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L'Orne et l'Algérie des français

Écrit par Marc Monnet. Associe a la categorie France

On ne peut pas dire que le couple formé par l'Orne et l'Algérie se soit abandonné sans retenue à une passion toute puissante. Très peu d'habitants de l'Orne quittèrent leur département pour l'Algérie. Alors est- ce bien nécessaire de parler de sa contribution ? Pourquoi pas ? Joseph Conrad n'a t il pas consacré trois de ses romans à « Sambir », minuscule comptoir oublié où vécu le seul européen de la côte orientale de Bornéo ?

La fin de l'Algérie française fut assez cynique ; on donna un jour aux Pieds Noirs une tape dans le dos et le lendemain un marron dans les dents ! La vision d'un exil difficile et sans confort vers l'Orne surgit sur les yeux de l'Oranais André Rodriguez du Faubourg St Eugène. Ah ! Ce ne fut pas le contact de lèvres douces, le frôlement d'un souffle léger, le regard des yeux de l'autre...

L'Orne n'a fourni que 0,31 % de la population totale d'origine française en Algérie, un seul département fait moins bien ! Toutefois il ne faut jamais présumer de quoi que ce soit puisque malgré tout un parlementaire algérien sera originaire de l'Orne...Henri Brière est né le 13 décembre 1873 à Flers (Orne). Devenu viticulteur en Oranie, il se marie à St Cloud. Durant la Grande Guerre, il demande à partir pour le front ; il combat en Argonne et à Verdun puis il est l'un des premiers à faire son entrée à Strasbourg. De retour en Oranie, il fonde la Caisse Régionale Agricole. Ensuite il devient député de la 2e circonscription d'Oran (1928-1936). Inscrit au groupe de l'Action Démocratique et Sociale il s'intéresse à l'agriculture algérienne, la vraie richesse du pays, il prend la parole au Palais Bourbon pour défendre les marchés du blé et de la vigne. Pour faciliter le travail dans les champs il dépose une proposition de loi tendant à renvoyer de leurs troupes par anticipation les soldats exerçant la profession d'agriculteur. Un an avant l'espoir du 13 mai 58 Henri Brière meurt à Oran.

L'anecdotique peut parfois être élevé à la dignité du typique. Le témoignage d'André Rodriguez jette un jour vif sur l'exode pied noir après la trahison de l'idéal du 13 mai. En août 1962 il quitte avec sa mère son Oranie natale sur le « Ville d'Oran ». A Marseille c'est la dispersion vers d'autres cités. « Ay Oran no te vere mas » dit un vieil Oranais qui refuse de manger. Les Rodriguez choisissent Vannes « ville où notre père fut incorporé dans le 505e régiment de chars de combat avant 1939 ». Ensuite ce sera un petit village du Morbihan et enfin Alençon où André Rodriguez rédigera « De l'Oranie à l'Orne » Imprimerie R. Delannoy, 61000 Alençon 1979, 32 pages... Ainsi des fils du soleil et du ciel bleu, après être passés par des vicissi­tudes que l'auteur a rapportées dans l'émouvante plaquette de ses souve­nirs, ont abouti dans les solitudes peu ensoleillées de l'Orne.

Marc Monnet

In l’Algérianiste n° 51 de septembre 1990

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