans révolte ni ressentiment, mais peut-être, souvent, avec une certaine gêne à évoquer leur origine.A force de travail, et en 2 générations après celle des "émigrants aux pieds nus", ils vont se retrouver dans les couches sociales qui font le dynamisme et la réussite de l'Algérie : ils seront cadres, médecins, avocats, patrons de moyennes ou grandes entreprises. Entre temps, ils auront aussi fourni une large part du Clergé algérien... Ils compteront aussi des intellectuels et artistes de grand renom, tel le sculpteur André Greck, Grand Prix de Rome en 1936... L'académicien Fernand Gregh, l'écrivain Laurent Ropa..

En 1962, ils feront partie de la longue file des exilés, sans penser un seul instant à se tourner vers la terre de leurs ancêtres, dont la plupart ne connaissent pas la langue Ils se retrouveront en France, et c'est là que, pour refaire leurs racines arrachées, ils partiront nombreux à la découverte des îles maltaises, avec un immense bonheur... Parallèlement, certains d'entre eux s'attacheront à redonner toutes ses lettres de noblesse à leur communauté...

POUR EN SAVOIR PLUS , Repères bibliographiques sur Malte et l'Algérianisme :

- Marc Donato : "L'émigration maltaise en Algérie au XIXème siècle". Coll. Africa Nostra, 1985. Il s'agit de l'édition d'un Mémoire de Maîtrise d'Histoire devant l'UNiversité d'Aix-en-Provence.

- Pierre Dimech : "Si jamais je t'oublie, Algérie..", Les Presses littéraires, 1998. Il s'agit de la publication en un ouvrage de l'ensemble des articles écrits par l'auteur dans la Revue "l'Algérianiste". Parmi ceux-ci, des articles sur l'émigration maltaise en Algérie, sur Laurent Ropa, sur le personnage du maltais dans la littérature algérianiste, etc...Un nouvel article vient d'être publié par P.Dimech dans la Revue.l'Algérianiste, n°87, de septembre 1999, sur la langue maltaise...

Enfin , sur le plan littéraire, "D'une jetée l'autre", récits et nouvelles, ouvrage de P.Dimech, évoque Malte et les maltais, avant puis après 1962, date de l'indépendance de l'Algérie...

Vous souhaitez participer ?

La plupart de nos articles sont issus de notre Revue trimestrielle l'Algérianiste, cependant le Centre de Documentation des Français d'Algérie et le réseau des associations du Cercle algérianiste enrichit en permanence ce fonds grâce à vos Dons & Legs, réactions et participations.