Avant que mes souvenirs ne s’effacent

Antoine Bayle

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« Avant que mes souvenirs ne s’effacent »

d’Antoine Bayle.

Antoine Bayle a fait paraître en 2013 son récit-témoignage de Pied-Noir, les souvenirs d’un homme de ce peuple marqué à vie par la tragédie du déracinement, par le chagrin indicible des innocents qui n’eurent souvent même pas un accueil en pitié.

Ayant le même âge que lui, l’auteur de ces lignes, comme lui jeune adolescent en 1962, avait rédigé une brève préface à cet ouvrage.

Aujourd’hui, alors que nos rangs s’éclaircissent inexorablement et que nos derniers témoignages doivent être recueillis religieusement, j’affirme qu’il faut relire ou lire Antoine Bayle. Oh, il ne manque pas d’écrits de ce genre, et les Pieds-Noirs, qui ont donné un grand Prix Nobel de littérature à la France, ont prouvé qu’ils savent bien écrire. Mais le livre d’Antoine Bayle est exemplaire : il est à mettre entre toutes les mains, notamment entre celles des plus jeunes, y compris des natifs du nouveau siècle, du nouveau millénaire. Ils devraient en être facilement édifiés.

D’abord parce que ce livre est bref (130 pages) en exprimant tout et d’abord le pays d’avant - et j’ose ici comparer les accents de Bayle à ceux de Camus, montrant comment des êtres vivants dans la pauvreté se sentaient riches et heureux en profonde harmonie avec le cadre naturel de leur vie de soleil et de mer, de senteurs dispensées à tous, riches de leurs différences et de leurs affinités.

Ensuite parce que ce récit d’une insupportable injustice et de cruautés sans nom est mené sans jamais le moindre excès, là où des hurlements de douleur auraient été admissibles. Antoine Bayle poursuit son histoire où après la fuite du terrorisme impitoyable, avec le déracinement, la pauvreté change radicalement de visage. Dans un nouvel environnement étranger à la compréhension et souvent prompt à l’agressivité, l’auteur nous montre cette ignominie : comment les innocents sont insultés et méprisés. Il dépeint le désarroi profond devant l’éparpillement des êtres provoquant la destruction des liens familiaux, de la solidarité si caractéristique d’un art de vivre balayé par la dispersion dans des régions inconnues, étranges et souvent hostiles.

Comment, dans cette situation, ces jeunes rejetés malgré eux n’ont-ils pas versé dans la délinquance ? Que cela aurait été compréhensible ! Mais il faut lire Antoine Bayle et constater sa pensée : à la méchanceté ignorante, il réagit toujours par sa réflexion d’autant plus profonde que tout cela lui est si difficile à constater.

Le livre d’Antoine est en même temps un récit désespérant et une leçon d’humanité. L’auteur n’a pas besoin de conjuguer le verbe espérer et de parler de résilience : il nous livre dans une totale simplicité le récit de ce qu’il a vécu, alors qu’il est aujourd’hui devenu Colonel de l’armée française.

Il se contente, avec une fermeté implacable, de dire que le 14 juillet 1997, il a été décoré de la légion d’honneur, à Marseille non loin des quais de la Joliette où tout juste 35 ans plus tôt, du bateau l’amenant d’Algérie et lui donnant les premiers regards de sa vie sur la France métropolitaine, il fut accueilli par des manifestations insultant les soi-disant « rapatriés » qu’on voulait empêcher de débarquer. Jusqu’où ces misérables devaient-ils être engloutis ?

Le livre d’Antoine Bayle s’ouvre et se ferme par l’évocation de ses parents, de cette génération dont la vie a été profondément mutilée dans la force de l’âge, définitivement sacrifiée.

Il faut aimer la France pour survivre dans son amour et son identité d’honneur, après avoir vécu de telles forfaitures.

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