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Pierre GOINARD (1903-1991)

Écrit par Georges Pélissier. Associe a la categorie Personnages scientifiques

La disparition du Professeur Pierre Goinard constitue incontestablement l'une des plus grandes pertes que la communauté pied noire pouvait connaître.

Au-delà du chagrin que cause à tous ceux qui ont eu l'honneur de l'approcher, et à tous nos compatriotes un peu avertis de leur histoire, la mort de Pierre Goinard laisse un grand vide au sein de cette communauté qu'il a tant et si bien défendue.

Nous avons perdu avec lui l'une de nos plus hautes autorités morales, un arbitre unanimement respecté, un conseiller précieux, un incomparable porte-parole, un militant pur, infatigable et efficace.

Notre revue a laissé à deux de ses confrères et amis, les docteurs Féry et Pélissier le soin de lui rendre hommage. Le premier en évoquant le grand algérianiste que fut Pierre Goinard, son oeuvre et son combat, jusqu'à la dernière heure, au service de ses compatriotes.

Raymond Féry, son camarade de " combat associatif ", président du Haut Comité de l'Algérianisme, était incontestablement le mieux placé pour ce faire. Quant à Georges Pélissier, fondateur avec le Pr Goinard du Syndicat des Médecins Rapatriés (qui devint plus tard I'AMCSROM (1)), qui aurait pu mieux que lui évoquer la carrière de l'éminent praticien dont il fut l'élève le plus proche, l'ami intime :

Je me contenterai pour ma part d'insister sur le rôle incomparable qu'a joué Pierre Goinard, pendant près de trente ans, dans notre vie associative.

Il a été le ciment de nos relations, celui qui montrait toujours la voie à suivre.

On connaît assez bien ce rôle public mais on connaît moins la masse immergée de l'iceberg, le travail énorme qu'il a mené inlassablement dans l'ombre, avec discrétion, pour conseiller, rapprocher ceux qui se divisèrent, soucieux sans cesse de notre cohésion et de nos objectifs essentiels.

La Providence a voulu qu'il fût le rédacteur de notre précédent éditorial, nous laissant, en quelque sorte, son testament d'algérianiste. Il nous faut relire ce texte dont chaque point, chacun des sous-titres, constitue un thème de réflexion et d'action.

Ce " testament " en six points résume parfaitement les axes sur lesquels Pierre Goinard avait choisi de faire porter l'essentiel de son action : le rétablissement de la vérité historique et la nécessaire union de nos forces trop dispersées. Deux axes prioritaires, certes, mais aussi conformes à ses qualités de cœur et à son sens de l'action.

 

 

Le Pr Goinard au Congrès international de chirurgie de Rome (mai 1960) en compagnie de Mme Goinard.
Née à Philippeville, Mme Goinard, de son nom de jeune fille Henriette Brigol, est, elle aussi, une Pied-noir de la 3° génération ; la première installation de ses aïeux en Algérie remontant à 1850.
Son arrière-grand-père maternel, Pierre Voisin, a été durant trente années, maire du Khroubs, petite bourgade proche de Constantine.
Quant à son père, Louis Brigol, ancien élève du lycée de Constantine, il occupa différents postes d'ingénieur des Ponts et chaussées, notamment à Sétif et à Philippeville et fut, en fin de carrière, chef du service de la colonisation au Gouvernement général de l'Algérie.
Docteur en médecine de la faculté d'Alger, Henriette Goinard n'a pas exercé la profession médicale après son mariage.

Je le revois encore, un samedi après-midi de cette fin d'année 1973, alors qu'avec quelques amis nous tenions au " Relais Saint Germain ", l'une des premières réunions du Cercle de Paris.

Il était venu nous annoncer la création d'une autre association culturelle pied-noir, le CDHA, et appelait de ses vœux le rapprochement entre ces deux groupements. Il sut trouver les mots pour nous convaincre et adhéra simultanément aux deux. Ce qui frappe dans son ultime message, c'est, une fois encore, la parfaite cohérence du personnage : un homme vrai, sincère, honnête et intelligent, aux sens pleins de ces termes.

Par ses qualités morales, intellectuelles, son militantisme et sa courtoisie chaleureuse, Pierre Goinard restera le modèle de ce que chaque algérianiste devrait s'efforcer d'être. Puissions-nous garder toujours ce modèle à l'esprit.

 

 

Le professeur et Mme Goinard lors d'une séance de signature de l'ouvrage " Algérie, l'œuvre française ". Tandis que le professeur rédige la dédicace, Mme Goinard devise avec les Pieds-Noirs qui se pressent autour d'eux.

(1) Association des Membres du Corps de Santé Rapatriés ou Originaires d'Outre- Mer.

In l'Algérianiste n° 53 de mars 1991