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Un Polytechnicien sur vingt est un Pied-noir

Écrit par René Mayer. Associe a la categorie Pied-noir dans le Monde

Menant une recherche destinée à étudier ce que sont devenus, après leur exode, les Français originaires d'Afrique du Nord, je me suis, c'est bien naturel, intéressé en particulier aux Polytechniciens.

Cette quête m'a conduit d'abord à les recenser.

La bibliothèque de l'École Polytechnique, toujours très serviable, m'a fort aimablement fourni leur nombre, promotion par promotion (mais elle a gardé secrète leur identité).

De 1922 à 1925, 29 X originaires d'Afrique du Nord ont intégré l'École, tandis qu'à titre français, celle-ci accueillait un total de 1.199 élèves. Le pourcentage était donc de 2, 41 %.

 de 1926 à 1935 on trouve  77 X Pieds-noirs sur  2 274 élèves, soit  3, 38 %
 de 1936 à 1945  90  2 416  3, 72 %
 de 1946 à 1955  101  2 125  4, 75 %
 de 1956 à 1965  189  2 964  6, 37 %
 de 1966 à 1975  163 2 937   5, 55 %
 de 1976 à 1991  127  2 142  5, 93 %

Sur ces 55 promotions, 747 élèves sur une population polytechnicienne de 14.858 membres sont nés en Afrique du Nord, soit 5, 03 %, un sur vingt.

La plupart des Pieds-noirs ayant du fuir leur lieu de naissance en 1962, vingt ans plus tard, c'est-à-dire à partir de 1982, le nombre des candidats français nés en Afrique du Nord et reçus à l'X, s'est évidement effondré.
Je ne possède pas les données exactes des recensements de population effectués à l'époque en Métropole et en A.F.N. Mais les ordres de grandeur sont connus: un petit million pour l'Algérie, 100 000 pour la Tunisie, un peu moins pour le Maroc, au total 1, 15 million pour le Maghreb et, pour la population métropolitaine, 40 à 55 millions d'habitants suivant la période considérée. Au prorata des populations concernées, le pourcentage de Pieds-noirs reçus à l'X aurait donc dû être de 2 à 2, 5 %. Or il fut le double, voire davantage !

Cette proportion inattendue ne doit rien à l'origine sociale des candidats. Celle-ci était généralement modeste. Pour les années antérieures à l'exode, la performance peut certainement être ï portée au crédit du niveau exceptionnellement élevé des grands établissements secondaires qui, tels le lycée Carnot à Tunis, Bugeaud à Alger, Stéphane Gsell et Ardaillon à Oran etc... avaient su s'attacher les meilleurs maîtres.

Elle peut aussi être imputée, sans crainte, au goût pour le travail, valeur cardinale chez les Pieds-noirs: On notera que c'est dans les années 70, alors que leurs études avaient été perturbées par la guerre civile qui ravageait l'Algérie, alors que leurs familles avaient finalement dû émigrer dans l'improvisation la plus complète, alors qu'eux-mêmes avaient été dispersés entre tous les lycées métropolitains, qu'ils ont paradoxalement obtenu leurs meilleurs scores : de 1970 à 1980 (année comprise) 204 Français d'Afrique du Nord ont été admis à l'X sur un total de 3.260 élèves, soit 6, 25%, un sur seize parmi ceux qui sont (relativement) les plus jeunes !

16 mars 2003 - René MAYER - X 47